Chapitre 33-2

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— Et pourquoi ça ? Parce que je suis une femme ? lui demandai-je, piquée au vif par sa réponse immédiate et intransigeante.

— Bien sûr que non ! me répondit-il dans un grognement énervé, son regard furieux braqué dans le mien. Je ne veux pas car tu n'es pas...tu ne sais pas te battre ! Tu ne te rends pas compte que c'est complétement idiot comme suggestion !

— Parce qu'y aller tout seul, c'est plus intelligent peut-être ? lui rétorquai-je avec hargne.

— Tu n'as aucune idée de ce dont je suis capable, me murmura-t-il dans un grondement menaçant qui me fit frissonner, tandis que mon nouvel instinct me dictait de faire profil bas.

— Son idée n'est peut-être pas si idiote que ça ? intervint Khyn en pénétrant dans la pièce, me faisant soudain prendre conscience de son absence, que je n'avais même pas remarqué.

— Toi, le rapace mité, on ne t'a pas sonné ! le rabroua méchamment Nicolas dans un mouvement d'humeur menaçant.

Je ne l'avais encore jamais vu comme ça. Il se dégageait de lui une aura de fureur qu'il ne cherchait plus à dissimuler et je me rendis compte à cet instant qu'il avait raison...je ne le connaissais pas. Je n'avais aucune idée de sa puissance, ni de quoi il était réellement capable. Sauf que j'étais enchainée à lui et cette soudaine prise de conscience me submergea.

J'étais dans le couloir avant même que les occupants de la pièce n'aient pu anticiper mon mouvement. Je n'avais plus qu'une idée en tête, une seul impératif, sortir d'ici. Je me mis à courir, aveuglé par mes larmes qui s'étaient mises à couler soudainement. J'avançai en titubant sans trop savoir où j'allais. Ces coursives tortueuses me paraissaient interminables, tandis que je continuai ma fuite éperdue.

Cette fois-ci ce n'était pas mon nouvel instinct de louve qui me guidait, mais une angoisse sourde et profonde née de ma subite et horrible prise de conscience. Je ne contrôlais plus rien, je voulais juste sortir de ce tombeau de béton, maintenant. Au détour d'un nouveau coude, j'aperçus enfin une porte. Une porte métallique épaisse devant laquelle se tenait un jeune homme, qui avait l'air de s'ennuyer à mourir.

Avant même d'en avoir pleinement conscience, je l'avais écarté de mon chemin d'un simple revers de la main avant de déverrouiller la porte et de me ruer dehors.

L'odeur caractéristique d'un sous-bois en automne me percuta de plein fouet, emplissant mes narines de son parfum d'humus. Je m'arrêtai au bout de quelques pas et restai là, à respirer l'air pur. Je me sentais revivre alors qu'une douce bruine tombait, recouvrant mon visage de ses fines gouttelettes purifiantes.

— Rose ?

Mon prénom, bien que murmuré, me parut claquer comme un coup de fouet dans le silence feutré de la forêt. Je tressaillis mais ne me retournai pas. Il ne pouvait pas me laisser tranquille cinq minutes !

— Rose, je suis désolé de t'avoir effrayé, reprit Nicolas d'une voix calme et mesurée. Viens, ne reste pas seule dehors, ce n'est pas...

— Tu as peur de quoi au juste ? Que je me sauve ? lui demandai-je d'une voix où se mêlait sarcasme et désespoir. Pour m'enfuir où, hein ? Je n'ai plus nulle-part où aller ! criai-je en me retournant, des larmes pleins les yeux.

— Tu te trompes, affirma-t-il en avançant d'un pas, la main tendue dans ma direction. Tu nous as nous. Tu fais partie des nôtres à présent, nous sommes ta nouvelle famille.

— Et si je n'en ai pas envie ? lui rétorquai-je perfidement.

— Rien ne t'empêchera de retourner vivre parmis les humains, mais seulement lorsque tu auras appris à te maîtriser complètement.

— Tu veux dire que jusque-là, je suis ta prisonnière ?

— Mais non...bien sûr que non, voyons !

— Donc je peux partir, là tout de suite, tu ne me retiendras pas ?

— Rose, mais qu'est-ce qu'il t'arrive d'un seul coup ?

— Je crois que cela s'appelle la prise de conscience et crois-moi...ça fait mal !

Ses yeux se teintèrent soudain d'une lueur jaune tandis qu'une vague de résolution teintée d'agacement traversait son regard alors qu'il fondait sur moi. Je tentai de reculer pour lui échapper mais dans ma précipitation je m'emmêlai les pieds et perdis l'équilibre. C'est sans aucune difficulté qu'il m'attrapa les bras avant que je ne tombe à la renverse et d'un geste vif, m'attira contre lui.

— Rose, j'ai été maladroit mais je tiens à toi, m'avoua-t-il dans un chuchotement sincère, ses lèvres à quelques centimètres des miennes. Si je ne veux pas que tu m'accompagnes, c'est parce que j'ai peur pour toi.

— Ce n'était pas une raison pour être agressif et blessant, lui rétorquai-je en me reculant le plus possible pour ne pas me laisser hypnotiser par son regard sombre.

— C'est vrai. Je vais t'avouer une chose, Rose...je suis aussi perdue que toi. Toute cette situation est inédite pour moi. Je m'étais promis de ne jamais transformer personne et...te voilà. Te voilà et je ne suis plus seul...enfin.

Malgré ma détresse, je ressentis son aveux avec une telle intensité que je faillis flancher. Mais ce qu'il venait de se passer était encore trop présent pour que je l'ignore.

— Ce sera toujours comme ça entre nous ? Tu me donneras des ordres auxquels je serais forcée d'obéir, sans le moindre libre arbitre ?

Il ne me répondit pas tout de suite, cherchant visiblement les mots justes pour ne pas me braquer d'avantage.

— Non, ce ne sera pas toujours comme ça, mais...je suis et je reste un dominant et ton Alpha, ce qui signifie qu'il y a des moments où tu devras m'obéir, pour ton bien ou celui de la meute.

— Et si je ne suis pas d'accord avec toi ?

— On...pourra en discuter, me dit-il du bout des lèvres.

Un petit rire ironique et sans joie m'échappa alors que je me dégageais de sa prise.

— Tu crois vraiment que...

Un cri bref mais clairement humain (ou métamorphe) retentit soudain, me coupant la parole et me glaçant les os. Nicolas fut de nouveau sur moi en une demi-seconde et me saisissant une nouvelle fois par le poignet, me tira derrière lui.

— Dépêche-toi Rose, il faut rentrer à l'intérieur, me chuchota-t-il dans l'oreille en continuant à m'entraîner avec lui.

Apeurée, je me laissais faire sans rechigner. Nous étions quasiment parvenus à la porte lorsque de nouveaux cris percèrent le silence et qu'une nuée de projectiles s'abattait sur nous nous coupant toute retraite. Nicolas dans un mouvement fluide et ultra rapide se retourna et me plaquant contre lui de toute sa force me protégea de son corps, tandis qu'il tressautait sous les impacts multiples qui le frappait sans que je ne puisse rien faire pour l'aider.

Horrifiée je voulu crier à l'aide mais aucun son ne sortit de ma gorge serrée par la peur, tandis que le corps de Nicolas se relâchait, nous envoyant tous deux au sol.

— Sauve-toi, réussit-il à annoner en me fixant une dernière fois de ses yeux vitreux.

Non ce n'était pas possible, je devais être en train de faire un cauchemar ! Que faisaient les autres, pourquoi ne venaient-ils pas à notre secours ? Frénétiquement j'essayai de m'extirper de sous le corps inanimé de Nicolas. Il fallait que je lui trouve de l'aide, vite. C'était un loup-garou, il avait peut-être une chance de s'en sortir ? essayai-je de me persuader, le cœur serré par la peur et la peine. C'est à l'instant où je parvins à me redresser à-demi que je vis les fléchettes plantées dans son dos. Dieu merci, il n'était pas mort, juste...

— Trop tard ! Tu n'es pas assez rapide, petite louve, me susurra Ivory en s'approchant de moi, un sourire maléfique sur les lèvres.

Avant que je n'ai le temps d'esquisser le moindre mouvement de fuite, il leva nonchalamment la jambe et d'un violent coup de pied en plein visage, m'envoya au tapis et dans le néant. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant