Chapitre 37-2

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Heureusement la fumée provoquée par l'explosion nous dérobait un peu aux regards de nos agresseurs et perturbait assez leurs visions pour que leurs tirs erratiques partent dans tous les sens. Cela n'empêchait pas les projectiles potentiellement mortels de passer très près de nous... beaucoup trop près ! Si nous ne bougions pas très vite de là, notre chance allait finir par tourner.

Je commençai à me redresser en cherchant frénétiquement du regard Storm et Cooper, espérant qu'ils n'avaient pas été fauchés par une rafale ou blessés par l'explosion. Je venais de repérer l'inspecteur, légèrement sonné à quelques mètres de là et m'apprêtai à le rejoindre lorsque je fus soudain enveloppé par des bras puissants tandis que le corps chaud et musclé de Nicolas se plaquait contre mon dos.

Je le sentis tressauter derrière moi tandis qu'il me relevait brusquement à la seule force de ses bras et me forçait à avancer vers le fond de la pièce.

— Vite, il y a une porte dans le fond à gauche, c'est notre seule chance ! indiqua-t-il à Storm qui venait de récupérer Cooper en leur faisant signe de passer devant nous.

Les tirs continuaient à résonner même s'ils s'espaçaient à mesure que les hommes se rapprochaient. Nous n'avions plus beaucoup de temps. Dans un dernier effort, Nicolas nous poussa tous vers la sortie, une porte à moitié dissimulée derrière un empilement de débris de meubles qu'aucun de nous n'avait remarqué. Il ouvrit la porte et nous poussa à l'extérieur avant de refermer le battant.

Le silence momentané et la pénombre ambiante me désarçonnèrent un court instant, mais Nicolas ne nous laissa aucune seconde de répit, attrapant les deux hommes par un bras et nous poussant sans ménagement en avant.

— Bougez-vous ! Nous devons être hors de vue lorsqu'ils passeront cette porte ! nous enjoignit-il d'une voix pressante et un peu essoufflée.

Nous nous mîmes à courir, Nicolas tentant d'ouvrir chaque porte que nous croisions tout en continuant à pousser sans ménagement les deux hommes qui nous précédaient. A la quatrième tentative, un battant s'ouvrit enfin et nous nous précipitâmes tous à l'intérieur. Il s'empressa de verrouiller la porte, alors que Cooper s'écroulait au sol, visiblement à bout de souffle. Inquiète qu'il n'ait été touché lors de notre fuite éperdue, je me dégageai des bras de Nicolas, qui me tenait toujours serré contre lui et m'agenouillai près de lui. Dans la pénombre verdâtre des veilleuses de sécurités, il n'avait pas l'air d'aller bien.

— Vous êtes blessé ? lui demandai-je en chuchotant de peur que les hommes qui nous pourchassaient ne nous entendent.

— Non, mais...comment vous faites pour...ne pas...être essoufflés ? On a...j'avais l'impression de voler !

Durant quelques secondes, je le fixai sans comprendre. Avant de réaliser que je n'entendais aucun bruit de poursuite.

— Pourquoi ne nous suivent-ils pas ? demandai-je à Nicolas.

— Ils ne courent pas aussi vite que moi, me répondit-il dans un souffle en s'appuyant lourdement contre le mur. Sans compter qu'ils vont redoubler de prudence, s'attendant à une embuscade, cela nous laisse un peu de temps.

— Un peu de temps pour quoi faire ? demanda Storm, fort à propos, le souffle court lui aussi.

— Le temps que je retrouve mes forces, lui répondit-il en grimaçant tandis qu'il se laissait glisser lentement le long du mur.

Alarmée par sa voix et son comportement, je me relevai aussi vite que me le permirent mes muscles endoloris et m'approchait de lui.

— Tu es blessé, affirmai-je en essayant de ne pas laisser transparaître ma peur et mon inquiétude dans ma voix pour ne pas alarmer les autres.

— Rien de grave en temps normal, mais comme je suis affaibli, je vais avoir besoin de quelques minutes de repos pour m'en remettre, expliqua-t-il clairement n'ayant apparemment plus peur d'afficher ses différences.

Cooper, se leva néanmoins pour s'approcher de lui.

— Laissez-moi voir, lui demanda-t-il d'un ton autoritaire malgré son épuisement et sa peur.

— Pas la peine, les balles sont déjà ressorties pendant que nous nous sauvions. Laissez-moi encore deux minutes et ce sera bon.

Je cru pendant quelques secondes que les yeux de Cooper allaient lui sortir de la tête.

— Vous venez de dire quoi là ? Vous plaisantez ?

— Avec tout ce que tu viens de voir et de faire, tu me demandes encore si je plaisante ? lui demanda-t-il d'un ton las et sarcastique en le tutoyant. Je croyais que vous étiez au courant de notre existence ? ajouta-t-il en se redressant lentement.

— O...oui, mais...

— Vous ne vous attendiez pas aux options, c'est ça ? ironisa-t-il en s'avançant de quelques pas dans la pièce. Rose, m'interpela-t-il après une minute de silence. Tu as vu où nous sommes ?

J'allais lui répondre que je ne voyais pas grand-chose quand l'évidence me frappa de plein fouet ! En fait, pour peu que je me concentre, je voyais très bien. Je n'y avais pas prêté attention avant, habituée que j'étais à ma petite vue médiocre d'humaine. Nous nous trouvions dans un labo. Des étagères vitrées emplis de fioles et de flacons en tout genre s'alignaient sur les murs.

— Mais comment trouver ce que l'on cherche ? gémis-je découragée. On n'a pas eu le temps de demander à Cat, on n'a aucune idée de ce que l'on doit trouver.

— On n'a surtout pas le temps ! Ils vont finir par nous trouver et d'ailleurs, pourquoi ont-ils essayé de nous tuer ? demanda Cooper, qui semblait reprendre ses esprits, la panique gagnant peu à peu son regard clair.

Nicolas ne lui répondit pas tout de suite, se contentant de me rejoindre avant de me murmurer discrètement à l'oreille.

— On a plus beaucoup de temps devant nous, cherche une sortie pendant que j'essaie de trouver l'antidote.

— Mais...

— Rose, si tu veux qu'ils aient une chance de survie, fais-le !

Désarçonnée par son ton incisif mais surtout inquiet, je m'exécutai, me mouvant dans la salle enténébrée comme si nous étions en plein jour. La pièce était grande, immense même puisque après avoir tourné sur la droite elle continuait avec une partie plus étroite formant comme un L. Bien que ma vision nocturne décline tous en différentes nuances de gris, je constatai, sans l'ombre d'un doute, que l'endroit était immaculé. Vu l'état d'insalubrité et de délabrement du reste du bâtiment, cela ne pouvait signifier qu'une chose...nous étions au bon endroit.

Alors que je venais de repérer une porte prometteuse, accompagnée par le bruit cristallin des flacons que Jude manipulait avec célérité, quelque chose nous fit nous arrêter net tous les deux. Un bruit, un son ténu que nous seuls avions pu entendre...le bruit caractéristique d'un fusil que l'on armait.

Nicolas bougea plus vite que son ombre et dans un silence absolu, bâillonnant de la main Cooper qui s'apprêtait à ouvrir la bouche. Storm, qui avait dû anticiper la catastrophe à venir, avait déjà son arme à la main lorsque Nicolas les guida tous les deux vers moi, les aidant à se diriger dans la pénombre ambiante. Toujours en silence, il me dépassa et avec d'infimes précautions ouvrit la porte centimètre par centimètre.

Même si nous n'en avions pas complètement conscience, nous retenions tous notre respiration, suspendus au geste de Nicolas et prêts à réagir à sa plus infime réaction. Il nous fit finalement signe de venir et je laissai les deux hommes passer devant. Nous venions juste de sortir, nous rendant compte que la pièce dans laquelle nous nous trouvions n'avait pas d'issue, lorsque l'autre porte vola en éclat, nous piégeant une nouvelle fois comme des rats. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant