Chapitre 31-1

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Malgré ses sous-entendus, ce fut un baiser doux et plein de tendresse qui n'excéda pas plus de quelques secondes, avant de se transformer rapidement en une étreinte réconfortante dans laquelle je me laissai aller avec reconnaissance.

— Je ne sais pas plus que toi ce qu'il nous arrive, me murmura Nicolas.

J'étais confortablement blottis dans le creux de ses bras, son souffla caressant mes cheveux.

— Toi aussi tu crains que ce ne soit pas naturel ? lui demandai-je d'une voix où pointait encore un peu de ma honte et de ma gêne d'avoir fait le premier pas.

— Tu m'as certainement envouté...sorcière, susurra-t-il à mon oreille.

Il avait beau l'avoir dit sur le ton de la plaisanterie, le sujet était toujours sensible pour moi et me fit réagir au quart de tour.

— Rose, c'était une plaisanterie, me dit-il en cherchant mon regard tout en essayant de m'attirer de nouveau contre lui. C'est peut-être simplement le destin, la chance, le début de quelque chose ou de rien...on ne peut pas savoir et franchement...ça m'est égal, ajouta-t-il dans un soupir. Avec tout ce qu'il se passe en ce moment, tous ces bouleversements, nous ne savons même pas si dans quelques heures nous ne serons pas en guerre, alors, pourquoi se prendre la tête ?

Je le regardai pendant quelques instants. Son visage fatigué, ses yeux voilés par l'incertitude, ses vêtements froissés d'avoir passé tant d'heure sans dormir et je sus qu'il avait raison. Lorsque nous serions sortis de cette crise sans précédent, nous aurions le luxe de nous interroger sur ce que nous ressentions vraiment l'un pour l'autre, mais pour le moment, nous avions surtout besoin de réconfort et d'une présence à nos côtés. Dans un nouveau soupir vaincu, je retournai me blottir contre lui mais sans l'embrasser cette fois-ci, son étreinte me suffisait. Je me sentais provisoirement en sécurité et surtout...je n'étais plus seule.

Nous restâmes ainsi, sans dire un mot, ni faire un mouvement, comme si le temps s'était momentanément suspendu.

— Je viens de dormir pendant trois jours entiers, comme se peut-il que j'aie encore sommeil ? demandai-je à Nicolas en réprimant un bâillement, me sentant irrésistiblement attirée par une douce torpeur.

— C'est normal, me répondit-il aussitôt, apparemment plus sur le qui-vive que moi. Même si tu ne t'en rends pas compte, ton corps est en train de subir des changements très importants et cela durera tant que le virus n'aura pas intégralement colonisé toutes tes cellules. Durant cette période, tu auras besoin de beaucoup de sommeil, beaucoup plus que d'ordinaire.

— J'ai bien entendu ? C'est un virus ! Comme...comme la grippe ?

— Non, pas exactement, me répondit-il avec un petit rire. Virus dans le sens où il modifie l'ADN de tes cellules, mais personne ne nous a étudier d'assez près pour en savoir plus. C'est plutôt une hypothèse qu'autre chose.

— Cette phase...d'adaptation dure combien de temps, exactement ? lui demandai-je encore, avide d'en apprendre le plus possible sur ma nouvelle nature.

— C'est variable d'une personne à l'autre mais quand elle prend fin...tu le sais, dit-il en rigolant de nouveau doucement dans mes cheveux.

— Pourquoi ça ?

— C'est à ce moment-là que se produit ta première métamorphose, avant c'est impossible.

— Comment ça ? m'étonnai-je en me décalant légèrement dans son étreinte relâchée pour pouvoir le regarder. Pourtant dans le couloir...cette douleur atroce...

— Ce n'était que les prémices. La capacité à te transformer en louve est déjà en toi, mais ton corps lui, n'est pas encore tout à fait prêt.

— Il se serait passé quoi si tu ne m'avais pas aidé à reprendre le contrôle ?

— Tu aurais tout de même amorcée une transformation...qui aurait été horriblement douloureuse et ne serait pas aller à son terme. Mais heureusement ce n'est pas arrivé et cela ne se produira pas, me rassura-t-il. Le moment venu je serais là pour te guider et tout se passera bien.

— Mais si Whisper ne te laisse pas faire ? lui demandai-je anxieuse, tandis qu'une vague d'approbation de mauvais augure, inondait mes sens.

— Whisper ?

— C'est le nom que je lui ai donné, lui avouai-je timidement. C'est ridicule, je sais.

— Non, pas du tout, me rassura-t-il en relevant doucement mon visage de sa main. C'est juste...inhabituel, si tôt après une transformation.

— Ton loup n'a pas de nom ?

— Si, il en a un. C'est plus un surnom, en fait, mais ce n'est pas moi qui le lui ai donné.

— Ah bon ! Qui alors ?

— Ma famille, me dit-il d'une voix sourde, son regard soudain voilé de tristesse.

Émue et gênée de l'avoir rendu triste en lui rappelant de mauvais souvenirs, je lui serrai doucement la main, n'osant plus lui poser d'autres questions.

— Ils nous surnommaient Ombre Fauve, ajouta-t-il finalement avec un petit sourire triste. Car mon pelage a presque la même couleur que celui d'un renard et que je suis discret et rapide, comme une ombre. C'est finalement devenu notre nom et il me plait.

— Pourquoi, passes-tu du « je » au « nous » sans arrêt ? lui demandai-je, déroutée.

— Rose, les loups-garous ne font qu'un avec leur loup. Même si notre forme animale, notre loup à sa personnalité propre, nous sommes indissociables. Je m'emmêle un peu les crayons car j'essaie de t'expliquer sans t'effrayer. Pourquoi Whisper ? me demanda-t-il visiblement désireux de changer de sujet.

— Parce qu'elle murmure dans ma tête, lui avouai-je avec réticence. Ça s'est imposé à moi comme une évidence et...

— Oui ? m'encouragea-t-il à poursuivre.

— ça lui ressemble. C'est un nom qui colle bien avec son pelage clair...mais je ne devrais pas savoir ça ? lui demandai-je en avisant son regard surpris.

— Non, en effet, me répondit-il d'une voix blanche. Pas avant ta première métamorphose en tout cas.

— C'est vraiment un problème, que je sois...pas cent pour cent humaine ?

— Juste une légère complication, me dit-il avec un sourire pour atténuer ses propos. Un problème...on ne sait pas encore. Au final, ce sera peut-être un atout extraordinaire

— ...ou une catastrophe, achevai-je à sa place. Personne ne peut nous aider, nous renseigner ?

— Je me croyais le dernier loup garou encore vivant, il y a encore quelques jours ! s'exclama-t-il. Nous obtiendrons des réponses, mais cela risque de prendre du temps. Ne t'inquiète pas pour des choses que tu ne pourras de toute façon pas changer, Rose. Ça ira, j'en suis sûr, ajouta-t-il en se saisissant du plateau, resté quasiment intacte, qu'il alla posé sur la commode.

— Si nous nous reposions un peu maintenant ? Nous n'avons plus beaucoup de temps.

Sa voix était lasse et ses yeux inquiets et fatigués. J'arrêtai donc de le questionner et vint m'étendre près de lui sur le lit. Il m'enlaça doucement, posa sa tête sur mon épaule et s'endormit presque aussitôt. J'attendis quelques minutes que sa respiration soit lente et régulière avant de me dégager avec précaution.

Je n'aurais su expliquer pourquoi, mais cette proximité me dérangeait. Nous nous connaissions à peine et dormir ensemble me paraissait...trop ! C'était très certainement idiot mais on ne balaye pas son éducation comme ça, du jour au lendemain. Je restai donc allongée près de lui, sur le dos, à fixer le plafond sans parvenir à trouver le sommeil. Trop de questions, de peurs, d'incertitudes sur l'avenir, tournaient en boucle dans mon cerveau pour que j'arrive à m'assoupir. Ce qui, au final, fut très certainement un bien car à peine quelques minutes plus tard, quelqu'un frappa sèchement à la porte, avant d'ouvrir la porte.

— Nicolas, il faut que tu viennes...ça bouge du côté des humains. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant