Chapitre 15-1

6.9K 922 90
                                    


Merde ! ça n'allait pas recommencer ! me dis-je tétanisée par l'allure sauvage d'Eva, qui paraissait prête à se ruer sur moi pour me bouffer. J'avais beau être morte de peur, mon cerveau turbinait à toute allure. Je n'étais pas parvenue jusque-là pour me faire tuer par les secours ! Je devais trouver une solution, mais laquelle ? Revenir sur mes pas était hors de question, vu les coups de boutoirs puissants et furieux qui ébranlaient la porte. Trouver quelque chose pour me protéger ou me défendre n'était pas une option non plus car la pièce où nous nous trouvions était totalement vide. Ma seule chance était la porte encore ouverte dans le mur opposé, restait à régler le problème Eva, qui se tenait juste devant !

Un cri inhumain sortit de sa bouche tandis que ses traits commençaient à se brouiller étrangement et sa peau se couvrir d'un fin duvet orangé. Non, elle n'allait pas se transformer devant moi ? Car oui, je ne savais pas comment cela était possible mais il était à présent évident que ces gens pouvaient se transformer en tigre ! Je devais sortir de cette pièce, tout de suite ! Sans plus réfléchir je me saisis à nouveau des barreaux du lit et m'élançai vers la porte, me servant du meuble roulant comme d'un bouclier.

M'attendant à ce qu'Eva tente de me bloquer le passage, je me préparai au choc, mais à ma grande surprise je la vis prendre une grande inspiration douloureuse et s'écarter de mon chemin, non sans difficulté, me laissant le champ libre.

— Sors-la d'ici ! croassa-t-elle d'une voix étrange et rauque.

Constatant qu'elle avait de plus en plus de mal à se contrôler et que je n'aurais certainement pas de seconde chance, je ne demandai pas mon reste et passai devant elle le plus rapidement possible.

— Vite, barricade toi dans la pièce suivante ! m'ordonna-t-elle d'une voix de plus en plus étrange.

— Quoi ? Tu veux que je m'enferme seule avec Cat ? T'es folle, elle vient d'essayer de me tuer, lui rétorquai-je en refermant le battant avant de la condamner de la même manière que le précédent.

— Nicolas est hors-jeu, si tu ne veux pas te faire bouffer, fais ce que je te dis ! m'ordonna-t-elle à travers la porte.

Tiraillée par ma raison, qui me disait que tout cela était impossible et que j'étais en train de délirer, j'hésitai. Au moment où je me décidai à sortir par l'autre porte un bruit de course précipitée raisonna dans le couloir obscur et dans un dernier sursaut je me ruai sur la porte et en condamnai le battant avant que la...chose...n'ait le temps de me rejoindre. Puis totalement effrayée et épuisée, je me laissai glisser au sol.

— Je fais quoi maintenant ? criai-je aux murs de béton d'une voix désespérée, mon regard angoissé fixé sur Cat, toujours inconsciente.

— On patiente, le temps que les effets dévastateurs que cette drogue a sur nous se dissipe, me dit Eva d'une voix qui me parut déjà plus normal, malgré le mur qui nous séparait.

— Et si elle se réveille entre temps, je fais quoi moi ?

Seul le silence me répondit et pendant un instant je cru qu'elle s'était évanouie ou complètement transformé, me laissant seule avec ma peur entretenue par les coups furieux donnés sur les portes et qui résonnaient sinistrement dans la salle vide. Le temps s'écoula, interminable et je finis par me lever, plus nerveuse et angoissée que jamais. Enfin les bruits cessèrent, me laissant désorientée et perdue. C'est alors que j'entendis Eva murmurer dans la pièce voisine mais sans parvenir à entendre ce qu'elle disait.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? lui criai-je d'une voix éraillée par la fatigue et le stress.

— ça a marché, me dit-elle en se rapprochant de la porte. Maintenant, la seule solution pour ne pas que tout ce cirque ne se reproduise, c'est que tu lui fasses une transfusion.

— Pardon ?

Ce fut la seule chose spirituelle qui parvint à sortir de ma bouche ! Non mais elle plaisantait là ?

— Une transfusion...et avec quoi ? Mes dents ?

— Aaron est partit chercher le matériel. Il va me le passer et ensuite je te le passerai à mon tour.

— Mais si j'ouvre la porte...

— C'est un risque mais si ce n'est que quelques secondes cela devrait aller, me dit-elle d'un ton assuré. Place le lit de Cat le plus loin possible de la porte et tiens-toi prête.

Pas vraiment convaincu mais n'ayant pas d'autre choix, je fis ce qu'elle me demandait. Même si son plan bancal fonctionnait...saurai-je faire une perfusion ? Je n'étais pas infirmière.

— Prête ?

Le cri d'Eva me fit sursauter et je me précipitai vers la porte dont j'ôtai la barre avec des gestes fébriles.

— Ouvre le battant et écarte-toi, m'ordonna-t-elle d'un ton d'adjudant-chef.

Dès que j'eus obtempéré, elle fit glisser une mallette en plastique noir à travers l'ouverture, avant de refermer la porte violemment, en m'ordonnant de la condamner à nouveau.

— Et maintenant ? lui demandai-je à bout de nerf.

— Tu ouvres la mallette et tu te sers de ce qu'il y a dedans !

— Non sans blague ? ne pus-je m'empêcher de maugréer entre mes dents, je n'aurais jamais deviné toute seule ! continuai-je à ironiser en soulevant le couvercle.

Ce que je vis d'abord ce fut les poches de sang impeccablement rangé et semblant remplir tout l'espace disponible. À première vue, c'était des poches de produit sanguin classique comme on en trouve dans tous les hôpitaux. Mais ce qui retenait mon regard, c'était ce qui était écrit dessus. Car en lieu et place du O – habituel, était inscrit :

Tigre - Clan A.

Cela confirmait sans l'ombre d'un doute ce que j'avais déjà inconsciemment compris mais que mon cerveau cartésien refusait toujours d'appréhender malgré la preuve évidente maintenant sous mes yeux. Comme une automate, je sortis une à une les poches transparentes, ne pouvant m'empêcher de grimacer lorsque le liquide rouge et visqueux tangua sous mes doigts. Je les posais sur le sol et m'intéressai immédiatement au reste du contenu du kit de secours. Dans le fond, je trouvais un tube en caoutchouc souple et du matériel pour perfusion bien emballé et à côté de cela une feuille plastifiée où était indiqué toute la marche à suivre.

— Alors c'est bon ? me demanda soudain Eva d'un ton agacé de l'autre côté de la porte.

— Non ce n'est pas bon, je ne suis pas médecin moi ! Je ne sais pas me servir de ces trucs !

— Tu sais lire ? Alors lis la notice et fais-le !

La pique cinglante qui me brûlait les lèvres ne sortit pas de ma bouche car Cat choisit ce moment précis pour remuer faiblement, ce n'était plus le moment de tergiverser. Plus fébrile mais aussi plus résolue que jamais, j'attrapai le matériel et la notice explicative avant de m'approcher du lit d'un pas rapide mais prudent. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant