Chapitre 35-1

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Sans réfléchir, je m'empressai d'enclencher le plus silencieusement possible les verrous présents sur la porte, sous le regard surpris et légèrement admiratif de Nicolas, que cela n'avait visiblement pas effleuré. Je n'étais peut-être pas très douée pour me battre mais je pouvais au moins faire ça. Le problème était que nous étions à présent enfermés avec Ivory qui ne tarderait plus à se réveiller. Perspective pas réellement réjouissante.

Quelqu'un à l'extérieur actionna la poignée et voyant que la porte ne s'ouvrait pas, accentua son geste, allant jusqu'à la faire trembler sur ses gonds.

— Maintenant, on fait quoi ? demandai-je à Nicolas dans un murmure apeuré, en nous éloignant silencieusement de la porte, mon regard n'arrêtant pas de revenir sur le corps toujours inerte d'Ivory.

— Le miroir, me chuchota-t-il, dans un souffle rauque. Avec un peu de chance, nous pourrons nous enfuir par l'autre pièce.

J'acquiesçai, pas très convaincue mais, quel autre choix avions-nous de toute façon ? Des coups plus forts commencèrent à résonner sur la porte, redonnant à Nicolas un peu de sa vigueur perdue. Il me saisit par la taille et me soulevant comme si je ne pesais rien, me hissa jusqu'à l'ouverture encore hérissée de morceaux de verres acérés. C'est avec beaucoup de précaution que j'enjambai la vitre brisée mais même ainsi je réussis à me couper sur les bords tranchants. Stoïquement je réussis à ne pas geindre ou jurer. Inutile d'inquiéter Nicolas ou d'indiquer aux hommes d'Ivory que nous étions toujours là.

Mais toutes mes précautions ne servirent pas à grand-chose, car n'ayant rien à quoi me retenir, je tombai lourdement de l'autre côté, me tordant douloureusement la cheville. Nicolas fut près de moi avant même que je n'ai eu le temps de tenter de me relever. D'un regard tendre et inquiet, il me demanda sans un mot si tout allait bien et je le rassurai d'un petit signe de tête.

Cette nouvelle pièce était plus petite que le laboratoire duquel nous venions et une porte menait bien vers l'extérieur. Malheureusement, elle donnait sur le même couloir, ce qui n'arrangeait pas notre situation ! Cela aurait dû m'inquiéter mais je n'avais d'yeux que pour le cadavre qui gisait au sol, entre nous et la sortie.

— C'est toi qui a fait ça ? lui demandai-je d'une voix blanche et fluette.

— Je n'avais pas le choix Rose, s'excusa-t-il d'une voix peinée, en me forçant à me relever pour le suivre.

Je le suivis en boitillant, comme une automate, mon regard toujours focalisé sur le corps torturé et ne réagis même pas lorsqu'il s'approcha de la porte, une main près du verrou et l'autre sur la poignée.

— Dès qu'ils entreront dans le labo, nous sortirons par là. Le temps qu'ils s'en rendent compte, nous pourrons prendre un peu d'avance...

— Rose ! Tu m'écoutes ? me demanda-t-il en me saisissant doucement par le menton pour tourner mon visage dans sa direction. Rose, je n'avais pas le choix, me murmura-t-il d'un ton vibrant. Si je voulais te sauver, je n'avais pas le choix.

— Tu n'étais pas obligé de le torturer, si ?

— Tu crois que lui, il avait ces scrupules ? Si cela peut te tranquilliser, je ne l'ai pas torturé. Juste une ou deux entailles pour qu'il cri assez pour donner le change.

Je savais qu'il n'avait pas eu le choix mais je ne pouvais m'empêcher d'être choquée et de le percevoir différemment. Ce n'était pas juste et surtout ni le moment, ni le lieu pour ce genre de prise de conscience mais je n'y pouvais rien. Je vis de la tristesse passer dans le regard de Nicolas, vite remplacée par une froide détermination.

— J'espère que nous aurons tout le temps d'en reparler plus tard mais pour le moment, fais-moi confiance et écoute ce que je te dis, nous n'aurons pas de seconde chance.

C'est à cet instant que la porte du labo céda dans un craquement sinistre. Nicolas déverrouilla le verrou et enclencha la poignée...mais rien ne se produisit ! Malgré tous ses efforts silencieux, le battant refusait de s'ouvrir. Au lieu de rester figé de panique et de stupeur comme moi, Nicolas m'attrapa par le poignet et m'entraina dans un coin de la pièce, non loin de la porte, nous dissimulant partiellement derrière des meubles déplacés.

— Dès qu'ils ouvriront cette porte, on fonce dans le tas, me murmura-t-il à l'oreille. L'effet de surprise peut jouer en notre faveur.

Je ne pris conscience que je tremblais, qu'à l'instant où il resserra son étreinte protectrice autours de moi. Lui non plus ne pensait pas que nous nous en sortirions, il le disait juste pour me tranquilliser, réalisai-je avec horreur et angoisse alors que les pas des hommes d'Ivory se rapprochaient toujours plus près.

— Fouillez la pièce, ne laissez rien au hasard ! ordonna une voix basse et sourde dans l'autre pièce.

— Chef, le miroir ! répondit une seconde voix plus proche et claire que la précédente.

Je sentis Nicolas se raidir à mes côtés et je ne pus m'empêcher de sursauter lorsque la porte de la pièce vola en éclat à son tour. Il fût sur ses pieds avant que le premier homme n'ait pénétré à l'intérieur m'entrainant dans son sillage, mais sa vélocité ne nous fut d'aucun secours lorsque trois autres hommes armés, se laissèrent tomber dans la pièce, nous coupant toute retraite.

Durant quelques interminables secondes je ne vis que les canons des armes braqués sur nous. Ce n'est que lorsque l'un des hommes parla, que je remarquai quelque chose d'étrange dans leurs tenues.

— C'est sécurisé ! cria l'homme resté dans le couloir.

Le son caractéristique d'une porte qui s'ouvrait au loin retentit et de nouveaux pas se firent entendre. Les hommes en uniformes qui nous tenaient en respect n'avaient toujours pas prononcé un mot.

— S'il vous plait, aidez-nous ? dis-je enfin en me dégageant de l'étreinte protectrice de Nicolas pour lever mes mains en l'air.

— Qu'est-ce que tu fais ? me murmura-t-il en essayant de me retenir.

— Fais-moi confiance, lui rétorquai-je en m'avançant d'un pas, jouant le tout pour le tout.

— Nous ne sommes pas armé. On...on nous a enlevé, mon ami est blessé et...

Je m'interrompis en grimaçant, lorsque ma cheville céda sous mon poids, manquant m'envoyer au sol. Nicolas me rattrapa aussitôt, ravivant la méfiance et la nervosité des hommes qui nous entouraient.

— Restez où vous êtes ! nous prévint l'un des hommes, son fusil ostensiblement braqué sur la tête de Nicolas.

C'est alors que deux autres hommes arrivèrent. Pendant une fraction de seconde, je crus que mes yeux me jouaient des tours ! L'homme stoppa net, apparemment aussi surpris que moi, puis écartant avec autorité les militaires qui lui barraient le passage, il s'approcha de nous.

— Rose ? C'est bien vous ? Mais que vous est-il arrivé ? me demanda l'inspecteur Storm en me tendant la main. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant