Chapitre 38-2

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— Si vous voulez vraiment que je le fasse, passez dans l'autre pièce, je n'ai pas besoin de spectateurs, nous ordonna-t-il d'une voix dure et agressive qui ne m'offusqua pas, vue les circonstances.

Cependant, je vis l'inspecteur hésiter, son regard acéré passant de Nicolas à la porte barricadée. À l'évidence il se demandait s'il pourrait gérer Cooper et notre sécurité en cas d'une éventuelle et malheureusement probable arrivée de nos poursuivants.

— Je serais capable de gérer les deux, assura-t-il à Storm d'une voix sourde d'où toute patience avait disparue. Si vous avez un vrai doute sur ce que vous me demandez de faire, c'est maintenant qu'il faut l'exprimer, dernière chance !

Ses yeux chocolat emplis de colère et de culpabilités se posèrent sur moi, paraissant me dire « pourquoi m'obliges-tu à faire ça ? ». Même si je comprenais sa réticence et la trouvait plus qu'honorable, je savais aussi que notre décision était juste pour Cooper, nous devions lui laisser une chance. Je soutins donc son regard sans ciller tandis que je me rapprochai de l'inspecteur pour l'entraîner à ma suite dans la pièce d'à côté. Il se laissa faire et je m'empressai de refermer la porte en métal gauchie derrière nous pour atténuer les sons qui allaient bientôt nous parvenir malgré l'épais mur qui nous séparait.

En effet, cela ne se fit pas attendre et les premiers sons caractéristiques d'une métamorphose saturèrent soudain mon ouïe et mes sens, me replongeant dans mon horrible expérience personnelle pas si lointaine. Une terreur abjecte me submergea l'espace d'un instant tandis qu'une sueur glacée inondait mon dos mais contrairement à la fois précédente je la repoussai sans difficulté. Je commençai à apprivoiser cette force brute qui grandissait en moi et surtout à mieux la comprendre et l'appréhender. C'était un complément, un atout et une force supplémentaire mais en aucun cas elle ne devait prendre le contrôle de ce que j'étais. C'était moi, Rose, qui était aux commandes et je n'avais plus aucune raison d'avoir peur.

Je me sentis instantanément mieux, plus sereine, bien que l'événement majeur qui se déroulait dans la pièce d'à côté ne me laissa pas indifférente, loin de là ! Je sentais ma nouvelle nature impatiente de sortir au grand jour, la transformation de Nicolas appelant la mienne. J'eu besoin de toute ma concentration et toute ma volonté pour essayer de me couper psychiquement des sons et sensations que je ressentais. Un soudain mouvement dans mon champ de vision m'y aida efficacement, focalisant mon attention sur autre chose.

— Ne sortez pas de cette pièce ! avertis-je Storm d'une voix crispée. C'est bientôt terminé, ajoutai-je alors que je sentais le niveau d'énergie décroître, me permettant de nouveau de respirer normalement.

Il me jeta un regard à la fois agressif et perdu, ne sachant de toute évidence pas quoi faire. Ses traits tirés et ses vêtements froissés le faisait paraître plus vieux qu'il ne l'était. Dans la pénombre glauque de l'endroit, il ressemblait à un vieillard. Mon épuisement me rattrapant soudain, je m'assis lourdement au sol, le dos appuyé au mur. Quitte à attendre bêtement, autant le faire de la manière la plus confortable possible ! Storm m'imita au bout de quelques secondes, son arme toujours en main et nous attendîmes dans un silence pesant.

À peine quelques minutes s'étaient écoulées lorsque la porte s'ouvrit pour livrer passage à un Nicolas méconnaissable. L'épuisement se lisait sans peine sur son visage creusé par la fatigue et de nouvelles tâches venaient orner ses vêtements déjà bien éprouvés qui dégageait une agressive et métallique odeur de sang frais. Il ne referma pas la porte derrière lui et se contenta de s'assoir lourdement devant l'entrée de la pièce de manière à garder une vue sur l'extérieur.

Durant un certain laps de temps, personnes ne prononça un mot. Un silence de mort régnait dans la pièce, la terrible question qui nous brulait les lèvres paraissant flotter tel un fantôme.

— Non, résonna soudain la voix lasse de Nicolas, stoppant l'inspecteur Storm, qui s'apprêtait à se lever, dans son mouvement. Il faut attendre. Il est toujours vivant, mais rien n'est encore fait.

Je sentis mes épaules se relâcher à la seconde où l'information parvint à mon cerveau...Cooper était toujours en vie. J'étais rassurée et heureuse pour lui, même si rien n'était encore fait, mais je l'étais encore davantage pour Nicolas. Si le jeune homme n'avait pas survécu à l'attaque initiale, il ne se le serait jamais pardonné, pas plus que moi d'ailleurs.

— Nous serons fixés dans combien de temps ? lui demanda-t-il en le regardant dans les yeux.

— Ce n'est pas contre vous, mais évitez de soutenir mon regard pour le moment, le prévint Nicolas d'un voix contrôlée mais plus grave qu'à l'ordinaire.

— Puis-je me permettre de vous demander pourquoi ? le questionna-t-il d'un ton exagérément poli, tout en orientant son regard vers moi.

— Parce qu'en faisant cela, vous le défier, lui répondis-je. Provoquer un dominant blessé, qui protège sa meute, ce n'est jamais une bonne idée, ajoutai-je avec un petit sourire pour dédramatiser mes paroles.

Nicolas me lança un petit regard approbateur et reconnaissant, avant de refixer son attention sur Storm qui n'était pas des plus à l'aise.

— Pourtant vous, vous le regarder dans les yeux ?

— Rose fait partie de ma meute et même si elle deviendra certainement une dominante elle aussi, les femmes ont une place à part dans les meutes, elles sont intouchables, répondit Nicolas à ma place en m'indiquant d'un simple coup d'œil de pas poser d'autres questions pour le moment.

Comprenant qu'il ne fallait pas déstabiliser davantage l'inspecteur en lui révélant que je n'en savais pas beaucoup plus que lui sur ma nouvelle condition, je ravalai les questions qui me brulaient les lèvres, mais non sans difficulté.

— Vous êtes quoi ? Je pense que vous pouvez me le dire maintenant, je vous ai laissé transformer un civil qui était sous ma protection, je ne risque pas de vous dénoncer.

— Je ne crains pas que vous nous dénonciez, lui rétorqua Nicolas. Si cela avait dû être le cas ce serait déjà fait et nous n'aurions jamais eu cette conversation car vous seriez mort ! Je crains plus une réaction irrationnelle.

— Essayez toujours ! À mon âge et dans mon métier, on est légèrement blasé.

— Très bien, nous sommes des loups garous !

Un bref éclair de surprise traversa les prunelles du policier, vite remplacé par une acceptation sereine.

— Vous vous en doutiez ?

— Aussi étrange que cela puisse paraître...oui. Surtout depuis les mots transformations, meutes et morsures, ajouta-t-il avec un petit sourire ironique. Mais je trouvais ça tellement...gros...que je n'étais pas sûr.

— Vous ne regrettez pas de m'avoir donner le feu vert ?

— Non, répondit-il sans la moindre hésitation. En revanche, si le même choix devait me concerner prochainement...laissez-moi mourir. Ma vie a été assez longue et riche comme cela pour que je n'ai pas envie d'en vivre une seconde.

Cette fois, c'est Nicolas lui-même qui chercha à soutenir le regard de l'inspecteur. Il le soutint quelques secondes, paraissant le jauger, avant de lui faire un bref signe de tête d'acceptation.

— Je respecterai votre choix, vous avez ma parole, lui dit-il ensuite d'une voix solennel en se relevant avec lenteur.

— Quand saurons-nous ? demandai-je à Nicolas, de plus en plus anxieuse à mesure que les minutes passaient.

Attendre ici sans bouger, alors que militaires hostiles et armés jusqu'aux dents nous traqués ne me paraissait pas l'idée du siècle, curieusement !

— C'est encore un peu tôt mais, tu as raison, nous devons partir d'ici. Nous n'avons que trop tardé. Inspecteur, puis-je vous emprunter votre téléphone ?

L'inspecteur ne dit rien été se contenta de se lever et de lui tendre l'appareil. Nicolas composa un numéro de mémoire et attendit avec impatience alors que les sonneries s'égrenaient lentement à l'autre bout du fil.

— Aaron ? interpella-t-il aussitôt que la connexion s'établie.

— Oups ! je crains qu'il n'y ai erreur sur la personne. Ivory à l'appareil. Je crains malheureusement Qu'Aaron et tous ses petits copains ne soient pas vraiment en état de vous répondre pour le moment. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant