Chapitre 9-1

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À cette heure de la matinée, la rue déjà passante d'ordinaire, était plus qu'encombrée. On frôlait même l'embouteillage, aussi bien sur les trottoirs que sur la route elle-même. C'était l'heure de pointe, celle où les travailleurs rejoignaient leurs bureaux et ou les parents déposaient les enfants à l'école ou à la crèche...autrement dit un beau bazar !

Heureusement pour nous, l'endroit où nous avions débouché était encore dans l'ombre, si bien que notre arrivée fracassante n'avait pas trop attiré l'attention. Quoique, certaines personnes commençaient à nous jeter des coups d'œil curieux et à nous regarder de travers.

— Tes amis sont-ils là ? demandai-je avec espoir à Cat, qui après son exploit, était de nouveau tremblante et hagarde. Tu reconnais une de ces voitures ?

Elle sursauta légèrement en entendant ma voix et balaya rapidement la rue de son regard flou, avant de secouer lentement la tête en signe de dénégation.

— Tu es certaine qu'ils vont venir ?

Elle n'eut pas besoin de me répondre, son expression perdue et désemparée, parlait pour elle.

— Il y a trop de passage par ici. Ils ont dû choisir un endroit plus discret pour m'attendre, prononça-t-elle enfin avec difficulté, tellement elle claquait des dents.

La pauvre devait mourir de froid dans sa tenue d'hôpital, surtout que son accoutrement commençait à attirer l'attention de certains passant, moins pressés que d'autres, qui jetaient des regards de plus en plus curieux dans notre direction. Nous ne pouvions pas rester là.

— Écoute Cather...Cat, me repris-je à la dernière seconde, il faut que l'on avance. Viens ! Ils finiront bien par nous trouver, tentai-je de la persuader en lui saisissant le poignet avant qu'elle ne se dérobe et en la tirant doucement derrière moi.

— Il y a trop de monde ici, ils...

— On n'a pas le choix, on doit bouger. Alors on avance jusqu'à un coin plus calme et s'ils ne sont toujours pas là, je te conduirai là où j'habite et tu pourras les appeler, ok ?

J'avais beau essayer d'y mettre le peu de patience et de pédagogie qu'il me restait, mon énervement transparaissait malgré tout dans ma voix, alors que j'attendais impatiemment qu'elle se décide. Elle hésita encore quelques secondes puis, à contrecœur, se décida à me suivre. Je n'attendis pas qu'elle change d'avis et attendant le bon moment, nous engageait dans le flot incessant des travailleurs matinaux.

L'avantage était que les gens, tellement occupés à éviter de se rentrer dedans, nous prêtaient beaucoup moins d'attention maintenant que nous étions en mouvement. La foule dense et mouvante nous dissimulait efficacement, nous rendant presque invisible aux yeux des citadins pressés.

L'inconvénient de taille, en revanche, fut la difficulté que nous eûmes à nous frayer un chemin jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche. J'avais la sensation très désagréable de nager à contre-courant. Catherine...pardon Cat, n'avait pas l'air plus heureuse que moi et semblait même de nouveau en pleine crise, se tenant le torse de ses bras et paraissant souffrir chaque fois que quelqu'un la frôlait. J'avisai le bus qui arrivait et fus rassurée de constater qu'il faisait partie de la ligne menant au centre-ville, pour une fois que nous avions de la chance !

Mais celle-ci ne dura pas très longtemps, car le bus était à peine stationné, que les gens se précipitèrent sur les portes, bousculant tout le monde sur leur passage, comme une bande de fashionistas le jour des soldes. Cat se mit à paniquer et dégageant brutalement son poignet de ma main, elle fuit le trottoir surpeuplé.

— Attend-moi ! lui criai-je inutilement en essayant de ne pas la perdre de vue.

Pour une fois, la cohue m'aida et je n'eus pas trop de mal à la rejoindre, m'empressant de la dissimuler sommairement derrière moi, avant que quelqu'un n'ait la bonne idée d'appeler les flics.

— Viens ! lui murmurai-je d'une voix pressante en me dirigeant vers la station de métro la plus proche.

Lorsque je lui saisis de nouveau la main, elle réagit encore comme si je venais de tremper ma main dans de l'acide. Décidemment cette fille avait une vraie phobie du toucher, ma parole. Elle devait bien savoir que je ne lui voulais aucun mal depuis le temps que je lui sauvais la mise ! Elle me jeta un regard à la fois apeuré et désolé et réussit, aux prix de gros efforts, à ne pas me retirer son bras, même s'il était évident que cela lui coutait beaucoup. Elle finit par me suivre, de plus en plus recroquevillée sur elle-même, commençant à me faire penser à ces autistes que l'on voit parfois dans les films. Je continuai malgré tout à la tirer sans ménagement derrière moi, ce n'était pas le moment de ralentir alors que nous étions presque sortit d'affaire.

Nous descendîmes les marches de la station de métro, heureusement un peu moins encombrée que la sattion de bus, et une fois parvenues sur le quai, nous pûmes souffler un peu. Nous nous assîmes sur un banc libre, idéalement placé derrière un poteau, nous dérobant ainsi aux regards indiscrets. Même si le plus dur était passé et que la suite du trajet s'annonçait plus calme, je ne pouvais m'empêcher de jeter des regards anxieux alentours, afin d'être sûr que l'on ne nous suivait pas. Nous n'eûmes heureusement pas à attendre longtemps et montâmes dans le premier wagon de la rame qui nous emmena en moins de dix minutes, dans le quartier où je résidais. Je la conduisis, toujours réticente mais un peu moins crispée, vers la maison où j'habitais...pardon où je louais une chambre, nuance.

Je sortis mes clés de ma poche pour ouvrir la porte, tout en priant pour que la propriétaire, madame Perkins, ne soit pas en train de rôder dans l'entrée. Elle avait beau être adorable, une fois qu'elle avait entamé la conversation, il était quasiment impossible de l'arrêter. Cela faisait à peine deux mois que j'étais ici et j'avais déjà entendu tous ses récits de familles au moins trois fois. Une quatrième serait une de trop, surtout aujourd'hui.

Je m'évertuai donc à être la plus discrète possible au moment d'introduire la clé dans la serrure. Une fois à l'intérieur, je m'empressai de la guider vers l'escalier en chêne foncé, dont les marches étaient recouvertes d'un horrible tapis marron à fleurs rouges et verte et la conduisis au premier étage. J'ouvris ma porte et une fois que nous fûmes entrées, la battant fermé à clé nous protégeant du monde extérieur, je m'autorisai enfin à pousser un soupir de soulagement tout en m'asseyant lourdement sur le lit. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant