Chapitre 12-1

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Je me figeai brusquement, tétanisée. J'avais trop tardé, c'était Aaron qui revenait pour m'interroger...ou pire. Je sentais la panique, froide et insidieuse, prendre place dans mon cerveau m'empêchant de réfléchir correctement et surtout de prêter l'attention que j'aurais dû à mon environnement. Je craignais tellement de voir se découper sa silhouette menaçante en haut des marches que je n'osais pas me retourner.

Entendre la respiration heurtée de Nicolas me ramena sur terre et me permis de constater ce dont j'aurais dû me rendre compte depuis le début...les bruits de courses provenaient d'une personne beaucoup plus légère. Ce que mes yeux me confirmèrent à peine quelques secondes plus tard, lorsqu'une jeune fille déboula dans la pièce. Ses cheveux bruns coupés court étaient tout ébouriffés et ses vêtements avaient connu des jours meilleurs, sans compter les vilaines estafilades sanguinolentes qui lui barraient le bras droit du poignet jusqu'au coude et qui ressemblaient à de monstrueuses traces de griffes.

Elle s'arrêta dans un dérapage à peine contrôlé en fouillant frénétiquement la pièce du regard. Ses yeux survolèrent le corps de Nicolas sans s'y attarder. Comme s'il n'avait aucune importance à ses yeux. Puis ils finirent par se braquer sur moi et ne me lâchèrent plus tandis qu'elle avançait vers moi d'une démarche déterminée.

— Eva, que se passe-t-il ? lui demanda Nicolas d'une voix autoritaire, tout en essayant de se relever le plus rapidement possible.

Elle s'immobilisa et se retourna vers lui au moment où il arrivait enfin à se stabiliser, une épaule appuyée contre le mur.

— En quoi ça te regarde...Raakshas ? Tu n'es qu'un étranger parmis nous, tu n'as pas ton mot à dire, lui cracha-t-elle au visage. Comment as-tu pu amener cette...tu nous as tous mis en danger, l'accusa-t-elle en lui jetant un regard dégouté et en se retournant pour avancer de nouveau vers moi d'un air menaçant.

C'est à cet instant, en voyant son regard haineux braqué sur moi, que je compris que j'étais vraiment en danger (même si à l'évidence j'aurais dû m'en rendre compte plus tôt). Nicolas me protégerait mais il était bien le seul et vu son état actuel il n'allait pas m'être d'une grande aide dans l'immédiat. Je fis donc la seule chose sensée qui me vint à l'esprit et pris mes jambes à mon cou.

Malheureusement je n'allai pas bien loin ! Je n'eus le temps de faire que quelques pas avant qu'elle ne me percute violemment par l'arrière, me ceinturant les jambes avec ses bras. Ce qui eut pour résultat de m'envoyer m'étaler par terre avec violence. Je réussis quand même à atténuer le choc avec mes bras, mais même comme cela je ne pus empêcher ma tête de cogner sur le sol avec un bruit sourd, ce qui me fit voir trente-six chandelles.

— Eva ! Arrête immédiatement, gronda Nicolas d'une voix que je ne lui connaissais pas et qui me rappelait un peu celle d'Aaron dans ses pires moments.

— Pourquoi j'arrêterais ? Tu as refusé de te soumettre à ton supérieur direct. Tu ne peux plus me forcer à t'obéir, lui asséna-t-elle avec une sorte de jubilation étonnée dans la voix.

Puis elle tira sur mon bras droit pour me retourner sur le dos. J'étais tellement sonnée que je la laissai faire sans réagir. Quoique même en pleine possession de mes moyens, je ne vois pas bien ce que j'aurais pu faire contre elle de toute façon.

— Lâche-la, immédiatement !

— Ou sinon quoi ? le provoqua-t-elle de nouveau tandis qu'elle me maintenant au sol de tout son poids. Tu crois vraiment être en mesure de m'arrêter dans l'état où tu es ? Dommage qu'il ne t'ait pas tuée...tu n'as jamais rien eu à faire parmi nous. Tu n'es qu'un Raakshas, tu n'es pas des nôtres !

Je vis un éclair de souffrance traverser le visage de Nicolas. Mais étais-ce dû à ses blessures ou à ce que venait de lui dire Eva...aucune idée. Toujours est-il, qu'une fois son petit moment de faiblesse passé, il se redressa de toute sa taille et s'avança vers nous d'une démarche ferme et décidé.

— Tu te répètes, lui dit-il d'un ton dur et glacial. Et ce n'est pas moi qui suis en train de parler d'affaires privés devant une étrangère.

— Parles tant que tu veux, tu ne pourras pas m'arrêter, lui dit-elle en ricanant tandis qu'elle accentuait sa prise sur mon bras m'arrachant un gémissement de douleur.

— Bien sûr que je serais en mesure de t'arrêter. Et si tu prenais la peine de te calmer, tu t'en rendrais compte avant que tout cela ne dégénère pour rien. Alors maintenant lâche-la et explique-moi ce qu'il se passe en bas, lui ordonna-t-il en la fixant dans les yeux comme s'il pouvait lui transpercer le cerveau.

Je la sentis se raidir contre moi, et vis qu'elle luttait visiblement pour soutenir son regard. Ce petit bras de fer visuel me sembla durer une éternité. Puis finalement elle capitula et baissa les yeux en poussant un cri de rage, avant de redresser la tête à contrecœur et de commencer à lui expliquer ce qu'il voulait savoir.

— Je ne sais pas...personne ne sait, lui répondit-elle hargneusement. Pete a perdu le contrôle pendant qu'il faisait une prise de sang à Cat. On a essayé de le maîtriser mais...ça a vite dégénéré. C'est à ce moment qu'Aaron est arrivé et m'a dit d'aller chercher la fille et de la ramener en bas tout de suite. Et c'est ce que je vais faire, que cela te plaise ou non.

— Pourquoi veut-il qu'elle descende ?

— Parce que visiblement, tous les nôtres perdent le contrôle dès qu'ils s'approchent de Cat. Pour une fois qu'une humaine peut servir à quelque chose...

— Tu sais très bien qu'on ne peut pas lui demander ça !

— Non tu as raison, on n'a rien à lui demander. Elle va faire ce qu'on lui dit et c'est tout, assena-t-elle tout en se relevant à la seule force de ses jambes et en me remettant sur les miennes dans le même mouvement.

La tête me tourna et je crûs que j'allais lui vomir sur les pieds. Si elle ne m'avait tenue par le col de mon sweat je crois que je me serais écroulée. Je fermai les yeux, histoire que le monde se stabilise un peu autour de moi, quand je sentis qu'elle me poussait en avant ce qui me fit les rouvrir instinctivement.

Nicolas se tenait devant nous l'air menaçant, apparemment à deux doigts de se jeter sur la folle furieuse. Le problème était que je me trouvais entre les deux et qu'ils n'avaient pas l'air de s'en soucier ! Un terrible hurlement suivi d'un grondement à faire trembler les murs, retentit subitement, les arrêtant tous deux dans leur élan. Ils se regardèrent et je vis un éclair de panique passer dans les yeux d'Eva.

— Où est Aaron ? Dis-moi qu'il n'est pas avec Cat !

— Quand je suis partie, il avait l'air de bien résister, répondit-elle d'une voix qui avait perdu tout son mordant tout à coup.

— Apparemment ce n'est plus le cas...et tu sais ce que ça signifie ?

— Il risque de devenir fou...Si cela arrive, il n'y a personne d'assez fort ici pour l'arrêter, termina Eva d'une voix blanche.

—Exactement, confirma Nicolas d'un ton sinistre. Je suis vraiment désolé, mais nous allons avoir besoin de votre aide, me dit Nicolas d'un air malheureux mais néanmoins inflexible, lorsqu'il m'empoigna le bras pour m'entraîner manu-militari vers la porte par laquelle était arrivée Eva.

Je restais interdite devant ce brusque retournement de situation, mais une légère secousse sur mon bras m'enjoignant à avancer me tira de ma stupeur. Je n'avais pas encore fait un pas qu'une autre secousse, beaucoup plus brusque dans mon dos me confirma, si j'avais des doutes, que les deux ennemis ne l'étaient plus et qu'ils étaient maintenant ligués contre moi. Je n'avais plus d'autre choix que de les suivre. Une fois arrivé à la porte qui donnait sur un escalier, Nicolas eut une seconde d'hésitation mais pas Eva, qui me poussa une nouvelle fois et me contraignit à commencer la descente.

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant