Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]

Chapitre 34 (partie 2)

Il chercha ses camarades, balayant les lieux du regard. Il n'eut pas à se soucier de James, sa garde était proprement infranchissable. Être un ancien maître d'armes avait ses avantages. Il venait en cet instant de faire une féroce attaque au pal, moulinant son arme par le dessous, et le maudit devant lui s'écroulait en hurlant de douleur, les mains crispées sur son aine déchiquetée. Le bon mot aux lèvres et l'œil brillant de malice, James abrégea ses souffrances en le décapitant.

Lulu, toute aussi habile au cimeterre, se défendait tout aussi bien. Elle en avait un dans chaque main, et les maniait à la perfection.

Le combat était presque gagné. Seuls quelques irréductibles tentaient le tout pour le tout, mais c'était pour mieux se faire cueillir comme des fleurs. Ses camarades, galvanisés par l'issue proche de la bataille, redoublèrent d'ardeur.

Le jeune homme jeta un dernier coup de périscope. Lilian n'avait pas bougé de sa place. Christel ne manqua pas de remarquer qu'en dépit de son inexpérience, elle continuait de se battre comme une forcenée. Son front était néanmoins couvert de sueur, preuve des efforts qu'elle devait fournir. Mais, vaillante, elle ne reculait pas d'une semelle, dût-elle avoir ses ennemis sous le nez. Les quelques maudits qui voulurent l'approcher en furent pour leurs frais.

Tous, dans le hall, étaient pressés d'en finir. Le sentiment fut tel que le rythme s'accéléra soudain, comme un rush de fin. Les maudits, conscients qu'il ne leur restait plus beaucoup de temps, jouèrent leur va-tout dans cette dernière ligne droite. Ils s'animèrent soudain, puisant dans leurs réserves d'énergie, et devinrent encore plus furieux.

Christel eut tout juste le temps de voir le coup arriver. Il tourna la tête, mais ce fut trop tard, il n'eut même pas le temps de réagir. Le maudit bondit en avant, attaquant par l'arrière, et sa main griffue s'abattit. Le jeune homme vit alors, horrifié, Lilian s'effondrer à terre, une main sur sa gorge ensanglantée.

Elle tomba lourdement sur le sol et ne bougea plus.

Le temps s'arrêta brusquement autour de Christel. Abasourdi, sous le choc, il vit la jeune fille basculer sur le côté, comme dans un mauvais ralenti. Ses doigts étaient crispés sur son cou d'où jaillissait un flot de sang, et son visage manifestait presque la surprise. Seul son regard, vide, trahissait ce qui venait de se passer. Il la vit alors chuter à terre, les membres bringuebalants, comme désarticulés. Sa rapière tomba au sol, inutile, avec un atroce tintement.

– Lilian !

Son cri était sorti tout seul, et même lui l'entendit à peine. La bataille faisait toujours aussi rage autour de lui, mais il restait immobile, chahuté par des combattants, les yeux rivés sur le corps étendu au sol. Les maudits autour d'elle se disputaient pour savoir lequel en aurait la primeur, mais un sort dévié de sa trajectoire mit fin à leurs négociations. Il frappa le mur, les faisant fuir, tandis que la paroi se détachait par morceaux entiers et ensevelissait la jeune fille inanimée. Le grondement des blocs de marbre dévalant sur le sol parut assourdissant.

Puis ses jambes réagirent, et sans le vouloir, il courut. Il se rua en avant, vers Lilian.

– Lilian !

Un maudit lui barra la route, tous crocs dehors. Christel ne perdit pas son temps à renifler son haleine et le détruisit sans attendre. Peu lui importaient les maudits et le reste, la seule chose à laquelle il pensait en cet instant était le cadavre de la jeune fille contre le mur, couvert de gravats. Il parvenait tout juste à voir son bras dépasser.

Il courut vers elle, aveugle à ce qui l'entourait.

– Christel, attention ! fit subitement la voix affolée de James.