Chapitre 34-1

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Je crois que c'est la douleur qui me sortit du néant où j'étais plongé. Une douleur insidieuse et pulsatile qui irradiait du côté droit de mon visage, me donnant un mal de tête atroce. Je voulu porter ma main à ma tempe, dans un geste instinctif et inutile de soulagement, mais mon bras refusa de bouger. J'insistai et réitérai mon geste avec plus de force, avant de prendre conscience que quelque chose retenait mon bras...j'étais attachée !

Cette révélation agit sur moi comme un électrochoc qui termina de me sortir de ma torpeur cotonneuse, tandis que je m'acharnais, sans succès, à tenter de me libérer de mes liens. Je m'épuisai en quelques secondes et dû cesser mes efforts inutiles alors qu'une vague de nausée me terrassait, me laissant un horrible goût douçâtre et médicamenteux dans la gorge.

J'avais été droguée, réalisai-je alors que je peinai à retrouver une respiration normale malgré tous mes efforts. Je ne devais pas paniquer, me calmer et surtout comprendre ce qu'il s'était passé et où je me trouvais. Mes souvenirs étaient flous mais à force de concentration je parvins à en rassembler les bribes éparses...Nicolas ! Nerveusement je regardai autour de moi, espérant le trouver non loin, vivant. Mais tout ce que je vis fut des murs carrelés de blanc et des étagères remplis de matériels de laboratoire. J'étais attachée à une sorte de table d'opération partiellement relevée, retenue par des liens en cuirs aux poignets et aux chevilles.

Dans un dernier sursaut je tentai de faire appel à ma louve, j'étais bien sensé avoir une force décuplée depuis ma transformation ? Mais j'eus beau m'acharner une nouvelle fois sur mes entraves...rien n'y fit. C'est alors qu'une porte s'ouvrit et qu'une personne pénétra dans la pièce. Comme elle arrivait derrière mon dos je ne pouvais pas la voir, mais les applaudissements accompagnés du petit rire moqueur qui retentit soudain dans la pièce silencieuse, me donna instantanément des sueurs froides.

— Combative à ce que je vois, jeune louve, ricana Ivory en apparaissant devant moi. Mais t'agiter de la sorte ne te mèneras à rien. Ces liens, ainsi que la drogue que l'on t'a injecté, ont été spécialement crées pour contenir et retenir des métamorphes. Tu n'iras nulle-part.

— Où est Nicolas ? Où sommes-nous ? Qu'est-ce que vous nous voulez ?

— Oh la la, que de questions ! me répondit-il d'un ton moqueur, tout en s'asseyant nonchalamment sur l'un des plans de travails. Voyons...à laquelle répondre en premier ?

Alors qu'il m'observait de son regard narquois et mauvais, je sentis mon impuissance se transformer en rage. Une rage brute et implacable qui semblait monter du plus profond de mon être. Je cherchais la nouvelle force brute et sauvage qui m'habitait désormais, mais ne rencontrais qu'un balbutiement, comme si elle aussi était prisonnière.

— Où est Nicolas ? lui redemandai-je à nouveau, ma haine se déversant hors de ma bouche en même temps que mes mots.

— Comme c'est apparemment la question la plus importante à tes yeux...je vais répondre aux autres en priorité! me dit-il dans un rictus sardonique. Si vous vous trouvez dans cette fâcheuse situation ma belle, c'est en grande partie, à cause de toi ! Car, vois-tu, si tu n'avais pas suggéré à ces idiots de métamorphes d'envoyer Nicolas à cette rencontre avec les humains...nous n'aurions pas eu à recourir à de telles extrémités.

— C'est vous qui avez enlevé Cat ? m'écriai-je, abasourdie par l'évidence qui se faisait jour dans mon pauvre cerveau épuisé.

— Oui...et non ! Disons que lorsque cette providentielle vidéo est sortie du bois, nous nous sommes très rapidement associés...aux bonnes personnes. Celles qui croient nous utiliser autant que nous, nous les utilisons. Mais au final, on sait très bien tous les deux qui sera perdant, me susurra-t-il en s'approchant de moi.

Cet homme, ou quoi qu'il fut réellement, me révulsait tellement que même consciente de ne pouvoir bouger, je tentai par réflexe d'éviter son contact lorsque ses doigts frôlèrent ma joue, traçant une caresse jusqu'à ma tempe.

— Ne me touchez pas ! lui criai-je en m'agitant de plus belle.

— Du calme, tu n'es absolument pas mon type de toute façon, me chuchota-t-il à l'oreille en ricanant.

Puis d'un mouvement brusque il se saisit des montants de la table sur laquelle je me trouvais et la fit pivoter d'un quart de tour, me mettant face à un grand miroir rectangulaire. La première chose à laquelle il me fit instantanément penser fut à une salle d'interrogatoire. On aurait dit un miroir sans tain et le reflet qu'il me renvoyait n'était guère flatteur, ni rassurant.

J'étais presque méconnaissable. Un énorme hématome fleurissait sur tous le côté droit de mon visage et mes cheveux sales, emmêlés et couvert de débris végétaux retombaient mollement, me donnant l'air d'une naufragée. Mes vêtements couverts de taches et déchirés par endroit complétaient le tableau. J'avais l'air de ce que j'étais...une victime !

Pendant ma contemplation atterrée, Ivory s'était écarté de moi et approché du mur jouxtant le miroir, la main à quelques centimètres d'un interrupteur métallique.

— Tu voulais savoir où se trouvait ton cher Alpha ? Il est de l'autre côté de ce miroir. Fais-lui coucou ! Oh oui, c'est vrai désolé, tu ne peux pas ! s'esclaffa-t-il méchamment. En même temps, je ne suis pas certain qu'il ait le temps de s'intéresser à la vue, ajouta-t-il d'une voix dure en basculant l'un des boutons.

Aussitôt, des cris de souffrances entrecoupés de bruits écœurants, envahirent la pièce. Je sentis mon cœur me remonter dans la gorge à la seconde où je compris ce que j'entendais.

— Arrêtez ! Arrêtez ça tout de suite ! lui ordonnai-je frénétiquement en tirant inutilement sur mes liens. Pourquoi vous faites ça ?

— Oh...pour plusieurs raisons en fait, me répondit-il nonchalamment. Il connait des informations dont nous avons besoin et...nous en profitons pour étudier ta réaction. Souris petite louve, tu es filmé.

Son regard réjoui, presque jouissif, devant ma détresse et mon impuissance, me terrifia autant qu'il me mit en rage. Mais pas autant que les sons atroces qui me parvenait encore par les haut-parleurs. Avec une détermination que je ne me connaissais pas, je me concentrai intensément sur ma louve intérieure, cette partie sauvage et primale que je savais posséder désormais. Elle était là, mais comme séparée de moi par une barrière invisible et ultra solide qui l'empêchait de m'atteindre et de répondre à mon appel. J'insistai néanmoins, à tel point que je sentis des gouttes de sueurs commencer à perler sur mon front tandis que je forçais sur mes liens en même temps que sur mon esprit.

— Tu t'épuises pour rien, jeune louve. Tu ne pourras pas briser ces barrières physiques et chimiques. Ton Alpha aussi à essayer, sans succès ! se vanta-t-il avec délectation. Comme quoi, ces humains peuvent se révéler utile quand ils veulent.

C'est alors qu'un grondement sourd satura soudain les hauts parleurs, tandis qu'une vague de pouvoir chaude et sauvage m'envahissait, pulvérisant toutes les barrières.

— Tu as oublié quelque chose Ivory, raisonna la voix froide et implacable de Nicolas. Je ne suis pas un métamorphe et Rose non plus.

Un horrible cri d'agonie retentit, vite suivit d'un bruit métallique sourd. J'en profitai pour laisser la puissance de Nicolas m'envahir et dans un dernier effort tirai sur mes liens qui cédèrent enfin, me précipitant au sol, momentanément terrassée par ma faiblesse. Un vacarme assourdissant de choc et de verre brisé me blessa les tympans à l'instant où Nicolas traversait d'un bond la psyché détruite et atterrissait à quatre pattes sur le sol recouvert de débris tranchant.

— Nous sommes des loups garous...et tu as eu tort de nous sous-estimer, gronda-t-il à l'intention de Ivory. Son regard sauvage et transformé braqué sur lui. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant