Chapitre 30-1

6.3K 883 132
                                    


— Une quoi ? Une médium ? Mais qu'entendez-vous par là ? Que je pourrais communiquer avec les morts ? Voir des fantômes ?

— Non, rien de tout cela, me répondit-elle avec un sourire bienveillant. Médium dans le sens où vos capacités psychiques sont très développées. Les médiums sont capables, dans une certaine mesure, de voir l'avenir et de se remémorer des scènes passées avec une quantités de détails impressionnantes. Ils ont aussi de puissantes intuitions et cernent très bien et très rapidement les personnes qui les entourent. Ils sont plutôt rares et appréciés dans le monde des sorciers, mais craints aussi.

— Pourquoi craint ?

— Parce que détenir la capacité de connaître le passé et l'avenir de quelqu'un, c'est avoir du pouvoir et le pouvoir fait peur jeune Rose, dit-elle d'une voix triste en se relevant péniblement.

— Mais ce n'est pas certain que...

Le soir de ma rencontre avec Cat me revint subitement en mémoire. Comment je m'étais égarée sans m'en rendre compte, ce souvenir étrange qui m'était revenu me faisant perdre la notion de temps et d'espace. Et si toute cette histoire n'était pas qu'une simple coïncidence ? Si mes soi-disant pouvoirs de sorcière m'avaient conduit jusque là-bas pour une raison précise ?

Lorsque je relevai les yeux, plus perturbée que jamais, je vis que Waahana m'observait d'un air songeur, apparemment pas surprise de mon attitude.

— Je vais vous laisser manger et vous reposer. Ne vous inquiétez pas, Peter ne refermera pas à clef ! s'empressa-t-elle de me préciser au moment où j'allais ouvrir la bouche. Essayez de vous détendre, me dit-elle en s'approchant de la porte.

— Me détendre ! lui rétorquai-je légèrement agacée. Comment voulez-vous...

La porte qui s'ouvrit à la volée, ne manquant Waahana que d'un demi-centimètre, me coupa dans mon élan.

— Désolé, bougonna Nicolas d'une voix harassée à l'intention de la louve. Je ne pensais pas que vous seriez encore là.

— Je m'en allais justement, lui répondit-elle sans s'énerver, avant de quitter la pièce comme un fantôme, nous laissant seuls.

Nous nous dévisageâmes pendant de longues secondes, avant que Nicolas ne s'approche du lit sur lequel il se laissa tomber plus qu'il ne s'y assit. Il avait l'air épuisé.

— Qu'est-ce-qu'il se passe à l'extérieur ? lui demandai-je, sans trop d'espoir qu'il me réponde et par une peur irrationnelle que l'on parle de moi.

— Pour le moment, c'est la phase d'observation, me répondit-il dans un soupir en passant la main dans ses cheveux déjà désordonés. On ne sait pas de quel côté cela va basculer.

— Comment ça ? lui demandai-je en me rapprochant de lui.

— La nouvelle de l'existence des métamorphes s'est répandu comme une traînée de poudre parmis les humains. En à peine une journée les trois-quarts de la planète était au courant. La plupart ont tout d'abord cru à une farce, un montage, ils ont donc tenté de démontrer le canular par tous les moyens et quand ils n'y sont pas parvenus...c'est là que ça a commencé.

— Qu'est-ce qui a commencé ? lui demandai-je suspendu à ses lèvres, la boule au ventre et une appréhension sourde dans le cœur.

— L'hystérie, la panique, la haine...non mais tu t'attendais à quoi ! s'emporta-t-il soudain en me lançant un regard où la fatigue et le découragement l'emportaient sur la colère. Excuse-moi, ce n'était pas contre toi, se reprit-il aussitôt en voyant mon air surpris. C'est la fatigue, cela fait presque trois jours que nous sommes sur le qui-vive...c'est usant de ne pas savoir.

— Savoir ?

— Comment ça va se terminer. Pour le moment, l'armée à instaurer la loi martiale pour contenir les débordements des groupes de haine qui s'en prennent à tous ceux qu'ils croient être des métamorphes et pendant ce temps, les politiques se déchirent. Pour résumé, il y a les pro-intégration et les autres. Si ce sont les premiers qui l'emportent, la transition sera délicate mais ça devrait aller. Si ce sont les seconds, en revanche...ce sera la guerre ! Car il est certain que nous ne nous laisseront pas interner dans des camps sans nous défendre.

Il avait raison, cela n'aurait pas dû me surprendre mais ce n'était pas pour cela que ça ne me faisait rien.

— Tout ça en à peine 3 jour ! commentai-je d'une petite voix en m'asseyant à mon tour, démoralisée.

Le monde avait radicalement changé pendant mon sommeil et cela me laissait une drôle de sensation que je n'arrivais pas à expliquer.

— Oui...et encore, nous ne nous en sortons pas trop mal. Dans d'autres pays, c'est déjà la guerre civile.

— Toi, tu en penses quoi ?

— J'espère évident que l'on n'en arrivera pas au conflit. Mais de notre côté, ce n'est pas tout rose non plus ! me répondit-il en esquissant un petit sourire las à l'entente de son jeu de mot involontaire. Le groupe d'Ivory, essaye d'inciter les métamorphes à attaquer les humains et à ne pas se laisser faire. La plupart ont peur et se cachent. Je ne sais pas, c'est incertain. Même si le fait que nous ayons réussit à vivre pacifiquement en parallèle des humains tout ce temps sans nous faire remarquer, joue en notre faveur. Il n'y a que lorsque la surprise et la peur seront un peu retombées que nous saurons vraiment...

Déboussolée par toutes ces nouvelles alarmantes, je fixai d'un œil morne le sandwich appétissant posé non loin de moi, sans le prendre.

— Mange Rose, tu en as besoin. Avec tout ça, je t'ai complètement délaissé au moment où tu avais le plus besoin de moi, je suis désolé.

— Ne t'en fais pas, je comprends, lui répondis-je en m'emparant d'un jambon-crudité à l'air savoureux. Ma nouvelle moi, moins en revanche, ajoutai-je avec une petite touche d'humour en mordant dans le pain moelleux.

— Je m'en doute, réagit-il avec un petit rire en m'imitant et en attrapant un bagel bien garni.

— Si tu avais su ce que j'étais vraiment...enfin peut-être...tu m'aurais transformé quand même ? lui demandai-je d'une voix hésitante en le fixant droit dans les yeux.

— Oui, me répondit-il sans la moindre hésitation.

— Pourquoi ?

— Je ne t'aurais pas laisser mourir, me dit-il d'un ton fervent en posant le reste de son repas sur le plateau avant de me saisir la main. Tu regrettes ?

Pendant une fraction de seconde, j'hésitai à répondre.

— Non, lui dis-je finalement, mon regard toujours plongé dans le sien.

Ses prunelles chocolat, chaudes et vibrantes malgré la fatigue qui les voilait, semblait m'appeler, m'incitant à me rapprocher centimètre par centimètre. Avant que je ne comprenne réellement ce que je faisais, je comblais le petit espace qui nous séparait encore et...posai mes lèvres sur les siennes. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant