Chapitre 26-2

7K 848 157
                                    


— Pas seul...quoi ? Loup garou ? s'exclama Aaron en s'agenouillant devant Nicolas dans l'intention d'examiner sa blessure.

— C'est ce que j'ai compris en tout cas.

— Tu penses qu'il pourrait en être un ? l'interrogea à son tour Thomas en ramassant une des chaises tombées pendant la bagarre.

— Je ne pense pas, lui répondit-il entre ses dents serrées, tandis qu'Aaron le forçait à retirer sa main de son épaule. Je l'aurais senti.

— Pas obligatoirement. Tu ne le connais pas et tu n'es pas habitué à interagir avec les tiens. Sans compter que je crois ce petit salopard, très vieux. Il a peut-être appris une technique pour dissimuler sa nature ? proposa Aaron. En tous les cas, il ne t'a pas raté. C'est un coup de chance qu'il n'ait pas touché l'artère sous clavière. Tu peux bouger ton bras ?

— Mais oui, ne t'inquiètes pas. Je sens que c'est déjà en train de cicatriser. Dans un ou deux jours ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir.

— À ce rythme-là tu vas bientôt guérir plus vite que nous ! commenta Aaron en se relevant avant d'essuyer nonchalamment ses mains pleines de sang sur son pantalon. C'est impressionnant comme le lien de meute agis vite, murmura-t-il pour lui-même en nous fixant d'un regard concentré.

Nicolas ne releva pas la remarque mais le regard pensif qu'il me lança m'intrigua, même si j'étais trop épuisée pour approfondir la question.

— S'il n'est pas un loup garou, que peut-il être ? demandai-je d'une voix enrouée, ne trouvant pas encore la force de me relever.

— Il s'est présenté comme un métamorphe loup de la plus grande meute de la région. Même si je n'aime pas leur leader, je n'avais aucune raison de me méfier, me répondit Thomas sur un ton un peu coupable.

— Vous n'avez pas moyen de vous reconnaitre entre vous ? demandai-je sans réfléchir avant de me demander si ma question n'était pas indiscrète et maladroite.

— Normalement oui, nous dégageons des ondes particulières seulement perceptibles par les autres métamorphes. Mais certains d'entre nous, n'en ont pas ou très peu, ou alors savent les dissimuler.

Je me souvins des ondes particulières que j'avais ressenti au manoir d'Aaron. Je n'étais pourtant pas une métamorphe, alors pourquoi les avais-je perçus ? J'étais tentée de poser la question mais quelque chose m'en empêcha.

— Comment faites-vous dans ce cas ? me contentai-je donc de lui demander.

— Jusqu'à maintenant nous n'avions pas vraiment de raison de nous méfier. Depuis la trêve des bois du Drasill, les chefs de clans n'ont plus le droit d'agrandir leur territoire en attaquant les autres clans plus faibles...

— ...et comme les humains n'étaient pas au courant de notre existence, nous n'avions aucune raison de prendre garde aux nôtres, continua Nicolas en me serrant doucement la main, tandis qu'il remerciait silencieusement Thomas du regard pour ses explications qu'il n'était pas du tout obligé de me fournir.

Même si je ne comprenais pas tout, j'étais insatiable d'en apprendre plus sur ce monde. J'en avais même besoin. Besoin pour que tout cela paraisse plus réel, besoin pour m'encrer dans cette nouvelle réalité complexe et besoin pour ne pas m'effondrer complètement. Ce qui allait sans nul doute arriver si je relâchais mon attention ne serait-ce qu'une seconde, ma vision de plus en plus floue et mes oreilles qui bourdonnaient ne trompaient pas.

— Pourquoi tu...vous n'aimiez pas son clan ? Enfin, celui dont-il prétendait venir, me repris-je maladroitement commençant à avoir beaucoup de mal à associer mes idées.

— Leur chef de clan, Daphné, est autoritaire et avide de pouvoir. Cette femme est dangereuse. Elle et toute sa famille, même si sa nièce m'a sauvé la vie ainsi qu'à quelques autres métamorphes, il y a très peu de temps.

— Tu veux parler d'Hannah ! s'exclama Aaron. Hannah Moore, la fille de Charles ?

Thomas se contenta de lui répondre d'un signe de tête.

— Vous ne saviez pas que c'était elle qui apparaissait sur la vidéo qui circule sur internet ? ajouta-t-il finalement, apparemment surpris de le leur apprendre.

— Sérieusement ? Je savais juste que c'était un aigle, pas mademoiselle la reine des glaces en personne ! Son père va l'assassiner, s'exclama Aaron.

— Pour ça, il faudrait déjà qu'il la trouve, lui rétorqua Thomas. Elle, Jude, ainsi que plusieurs autres métamorphes importants, dont Charles, ont disparu de la surface de la terre.

— J'espère que tu plaisantes ?

— Non. Je les ai peu côtoyés mais s'ils ont agi comme cela, c'est qu'ils n'ont pas eu le choix.

— Pas le choix ? De nous jeter en pâture aux humains ! grinça Akshay qui venait de nous rejoindre, encore légèrement essoufflé d'avoir dû courir après Ivory. Leur ignorance était notre sécurité !

— Mais ouvrez les yeux ! Ils étaient déjà au courant ! Une branche de l'armé, tout au moins. Cela fait des années qu'ils enlèvent des métamorphes pour pratiquer leurs expériences tordues. C'était tellement sporadique que personne n'avait fait le lien, mais depuis quelques mois cela ne cessait de s'intensifier.

— Vous ne communiquer donc pas entre vous ! ne pus-je m'empêcher de m'exclamer devant les mines surprises et les yeux ronds des trois hommes.

Je n'avais aucune idée de qui il parlait mais il me semblait qu'ils auraient se rendre compte de la disparition des leurs quand-même !

— Non ! me répondit Thomas d'un ton rageur qui fit légèrement gronder Nicolas. Et cela va peut-être causer notre perte ! D'après le peu d'infos que j'ai eu, ils avaient obtenu les données qu'ils voulaient et s'apprêtait à nous exterminer pour pouvoir garder le secret pour eux et transformer leurs découvertes en armes de guerre.

— Si ce que tu dis est vrai, pourquoi avoir inoculé à Cat, une drogue qui nous a fait perdre tout contrôle ? Pour la discrétion, il y a mieux, fit remarquer Aaron.

— C'est le plan B ! rugit Nicolas d'une voix grave, son visage marqué par une soudaine inquiétude. Comme la discrétion n'a pas fonctionné, ils vont essayer de nous faire passer pour des monstres incontrôlables ! Vous imaginez l'effet de cette drogue sur un groupe lâché au milieu d'une foule ?

Je vis l'horreur puis la panique envahir les visages des trois hommes.

— Merde ! s'écria Aaron en écrasant son poing sur la table qui gémit sous l'impact.

C'est à cet instant que mes forces restantes m'abandonnèrent et que je me sentie partir en arrière. Dans une exclamation surprise Nicolas se pencha et me retint in-extrémis par le poignet, me ramenant brusquement à la réalité.

— Rose a besoin de repos, dit-il en me prenant dans ses bras, avant de se relever à la seule force de ses jambes.

Incapable de protester, je le laissai m'emmener vers la porte, mais au moment de la franchir il eut un instant d'hésitation en jetant un coup d'œil à la discussion houleuse qui se jouait entres les trois métamorphes, à quelques mètres de nous. Son dilemme était flagrant, néanmoins il ne lui fallut que quelques secondes pour se décider à franchir la porte. J'étais tellement épuisée que je ne parvenais plus à garder les yeux ouverts malgré la curiosité qui me tenaillait.

J'entendis plus que je ne vis, Nicolas ouvrir une porte et me déposer délicatement sur un matelas moelleux qui sentait l'adoucissant à la lavande, les sous-bois et une pointe d'humidité. Ses détails olfactifs me firent ouvrir brièvement les yeux, juste le temps d'apercevoir Nicolas qui se penchait vers moi.

— Repose-toi Rose, tu en as besoin, me murmura-t-il en me caressant doucement les cheveux. Je reviens très vite, ajouta-t-il avant de se reculer et de sortir de la pièce, me laissant seule.

Pendant une brève seconde, j'eu envie de le rappeler mais le sommeil fut plus fort que ma peur idiote de la solitude et je plongeai dans les bras de Morphée avant d'avoir eu le temps d'émettre un son. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant