Chapitre 42-2

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— Quelle est-elle ? le questionna Thomas, qui venait de nous rejoindre sans que je ne le remarque. J'ai beau être généralement partisan du dialogue et de la clémence, dans le cas présent, je serais plutôt de l'avis d'Akshay.

— Pas ici, se contenta de lui répondre Nicolas en lançant un regard éloquent au loup garou entravé à ses pieds.

Je vis une lueur d'espoir traverser le regard d'Ivory lorsqu'il vit Nicolas s'éloigner pour rejoindre Thomas. Mais elle s'éteignit aussi vite qu'elle s'était allumée, lorsque ce dernier passa la dague du labo à Akshay.

— S'il tente quoi que ce soit...n'hésites pas, se contenta-t-il de lui dire en se retournant pour me faire signe de le suivre.

Soulagée qu'il ne m'ait pas oublié et ne me maintienne pas à l'écart, je m'empressai de les suivre alors que nous remontions les escaliers. Nous tournâmes à droite et après avoir passé plusieurs portes closes, débouchâmes dans une cuisine très sobre mais moderne malgré tout. A l'instant où je pénétrai dans la pièce, j'entendis un petit cri de surprise étouffée, vite suivi d'un déplacement d'air et d'une étreinte aussi forte qu'inattendue.

— Rose, tu es vivante ! Je suis tellement soulagée ! s'exclama Cat en me serrant toujours dans ses bras.

Peu habituée et friante de ce genre de démonstration affective, surtout chez les métamorphes, je restai un instant indécise ne sachant trop comment réagir. Mais à mon grand soulagement, elle finit par me lâcher et se recula de quelques pas, l'air aussi gênée que moi.

— Désolée, ce n'est pas dans mes habitudes mais...j'étais tellement inquiète...

— Ne t'en fais pas, aucun problème, m'empressai-je de la rassurer avec un sourire. Moi aussi je suis soulagée que tu ailles bien.

Constatant, que sur ces entrefaites, Thomas et Nicolas s'étaient rapprochés de la grande table en bois brut qui trônait au centre de la pièce, je me dépêchai de les y rejoindre, Cat sur mes talons. Ce n'est qu'en arrivant à leur hauteur que le parfum âcre et aisément reconnaissable du café me parvint. Je n'avais jamais été une grande fan de ce breuvage noir et amer mais à l'instant présent cela me paraissait la chose la plus délicieuse au monde. Une dizaine de mugs disparâtres étaient posés au centre du plateau de bois, entourés de part et d'autre par deux assiettes de biscuits secs. Si je n'avais pas été si bien élevée par ma mère, je me serais ruée sans attendre sur le maigre festin qui me faisait face, mais au lieu de cela je rejoingnis Nicolas et attendis patiemment de savoir si je pouvais me servir.

— Rose, un petit remontant ? me demanda Thomas de sa voix sérieuse et calme, contrastant avec sa tentative d'humour, en me désignant les tasses d'un signe de tête. Servez-vous, ajouta-t-il en joignant le geste à la parole.

J'attendis que les personnes déjà présentes autour de la table se soient servies avant de m'approcher à mon tour.

— A droite c'est le café et à gauche le thé, me précisa Cat en récupérant l'avant dernier mug de droite.

Sans aucune hésitation je m'emparai avec reconnaissance d'un de ceux de gauche et voyant que Cat partait rejoindre un groupe de jeunes gens en train de discuter, me rapprochai de Thomas et Nicolas, mon trophée brulant dans les mains.

— Quel est ton plan ? était en train de demander Thomas, visiblement pas dérangé par ma présence.

— Nous servir de cette ordure d'Ivory comme gage de paix envers les humains, autant que comme avertissement.

— Explique-toi ?

— Si on le leur amène ficelé comme un rôti en le désignant comme un chef renégat à l'origine des tensions de ces derniers jours, cela devrait les rassurer et également faire comprendre aux huiles qui jouent double jeux, que nous savons pertinemment le rôle qu'il a joué dans leur tentative de déstabilisation. On gagne sur les deux tableaux.

— Hormis un petit détail, raisonna soudain la voix agressive et hargneuse de Khyn qui venait de pénétrer dans la pièce, me faisant presque recracher la gorgée brulante que je venais de prendre. Vous êtes sensés avoir disparu de la surface de la terre et tu comptes leur livrer leur pire cauchemar, un loup garou, sur un plateau ? T'es vraiment débile !

— Rooh, t'es pas mort toi ! Dommage ! le railla Lin, en entrant à sa suite.

Je faillis applaudir son commentaire mais me retins, inquiète de la voir revenir si rapidement et...seule. Qu'était-il advenu de Cooper ?

— Vous êtes déjà de retour ? s'étonna Nicolas d'une voix alarmée, exprimant parfaitement mes pensées. Vous avez trouvé Cooper ?

— On a trouvé un truc endormis, lui répondit Lin avec son sourire habituel. Si tu dis qu'il s'appelle Cooper, je te crois. Il n'a pas trop apprécié le réveil, cela dit. Aaron, le ramène. Il m'a demandé de partir en éclaireuse pour savoir ce que la volaille faisait dans les bois, ajouta-t-elle avec une œillade méprisante pour Khyn, qui l'ignora superbement.

Il passa devant moi sans même m'adresser un regard me bousculant même légèrement au passage. Un grondement sourd et instinctif sortit de ma gorge sans que je n'aie aucun contrôle sur le phénomène. Je cru que Nicolas allait une nouvelle fois lui sauter dessus, mais la main que Thomas posa sur son bras l'empêcha de partir au quart de tour comme l'autre volatil l'espérait sûrement. Je ne connaissais pas la forme animal de Khyn mais vu tous les noms d'oiseaux dont les autres l'affublaient régulièrement, ce n'était pas très difficile à deviner.

— Je te rappelle que les humains, ignorent l'existence des loups garou et il n'y a aucune raison pour que cela change, essaya de tempérer Thomas.

— Parce que tu crois vraiment qu'il ne s'en vantera pas ? Au contraire, il va crier haut et fort qu'il est un loup garou et anéantir toute chance de paix et de confiance.

— Et pourquoi le croiraient-ils, si on leur affirme le contraire. Toi tu sais faire la différence entre un métamorphe loup et un loup garou, mais pour un humain, c'est la même chose. Si on leur certifie qu'Ivory est un fanatique fou dangereux qui se prend pour un monstre de légende, qui vont-ils croire à ton avis ? Surtout si on les menace implicitement de dévoiler leur petit trafic avec l'armée.

— Tu n'as pas tort, mais c'est une approche risquée, dit Thomas.

— Un risque inacceptable oui ! Et s'il s'enfuit ? S'il a des partisans parmi les humains ? Il faut l'éliminer.

— J'y ai pensé figure-toi ! Mais si les négociations pacifiques ne fonctionnent pas ? Qu'avons-nous à mettre dans la balance ?

— Pourquoi ne pas tenter les deux approches ? intervins-je enfin. On garde Ivory comme plan B et s'il s'avère que l'on n'a pas besoin de lui, on l'élimine discrètement.

La froideur et l'implacabilité de ce que je venais de dire ma frappa avec un léger temps de retard. Comment pouvais-je parler de la mort d'un être vivant avec autant de...désinvolture ? Cette froideur ne me ressemblait pas et je sentis un profond malaise m'envahir.

— Pourquoi pas. Il est toujours bon d'avoir un atout dans sa manche...

— Priez juste pour que l'on ai pas besoin de s'en servir ! grinca Khyn en tournant brusquement les talons.

J'étais encore debout, ma tasse toujours pleine dans les mains, lorsque je me rendis compte qu'il n'y avait plus que Nicolas et moi dans la pièce.

— Ne soit pas choquée par ta nouvelle façon de penser, me dit-il gentiment. Ton comportement s'adapte à ton nouvel environnement. Notre monde est impitoyable, tu dois d'adapter si tu veux survivre. Ton côté louve va t'y aider.

— Mais ce n'est plus...moi, m'entendis-je dire d'une voix perdue de petite fille apeurée qui me fit horreur.

— Cela va prendre du temps pour que tu t'y fasses complétement, mais ça va venir.

— Il y a déjà eu des cas de personnes qui rejetaient leur nouveau côté animal ?

— Cela arrive parfois, mais c'est rare...très rare.

— Que se passe-t-il dans ces cas-là ?

Nicolas ne me répondit pas, mais son regard sombre et hanté le fit pour lui...rien de bon apparemment. 

Ombre FauveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant