Chapitre 20-1

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Je poussai un cri de surprise assortit d'un juron spontané, qui fut très vite étouffés lorsque j'atterris tête la première dans un buisson d'hortensia qui amortit ma chute mais m'égratigna méchamment le visage et les mains au passage. Empêtrée dans les branches emmêlées j'étais en train de tenter de m'en dégager en pestant, quand Nicolas me survola dans un saut contrôlé suivit d'une réception impeccable dans la terre meuble qui s'affaissa sous son poids.

— Vite Rose, il faut y aller ! me dit-il dans un souffle impatient en me saisissant sans douceur par les deux poignets avant de me tirer vers lui.

Il m'extirpa du buisson, laissant quelques nouveaux lambeaux de mon sweat dépenaillé au passage et m'entraîna derrière lui en zigzagant entre les massifs taillés au cordeau.

— On va où ? lui demandai-je bêtement d'une voix essoufflée en essayant de maintenir son rythme de coureur olympique.

Il ne perdit évidemment pas de temps à me répondre, surtout que des coups de feu se mirent soudain à résonner derrière nous et qu'il accéléra encore l'allure, louvoyant sans problème entre les bordures et les massifs alors que je n'y voyais pas à deux mètres dans la pénombre galopante du crépuscule. Soudain une sorte de feulement sourd retentit et je vis la peur traverser le regard de Nicolas lorsqu'il se tourna brièvement dans ma direction.

— On y est presque, Rose ! m'exhorta-t-il tandis qu'il redoublait d'effort pour me maintenir à son rythme, me donnant la sensation grandissante d'être un boulet.

Nous courûmes encore sur quelques mètres, qui me parurent interminable, jusqu'à ce qu'il nous conduise vers un petit bâtiment isolé, dont il ouvrit la porte sans hésitation. À l'intérieur tout était sombre et une odeur de bois et de foin imprégnait l'air, me laissant supposer que nous étions dans une grange.

— Venez, suivez-moi, me dit-il en chuchotant et en m'entraînant vers la gauche.

— Attendez, il fait trop noir, je...

— Moi j'y vois parfaitement, ne vous inquiétez pas. Laissez-vous guider et ne résistez pas, vous pourriez vous blesser.

Résistant à l'envie de lui poser les questions qui me démangeait la langue, je fis ce qu'il me demanda n'ayant pas vraiment d'autres options à ma disposition.

— Il y a une échelle, droit devant, grimpez. Je serais derrière vous pour vous rattraper si vous glissez, me dit-il dans un murmure pressant et anxieux qui me fit m'executer sans poser de question.

J'eu un peu de mal avec les deux premiers barreaux, mon pied mal positionné glissant facilement sur le bois légèrement humide, mais une fois le rythme acquis tout se passa sans accroc. J'arrivai sur un plancher en bois mal équarris et couvert de paille séchées, échappées des ballots entreposés là en rang serré. Nicolas me suivit et sans effort apparent remonta l'échelle qu'il posa au sol. Puis, se saisissant une nouvelle fois de ma main, nous fit contourner les balles de pailles jusqu'à une petite lucarne entrouverte qui laissait filtrer une faible lueur et de laquelle il s'approcha sans un bruit.

Il observa la nuit quelques longue minutes avant de me faire signe de le rejoindre. Là, en mettant son index sur sa bouche pour me faire signe de me taire, il m'indiqua de regarder dehors d'un simple mouvement de tête.

La faible clarté de la lune, amoindrie par les nuages qui la masquait en partie ne me permettait pas de distinguer grand-chose au milieu de toutes ses formes grises. Mais c'est alors que j'allais abandonner que je le vis, un éclat doré et luisant au milieu des ombres. Deux petits points scintillants et menaçant...des yeux de tigre. Apeurée et choquée je reculai d'un pas. Nicolas en profita pour refermer sans bruit la petite fenêtre, avant de s'assoir lourdement sur le sol à l'aplomb de la fenêtre.

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant