Chapitre 23-1

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Je comprenais bien son dilemme et son sentiment, car moi non plus je ne m'expliquais pas cette sorte d'attirance que je ressentais depuis notre première rencontre. Non, attirance n'était pas le mot juste, ce n'était ni physique, ni sentimental mais plutôt comme si je le connaissais depuis toujours. Sa présence me paraissait naturelle et rassurante, sauf à l'instant présent. Tout ce qu'il me disait me semblait surréaliste et effrayant, un peu comme si j'étais coincée dans un rêve tordu et angoissant.

— Tous ça n'est pas réel, hein Nicolas ? S'il te plait, dis-moi que je suis juste bloquée dans un mauvais cauchemar !

— J'ai bien peur que non, Rose et j'en suis vraiment désolé.

Sa voix grave et triste me fit l'effet d'un uppercut à l'estomac quand l'horreur et l'inéluctabilité de la réalité éclatèrent soudain dans ma conscience.

— Mais je ne peux pas faire une infection, j'ai été soignée et...je n'ai même pas mal ! Je l'aurais senti, j'aurais...

— Malheureusement ce genre de chose passe très souvent inaperçue au début. C'est pour cela que c'est si grave d'ailleurs, me répondit Waahana qui venait de pénétrer dans la pièce sans que je ne m'en rende compte. Vous ne souffrez pas car la bactérie est passée dans votre sang.

L'espace d'une seconde, l'idée qu'ils me mentent pour que j'accepte d'être changé en monstre me traversa l'esprit. Mais un simple coup d'œil à Nicolas, ainsi qu'une certitude viscérale autant qu'inexplicable, me certifièrent que non. Il n'avait clairement pas plus envie que moi de faire ça. Mais il s'y résoudrait, si cela avait une chance de me sauver la vie.

— Comment...comment ça va se passer ?

— Il faut que mon loup te...

Nicolas s'interrompit visiblement un peu agacé, quand Waahana s'approcha du lit, un plateau dans les mains.

— Je sais que ce n'est pas le meilleur moment, mais vous devez manger un peu, me dit-elle en posant le plateau sur la table de nuit. Vous aussi Nicolas, lui ordonna-t-elle gentiment avant de sortir une nouvelle fois en fermant la porte derrière elle.

J'avisai brièvement le contenu du plateau mais rien qu'à la voir la nourriture me donnait la nausée. Je n'avais pas faim. Je me sentais trop mal, trop apeurée, trop stressée, trop...tout pour ne serait-ce que penser à manger. Nicolas devait être dans le même état d'esprit que moi car il ne jeta même pas un coup d'œil aux victuailles.

— Rose, je ne vais pas te mentir, ce ne sera agréable ni pour toi ni pour moi. Mais as-tu vraiment un autre choix ? Je m'étais juré de ne jamais transformer personne contre sa volonté, mais là j'avoue être presque tenter de le faire, même si tu refuses...et ça me terrifie.

— Tu le ferais vraiment ?

— Te forcer ? Non, me répondit-il dans un soupir rageur. Si tu ne le veux pas, je ne le ferais pas. Mais...tu ne vas pas refuser ?

— J'ai perdu ma mère il y a peu de temps, commençai-je à lui avouer en me redressant péniblement contre la tête du lit. Nous étions très proches et j'ai...j'ai eu du mal à remonter la pente, j'avoue avoir même penser au pire par moment. Mais toute cette histoire avec Cat...ça m'a redonné l'envie de vivre, l'envie de me battre et c'est là que...

Je m'arrêtai, submergée par l'émotion et l'ironie suprême de la situation.

— Alors dis oui, avant que je ne réalise vraiment ce que je te propose et que je change d'avis !

— Mais j'ai peur ! m'exclamai-je, alors que les larmes se mettaient à couler le long de mes joues.

— Moi aussi, m'avoua-t-il simplement en se levant. Je vais te laisser réfléchir et...

— Non ! Enfin je veux dire, oui ! m'embrouillai-je, dans ma précipitation à l'empêcher de partir. J'accepte mais...ne me laisse pas seule.

— Tu es certaine ?

— Non, mais je ne le serais pas plus dans dix minutes, une heure ou même un siècle ! Comme tu l'as dit, je n'ai pas beaucoup d'autres options et si je réfléchis trop...Fais-le et c'est tout !

Je vis un mélange de soulagement, de peur et d'appréhension, passer sur le visage de Nicolas tandis qu'il s'arrêtait au milieu de la pièce.

— Il faut que je prévienne Thomas de ta décision et...il faut que je change...

— Fais-le ici.

— Quoi ! Devant toi, tu veux dire ?

— Oui, lui répondis-je d'une voix soudain timide devant la véhémence de sa réaction.

— Non Rose, ce n'est pas une bonne idée, tempéra-t-il sa réponse, conscient de m'avoir surprise.

— Et pourquoi pas ? repris-je un peu plus véhémente. Tout au moins, autant que mes forces déclinantes me le permettaient. Tu crains que je prenne peur et que je te demande d'arrêter ?

— Je ne le crains pas non, je le sais ! m'assena-t-il en avançant de deux pas menaçant vers moi. Tu vas être horrifiée et terrorisée et c'est normal, bordel ! Mais une fois que ma transformation sera amorcée je ne pourrais plus rien stopper ! Que tu le veuilles toujours ou non...ce sera trop tard.

— Et qu'est-ce que cela changera, si tu « changes » ailleurs ?

— Cela changera que je risque de perdre le contrôle de mon loup s'il est excité par ta terreur. Ce qui ne manquera pas d'arriver si tu assistes à ta première transformation en direct.

Un brusque accés de faiblesse me terrassa et je me sentis partir, avant de parvenir à me maintenir dans la réalité avec ce qu'il me restait de volonté. Quelque part je comprenais son point de vue, mais même si c'était idiot, j'avais besoin de voir, de rendre ça concret.

— Maintenant que je suis prévenue, ce sera différent...

— Ne crois pas ça, me dit-il d'une voix grondante, tandis que ses yeux changeaient subtilement de forme et devenaient jaunes et luisant.

— S'il te plait, j'ai besoin de voir...murmurai-je dans un souffle suppliant.

Je le vis serrer les points et baisser ses paupières sur ses iris brulantes, tandis qu'il essayait d'endiguer sa colère et son indécision.

— On sera là, s'il faut, affirma Thomas en entrant dans la pièce, accompagné d'un homme brun que je n'avais jamais vu.

— Vous ne ferez peut-être pas le poids, les prévint Nicolas en se tournant brusquement vers eux, lèvres retroussées sur ses dents.

— C'est déjà amorcé. Tu n'as plus beaucoup de temps et elle attire ton loup, je le sens.

— Elle l'attire car c'est une proie facile et c'est justement ce qui m'inquiète.

— Il n'y a pas que ça et tu le sais. Tu le sens toi aussi. Mais nous en parlerons plus tard. Là tu dois relâcher ton contrôle, maintenant.

Il fit signe à l'autre homme de sortir et avant de le suivre, se tourna vers moi.

— Rose, maintenant que c'est en route vous ne pouvez plus rien arrêter. Vous avez fait votre choix, rappelez-vous bien de ça et surtout...ne fuyez pas !

Puis sur ces très rassurantes et encourageantes paroles, il sortit et ferma la porte, me laissant seule avec un loup-garou en pleine transformation. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant