Chapitre 14-1

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J'étais parvenue au centre de la pièce quand une sorte de rugissement assourdissant retentit m'électrisant tout le corps. Je vis Nicolas grimacer sous l'impact sonore et me faire signe de m'arrêter d'un geste du bras. Indication superflue que je n'avais pas attendu pour stopper net. Je retins in-extrémis le juron qui voulut sortir de ma bouche lorsque je me cognai durement le genou contre l'un des meubles épars.

— Chuuuut ! m'apostropha Eva dans un chuchotement excédé en me lançant un regard meurtrier au moment où je me tournai vers elle.

Je sentis des larmes de frustration me brûler les yeux, tandis que la colère et la rancœur montaient en moi face à l'injustice criante de la situation. J'avais envie de lui hurler de ravaler ses commentaires méchants et ses regards lapidaires et de se débrouiller toute seule avec ses problèmes ! Mais un nouveau grondement plus rauque...plus primitif retentit alors, m'ôtant toute envie de rébellion. Surtout lorsque je vis la peur qui emplie les yeux écarquillés de mon irascible partenaire.

Nicolas, toujours à quelques mètres de nous, avait fermé les yeux et semblait éprouver des difficultés à les rouvrir. Lorsqu'il y parvint quelques secondes plus tard, il s'empressa de nous faire signe de rester où nous étions avant de prendre une grande inspiration et d'entrer dans la pièce.

Il eut à peine le temps de faire trois pas, qu'un nouveau rugissement retentit, immédiatement suivit par un bruit sourd et un craquement écœurant alors que le corps de Nicolas était propulsé à travers la pièce où il atterrit sur l'une des étagères métalliques renversées.

Sous le choc, j'étais restée pétrifiée et fixai le corps meurtri et terriblement immobile de Nicolas sans savoir quoi faire. Des pas lourds résonnèrent dans la pièce adjacente tandis que le responsable de ce carnage s'approchait de la porte fracassée. Du coin de l'œil je vis Eva, tremblante comme une feuille, hésiter quelques secondes, avant de tourner les talons et de s'enfuir sans demander son reste !

C'était une blague ! pensai-je dans un gémissement intérieur. J'étais en plein cauchemar ! Il fallait que je bouge, je ne pouvais pas rester là à attendre que ce fou furieux déboule dans la pièce et ne s'en prenne à moi. Je devais fuir...tout de suite, me hurlait mon instinct terrifié. Mes muscles tétanisés par la peur et l'adrénaline répondirent enfin aux stimulus désespérés de mon cerveau et je me mis en mouvement.

Je me dirigeai bêtement vers Nicolas, ne pouvant me contraindre à l'abandonner quand, contre toute attente, je le vis bouger. D'abord sa main droite qui enserra maladroitement l'un des montants métalliques avant qu'il ne se redresse en quelques secondes à peine. Son regard épuisé chercha immédiatement le mien tandis qu'il se relevait déjà sous mes yeux éberlués. Je le croyais mort ou tout comme et voilà qu'il était debout ! Amoché certes mais quand même c'était...

— Caches-toi ! me murmura-t-il dans un chuchotement pressant alors que les bruits de pas qui s'étaient tus reprenaient dans la petite chambre.

Je jetai des coups d'œil affolés autour de moi, cherchant un endroit où me dissimuler mais la panique et l'incompréhension de la situation empêchait mon pauvre cerveau de fonctionner correctement.

— Derrière l'armoire là-bas, vite ! m'enjoignit-il en essuyant le filet de sang qui lui coulait de la lèvre d'un revers de manche.

Comme dans un rêve je me dirigeai telle une automate vers le coin droit de la pièce et ses armoires métalliques entassées et me cachait tant bien que mal derrière l'une d'elle. J'avais bien conscience que mon abri était plus que précaire et ne résisterait pas plus d'une seconde à une fouille approfondit de la pièce. J'étais à peine dissimulée qu'Aaron apparut sur le seuil de la porte.

— Pourquoi me défis-tu ? articula-t-il difficilement dans un grondement sourd, toute son attention dirigée sur Nicolas.

— Je ne te défis pas, lui répondit-il calmement alors qu'il commençait à reculer. Et si tu étais toi-même tu t'en rendrais compte, ajouta-t-il en faisant un pas de plus vers la sortie.

Aaron semblait totalement hypnotisé par Nicolas, son regard flamboyant, traversé des mêmes reflets orangés que j'avais aperçu dans ceux de Cat, fixé sur lui. Je n'avais donc pas rêvé ! Mais qui était ces gens à la fin ? Personne n'avait les yeux orange, ça n'existait pas ! À moins que ce ne soit la drogue inconnue administré à Cat qui provoquait cet étrange effet secondaire ? « ...si les aigles-garou existent... » ce morceau de phrase entendu il y avait de cela une éternité me semblait-il, me revint subitement en mémoire sans que je ne sache pourquoi.

— Ne fuis pas devant moi ! hurla Aaron d'une voix de stentor en s'avançant soudain vers Nicolas, comme un prédateur fondant sur sa proie.

Paralysé je le vis fondre sur Nicolas, le bras levé près à frapper. Lorsqu'il fut sur lui, ce dernier eut le temps de me faire un bref signe de tête, avant qu'Aaron n'engage le combat dans un grondement sinistre. Par réflexe je fermais les yeux, ne voulant pas assiste à ce qui allait suivre tandis que je réfléchissais à toute vitesse. Que voulait-il que je fasse ? Puis d'un seul coup je compris ! Il l'avait sciemment attiré loin de la porte pour que je puisse entrer dans la pièce et évacuer Cat.

Terrorisée par les horribles bruits de lutes accompagnés de plaintes et de grognement qui m'arrivaient de l'autre bout de la pièce, je me contraignis à sortir de ma cachette. Mes muscles ankylosés par le stress et ma position inconfortable eurent du mal à se mettre en marche et c'est d'une démarche incertaine que je me ruai vers la porte qui heureusement était toute proche.

J'entrai dans la petite chambre et m'arrêtai net. Cat était allongée sur un lit, entravée à ce dernier par des attaches de tissus munies de velcro, comme on en trouve dans les hôpitaux psychiatriques. J'hésitai...mais risqué ou pas, si Aaron me trouvait là se serait bien pire ! Je n'avais donc pas de temps à perdre, me dis-je en me précipitant vers le lit où Cat paraissait dormir paisiblement. Je libérai rapidement ses poignets, priant pour que le bruit n'alerte pas son père toujours en lutte avec Nicolas, vu les sons qui me parvenait encore. J'étais en train d'ouvrir les attaches de ses chevilles quand elle se redressa d'un seul coup et d'une poigne de fer me saisit durement par l'épaule avant de m'envoyer contre le mur.

Le choc m'étourdit quelques secondes alors qu'une horrible douleur irradiant de mon épaule abîmée commençait à m'envahir le bras. J'eu à peine le temps de rouvrir les yeux qu'elle était sur moi, me bloquant toute retraite ses deux mains appuyées sur le mur de chaque côté de ma tête, ses yeux jaune orangé braqués sur moi.

— Cat, c'est moi Rose ! Je suis là pour t'aider, tentai-je d'une voix tremblante alors que j'essayai difficilement de soutenir son regard qui n'avait plus rien d'humain.

Un son étrange sortit de sa bouche, mi grognement, mi rugissement tandis qu'elle levait son bras droit et amenait sa main à hauteur de mes yeux. Une terreur abjecte inonda chaque cellule de mon corps tandis que mon cerveau essayait de comprendre ce qu'il voyait. Sa main avait à présent une forme étrange et était partiellement recouverte d'un duvet orangé et noir tandis que des griffes coupantes comme des lames de rasoir sortaient de ses doigts qui raccourcissaient, devant mon regard médusé.

Je crois que je dus cesser de respirer devant ce spectacle surréaliste, car quand elle arma son bras pour me frapper, je plongeai sans réfléchir sous son bras levé dans un hurlement douloureux. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant