Le jeune moine se figea devant l'absence. Le Chasseur se figea devant l'absence. Il regarda autour de lui, pensant qu'ils s'étaient simplement trompés de maison. Mais, en se tournant vers la Tour de Londres, il reconnut l'enseigne de fer forgé indiquant le boulanger devant laquelle ils étaient passés. Ils étaient au bon endroit, et la fille avait disparu.
– Éléonore ? appela le moine à voix basse.
Un coup de vent glacial fut sa seule réponse, l'obligeant à serrer sa cape autour de lui.
– Éléonore !
Le Chasseur ne sentit pas son sang se figer devant le silence, mais c'était tout comme. Il repensa au temps qu'il avait dû passer à observer l'idiot de moine planifier leur retraite, essaya de se rappeler avoir entendu un bruit, mais il ne se souvenait de rien de tel. Il tourna frénétiquement sur lui-même, la cherchant du regard. En une seconde, les pires théories défilèrent dans sa tête. La ronde de nuit ? Un vagabond ? C'était impossible, il aurait distingué quelque chose, des voix, un esclandre, et tout ce dont le Chasseur se remémorait était le chant lointain de l'ivrogne.
Les rues alentour étaient silencieuses. Le moine tenta de tendre l'oreille, mais seul son sang battait avec angoisse à ses tempes, le Chasseur l'entendait d'ici. Où pouvait-elle bien être ? Elle n'avait rien laissé par terre, aucune trace de lutte, c'était comme si elle n'avait jamais été là. Peut-être avait-elle vu arriver quelqu'un et changé de cachette ? Mais, dans ce cas, pourquoi donc ne répondait-elle pas ?
Le Chasseur commença à craindre une intervention d'un frère de génuflexion. L'un d'eux, surprenant leur manège, les avait peut-être suivis et voulait s'appliquer à ramener la malheureuse à la raison. En ce cas, pourquoi elle et pas l'autre idiot ? Si un convers c'était, pourquoi ne s'était-il pas manifesté ?
Une idée subite lui vint alors en tête. Et si c'était l'autre pervers ?
Ah, non ! Non ! Non ! Non ! Il ne manquerait plus que ça !
Les rues silencieuses leur tendaient les bras. Le moine regardait désespérément autour de lui, la respiration rendue saccadée par l'angoisse. Ils entendirent alors, soudainement, un hurlement déchirant.
Le moine sursauta, pris par surprise, puis se tourna brusquement vers l'origine du cri. Le Chasseur le vit pâlir en dépit du froid qui avait déjà rendu sa peau blême.
Ignorant le moine, le Chasseur se précipita dans cette direction. Il se rua dans les ombres, avec fièvre.
Le Chasseur courut aveuglément, sans se soucier des gens qu'il pourrait croiser. Il manqua de percuter l'ivrogne, qui jeta dans sa direction une bordée d'injures colorées. Le Chasseur l'ignora. Il avait l'esprit fixé sur ce cri, venu du côté d'Eastcheap.
Le Chasseur y parvint bientôt, reconnaissant les étals de bouchers fermés en cette heure tardive. Il n'y avait pas âme qui vive, les résidents avaient, semblait-il, préféré ne pas chercher à se tenir informés, ce qui était une bonne chose. Si, effectivement, c'était l'autre pervers, il valait mieux ne pas se trouver dans les parages. Les rares chanceux, si tant est qu'on pût les appeler « chanceux », à l'avoir vu à l'œuvre ne s'étaient pas sentis très bien, après coup...
Le Chasseur grinça sourdement des dents à cette idée. Le fol-en-cul ! Il avait vu cette fille le premier !
Il entendit des bruits de pas derrière lui, et courut se cacher. Le moine surgit dans la rue, puis s'arrêta, le souffle court. Il avisa les alentour, cherchant sans doute à se repérer et à reprendre sa respiration. Le Chasseur se désintéressa de lui pour essayer de voir où avait bien pu passer la fille, si c'était elle qui avait crié à l'instant.
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Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]
ParanormalLondres, 1215. Voulant vivre leur amour loin des interdits, un moine et une jeune fille ne verront rien du bonheur qu'ils s'étaient pourtant promis de trouver. Fuyant leur abbaye, c'est la mort qui leur ouvrira les bras, sous la pire forme qu'ils po...