Lilian garda un silence de circonstance, consternée par cette dernière déclaration.
– Je suppose que je comprends un peu mieux l'utilité du Purgatoire, maintenant, se résolut-elle à conclure dans un souffle.
– Disons que ça rééquilibre un peu plus la balance des chances. C'est une rustine.
Incongrûment, la jeune fille se rappela que c'était précisément ce qu'elle avait dit du sujet. Elle ouvrit la bouche, les nouvelles informations tournant dans sa tête à une vitesse folle, et la referma. Puis la rouvrit.
– Mais alors... ? Je veux dire... Comment ça marche, alors ? Si l'Enfer a son propre libre arbitre... À sa façon, certes, mais... Ça marche comment, la répartition, alors ? Je ne sais pas si c'est clair...
Mais Christel hocha la tête pour lui faire comprendre qu'il avait compris.
– C'est Dieu le patron, alors c'est Lui qui décide de qui va dans Son Paradis, et qui va dans Son Enfer. « Car l'Éternel ne délaisse pas son peuple, Il n'abandonne pas son héritage ». Si une âme est trop mauvaise pour monter au Paradis, mais pas assez pour descendre en Enfer, alors elle passe par la case Purgatoire.
– Et si elle est trop mauvaise pour le Purgatoire, mais pas assez pour l'Enfer ?
Christel ouvrit des yeux surpris par cette éventualité.
– Jamais vu ça, affirma-t-il. De toute façon, si tu ne vas pas au Paradis, tu passes d'office au Purgatoire. L'Enfer, il faut vraiment avoir merdé dans des proportions bibliques pour y avoir droit dès le premier tour. D'ailleurs, je suis bien content qu'ils aient revu les conditions d'accès, parce qu'à une époque, ça tenait à pas grand-chose. Aujourd'hui, crois-moi, il faut plus qu'être homosexuel pour brûler en Enfer.
Christel rajusta son assise, oscillant dans le fauteuil.
– Voilà donc pour la hiérarchie et, on va dire, la « géographie » du sujet, conclut-il, du moins dans les grandes lignes. Après, pour y revenir et répondre à ta première question, tu as le bestiaire. Et là, je te jure, c'est une autre paire de manches.
Lilian ne sursauta même pas à ce brusque changement de sujet. Le niveau de démystification avait atteint un point tel qu'elle recevait les informations sans les concevoir. Elles glissaient sur elle comme de l'huile sur de l'eau, et la jeune fille suivait mécaniquement.
– Le lycanthrope ? demanda-t-elle alors.
– Parmi d'autres. Et crois-moi, il y en a un paquet. Le plus célèbre, c'est le vampire. Le pauvre bougre, la culture populaire l'a accommodé à toutes les sauces. Dans un autre registre, tu as aussi le zombie, même si techniquement, ce n'est pas un maudit en soi.
– Le zombie... comme dans les films ?
Christel secoua aussitôt la tête et joignit les mains devant son visage.
– Alors, je vais être très clair là-dessus. S'il y a une source que tu dois oublier là, maintenant, tout de suite, c'est bien celle-là. C'est sympa, les films. Les séries télé, les romans, les fanfics, c'est sans doute très divertissant... mais c'est pas la réalité. Alors, tu oublies les vampires avec leurs gueules de beaux gosses et leur sentimentalisme à deux balles, tu oublies les zombies façon pandémie mangeuse de chair humaine, et putain de merde, les lycanthropes ne vivent pas en meute, combien de fois il va falloir qu'on le répète ?
– Les loups vivent bien en meute, pourtant, non ? objecta Lilian avec bon sens.
– Les loups, oui, les lycanthropes, non. C'est des loups que vient cette idée, d'ailleurs.
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Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]
ParanormalLondres, 1215. Voulant vivre leur amour loin des interdits, un moine et une jeune fille ne verront rien du bonheur qu'ils s'étaient pourtant promis de trouver. Fuyant leur abbaye, c'est la mort qui leur ouvrira les bras, sous la pire forme qu'ils po...