Chapitre 27-2

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— Trois jours ! répétai-je bêtement. T'es en train de me faire marcher là ?

— Je vois pas pourquoi je ferais ça ! Quoique...ça me ressemble assez, c'est vrai ! Mais là, c'est la vérité. Te paniques pas, c'est tout à fait normal. Après tous les chambardements que ton corps avait subis, il avait besoin de repos.

Pas que mon corps, commentai-je immédiatement pour moi-même. Mon cerveau aussi ! J'avais du mal à croire que j'avais passé trois jours à dormir.

— Que s'est-il passé pendant tout ce temps ? La révélation a été faites ? Comment les...humains l'ont-ils pris ? Et...

— Oh là, doucement la tornade ! Ne t'emballe pas. Le monde n'a pas implosé, on ne s'est pas tous atomisé, donc il n'y a pas urgence. L'urgence actuelle, serait plutôt que tu ailles prendre une douche et que tu enlèves ces loques ! Franchement, tu fouettes.

— Merci infiniment de me le rappeler, lui répondis-je un peu vexée.

Même si sur le fond, elle avait raison, je brulais du besoin de savoir ce qu'il s'était passé. Après tout, je faisais encore un peu partie des deux mondes, en tous les cas, c'est comme cela que je le ressentais.

— Montre-moi où est la salle de bain, lui demandai-je d'une voix pas très aimable tandis que je me saisissais de mes nouvelles affaires d'un geste un peu brusque.

— Mais avec grand plaisir, renchéri-t-elle avec un grand sourire sarcastique avant de se diriger vers la porte. Protège tes yeux cette fois-ci. Ce serait bête de te faire avoir deux fois !

C'est en rongeant mon frein que je suivis son conseil en lui emboîtant le pas. Même avec les paupières mi-closes et ma main en protection, la luminosité était presque insupportable lorsque je pénétrai dans le couloir éclairé aux néons. Heureusement, je n'eus pas loin à aller puisqu'elle me conduisit à quelques pas de là, jusqu'à la porte suivante.

— Franchement, j'aurais pu y aller toute seule, marmonnai-je alors qu'elle me précédait dans la pièce.

— Arrête de marmonner, ronchonna-t-elle sans se retourner. Ça ne te servira à rien ici, de toute façon tout le monde t'entendra quel que soit la force de ta voix.

Là, tout de suite, j'avais plutôt envie de lui crier de la fermer mais comme je subodorai que ça ne servirait à rien, je m'abstins, mais avec beaucoup de difficultés ! Comme l'endroit n'était éclairé que par deux ampoules fatiguées, je pus enfin ouvrir les yeux correctement et le regrettai presque aussitôt. On se serait cru dans un vieux vestiaire de club de foot ! Il y avait trois cabines de W.C dont deux n'avaient plus de porte, deux lavabos ébréchés et jaunâtre assortis au magnifique carrelage d'un autre âge qui avait dû un jour être blanc. Mais le plus consternant, était les douches ouvertes aux quatre vents.

— Oui je sais, c'est pas le grand luxe mais dans un ancien bunker abandonné, il ne fallait pas s'attendre à grand-chose non plus ! Il y a du savon et l'eau est chaude, fait comme chez toi, me dit-elle en allant s'appuyer contre le mur.

— Tu ne vas pas rester là à me regarder quand même ?

— Tu vois une serrure sur la porte ? Je te signale que c'est la seule salle d'eau du complexe. Traduction, elle est mixte ! À toi de voir, si tu veux rencontrer tes nouveaux petits copains...à poil ! ricana-t-elle en me jetant un coup d'œil entendu.

— Ce n'est pas bien compliqué de poser un verrou, commentai-je d'un ton chagrin en allant déposer mes affaires, qui commençait à devenir encombrante, sur l'un des lavabos.

— Les métamorphes ne sont pas pudique. Ce n'est pas dans notre nature, c'est tout ! Mais je te rassure, il y a un roulement. Les filles le matin et les mecs le soir.

— Il y en a donc que ça dérange ! commentai-je en restant debout comme une potiche, gênée à l'idée de me déshabiller devant elle.

— A part ton Alpha, non pas vraiment. C'est dommage qu'un mec comme lui soit aussi coincé. Tu as de la chance, il est drôlement mignon ton mec.

— Oh arrête de prêcher le faux pour savoir le vrai ! Ce n'est pas mon mec et je ne sais même pas exactement ce qu'Alpha signifie ! lui répondis-je trop en colère pour être surprise ou dérangée par ses allégations.

— Susceptible à ce que je vois, s'exclama-t-elle rigolarde, apparemment pas du tout vexé par mon accés de colère.

— Bon, tu ne crois pas que ce serait tout aussi efficace si tu restais devant la porte, mais à l'extérieur ?

Elle ne dit rien pendant de longues secondes, se contentant de me fixer. Je soutins son regard et en profitai pour la regarder, car c'était la première fois que je la voyais vraiment. La première chose qui me vint à l'esprit était que son look était en adéquation avec son caractère. Étrange et acide. Elle avait des yeux bleu glacier troublant, effet renforcé par ses longs cheveux couleur ébène, coiffés en deux couettes lâches qui retombaient sur sa poitrine et son haut rouge. Elle partit soudain d'un grand éclat de rire, rompant ma concentration.

— Bien sûr que je vais attendre à l'extérieur, je te faisais marcher, me dit-elle. Je voulais te pousser à bout pour voir ton côté louve ressortir, il parait que ça vaut le détour ! Tant pis, ce sera pour plus tard, ajouta-t-elle en sortant enfin, me laissant seule et perplexe debout au milieu de la pièce vide.

Pendant quelques secondes, le silence me parut presque solide, tellement le changement avait été abrupte. Toujours troublée par son comportement singulier, je commençai à me déshabiller, lentement d'abord puis de plus en plus rapidement au fur et à mesure que l'air froid entrait en contact avec ma peau. J'ouvris l'eau et attendis quelques instants qu'elle chauffe avant de me glisser sous le jet avec bonheur. Pendant une fraction seconde, un instinct puissant me poussa à sortir de sous cette pluie pas naturelle. Mais je la fis taire presque aussitôt, trop ravie de ce moment de détente pour me laisser ravir cet instant par mon nouveau côté sauvage, ronchon et primitif.

L'eau me fit le plus grand bien, ne se contentant pas de me décrasser mais aussi d'apaiser mes tensions et mon stress. Raison pour laquelle, je me sentais un peu coupable tandis que je terminais de m'essuyer. Cette fille avait beau être agaçante, elle avait été gentille avec moi, j'aurais dû me montrer plus patiente et au moins lui demander son prénom. Je ne savais même pas comment elle s'appelait. Je me dépêchai d'enfiler mes nouveaux vêtements, qui étonnamment, étaient à ma taille à défaut de sentir bon. Il émanait du tissus une étrange odeur musqué et piquante à la fois qui m'agressait les narines et me donnait envie d'éternuer.

Ne voulant jouer les pimbêches, je décidai de ne pas en tenir compte et m'empressai de me brosser les dents avec bonheur. J'étais en train de me démêler les cheveux quand j'entendis la porte s'ouvrir dans mon dos et m'empressai de me retourner, prête à demander son prénom à mademoiselle hyène aux yeux bleus.

— Rose, m'interpela une voix hésitante que je reconnu aussitôt.

— Cat, tu es là ! m'exclamai-je en m'avançant de quelques pas vers elle, avant de m'immobiliser à une distance prudente, troublée par son air bouleversé.

— Je...je suis tellement désolée, me dit-elle avant de fondre en sanglot devant moi et de s'écrouler à genoux, sur le sol crasseux. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant