Chapitre 16-2

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Il me lança un regard étrange, mi consterné, mi amusé alors qu'il accentuait encore la pression sur mon épaule, m'arrachant un nouveau gémissement. C'est alors que la porte, qui n'était pas tout à fait fermé, fut poussé violemment et qu'Eva déboula à l'intérieur dans un fracas de verre brisé, lorsque le plateau qu'elle portait dans les mains se renversa en projetant son contenu sur le sol.

— Qu'est-ce qui se passe ici ? gronda-t-elle d'une voix grave et menaçante, son regard suspicieux braqué sur Nicolas. Espèce de raakshas dégénéré...tu l'as attaqué ! l'accusa-t-elle dans une exclamation indignée.

— Non mais tu entends ce que tu insinues, jeune écervelée ! lui rétorqua Esperanza d'une voix ulcérée en pénétrant dans la pièce, lui clouant le bec avant même que Nicolas ait eu le temps d'ouvrir la bouche.

— Quoi ! De toute façon ce n'est qu'une question de temps avant que cela n'arrive. C'est déjà un miracle qu'il se soit retenu si longtemps !

Un grondement bas et inhumain sortit soudain de la gorge de Nicolas alors que sans prévenir et d'une détente prodigieuse, il bondissait sur Eva avant de la saisir à la gorge et de la plaquer contre le mur.

— Là...tu as dépassé les bornes, lui dit-il d'une voix lourde de menace, son visage à seulement quelques centimètres du sien.

— Eva, Nicolas, vous vous donnez en spectacle ! rugit Aaron sur le seuil de la porte, alors que Spéra s'était précipitée vers moi et commençait à s'activer autour de ma blessure.

Bien que la douleur soit toujours vive, je sentais une douce torpeur m'envahir tandis que je regardais ce spectacle irréel sans pouvoir en détacher mon regard.

— Rose ! m'interpela Spéra me faisant sursauter. Restez avec moi, il ne faut pas vous endormir. Regardez-moi ! Vous avez perdu du sang, c'est pour cela que vous vous sentez faible. Je vais vous faire une piqure pour insensibiliser la zone et recoudre la plaie. Ce doit-être très douloureux, mais ce n'est pas méchant. Avec un peu de chance vous n'aurez même pas de cicatrice, ajouta-t-elle en me gratifiant d'un sourire franc et détendu qui me rassura.

J'avais tellement mal que je ne sentis même pas l'aiguille percer ma peau, en revanche l'apaisante sensation de froid qui se répandit instantanément dans mon épaule fut...délicieuse. Pour ne pas céder au sommeil et ne pas m'appesantir plus que nécessaire sur ce que faisait Spéra, je reportai mon attention sur Nicolas. Il lâcha Eva, visiblement à contrecœur et faillit se jeter de nouveau sur elle, lorsqu'elle lui lança un regard victorieux et moqueur. Mais un simple coup d'œil réfrigérant d'Aaron, arrêta son geste.

— Espèce de...tu ne mérites pas ton rang et tu le sais ! attaqua aussitôt Eva dès que Nicolas eut le dos tourné. Je veux un combat de do...

— Pour la seconde fois...ça suffit ! tonna Aaron d'une voix qui fit trembler les murs.

— Qu'est-ce qui te fait croire que tu aurais le dessus sur lui ? Tu ne fais pas le poids, lui affirma Spéra d'une voix calme mais méprisante, agrémenté d'un petit rire moqueur de Nicolas.

— Aujourd'hui j'ai prouvé que j'étais une dominante. J'ai résisté moi, contrairement à v...

— Désolé de te décevoir mais tu n'es pas la seule dans ce cas, lui répondit Spéra visiblement de plus en plus agacé par son comportement. Ce sera quoi la prochaine étape ? Défier Aaron !

— Toi la...

— Fais très attention à ce que tu vas dire, murmura Nicolas d'un ton exsudant la menace.

— Vous semblez oublier qu'il y a une humaine dans la pièce, tempêta Aaron en s'avançant vers Eva d'une démarche intimidante.

La tension était évidente, palpable, presque physique. J'avais l'étrange sensation d'avoir brutalement changé de planète, prenant de nouveau conscience que les personnes qui m'entouraient n'étaient pas vraiment comme moi. Ce qui me rappela que Nicolas n'avait pas répondu à ma question. Était-ce contagieux ? Allais-je à mon tour me transformer en tigre ? Tout cela était surréaliste, pensai-je quand un fort tiraillement à l'épaule, signe que les points de sutures avaient commencé, me sortit de mes interrogations quelques secondes.

— Je crains que le secret ne soit éventé, intervint Nicolas d'une voix prudente. Cat c'est partiellement transformé devant elle...elle l'a même griffé.

Je vis la surprise puis la colère se succéder sur le visage, beau mais austère, de Aaron. Il couvrit la distance qui nous séparait à grandes enjambés et je reculai instinctivement devant son air féroce et impitoyable, arrachant un petit cri de mécontentement à Spéra. Puis, toujours sans un mot, il examina ma blessure.

— Je vais faire partie des...vôtres à présent ? osai-je redemander d'une petite voix fébrile.

— Pff...se contenta-t-il de souffler d'un air méprisant en s'éloignant de moi, tandis qu'Eva partait d'un rire méchant et moqueur.

— Pathétique ! ajouta-t-elle en se décollant du mur, toujours goguenarde.

Alors que j'essayai de comprendre si leur sympathique réaction penchait du côté du oui ou du non, des coups frappés à la porte résonnèrent soudain dans le silence tendu de la pièce.

— Oui ! répondit Aaron de mauvaise grâce, en se retournant vers le battant qui s'ouvrait.

— Venez-vite...c'est grave ! se contenta de dire le nouvel arrivant d'une voix stressée.

Aaron ne réfléchit pas et un masque anxieux sur le visage, sortit aussitôt de la pièce. Nicolas et Eva, lui emboitèrent le pas comme son ombre mais il leur claqua la porte au nez.

— Vous deux, vous restez ici ! leur ordonna-t-il derrière le battant.

— Hors de question que je reste ici, marmotta Eva en se saisissant de la poignée.

— Puisque tu as la bougeotte, retourne donc à la cuisine pour remplacer ce gâchis, lui ordonna Esperanza.

— Je n'ai pas à...

— Tu vas respecter ton rang et obéir aux ordres...je ne me répéterai pas, murmura Nicolas d'une étrange voix vibrante, qui parut me pénétrer les os, parcourant mon corps de frissons incontrôlables.

Eva sembla aussi en ressentir les effets, car malgré le regard assassin qu'elle braquait toujours sur Nicolas, elle ouvrit la porte dans un geste coléreux avant de sortir enfin de la pièce.

Dès qu'elle ne fut plus là, l'atmosphère se détendit imperceptiblement.

— Tu sais que ça ne peut pas continuer comme ça ? Tu vas devoir la remettre à sa place...c'est ton rôle, dit gentiment Spéra à Nicolas.

— Ce qui serait beaucoup plus facile si elle me respectait, lui répondit-il d'un ton coléreux.

— Voilà c'est terminé ma belle, me dit Esperanza en recouvrant son travail de pommade antiseptique. Maintenant tu vas manger et te reposer...

— Je voudrais rentrer chez moi ? l'interrompis-je d'une voix pressée et anxieuse.

— Tu vas devoir rester un petit peu parmis nous...pour que l'on puisse surveiller l'évolution...de ta blessure, me dit-elle maladroitement semblant inventer son explication au fur et à mesure qu'elle parlait.

— Non c'est hors de question ! m'exclamai-je avec colère sentant la panique m'envahir.

Ce devait être contagieux finalement ! Ils allaient vouloir me garder parmis eux...c'était...c'était impossible ! me dis-je en me levant, prête à courir vers la porte s'il le fallait.

Mais à l'instant où mon corps quitta le cuir du canapé, ma tête devint légère comme une plume, puis...tout devint noir. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant