Chapitre 54 (partie 2)

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– Bonsoir, Lilian ! fit la voix de Natacha. Comment tu me trouves ?

– Euh..., hésita la jeune fille. Eh bien...

On jouait « Marie-Antoinette, Reine des Guimauves » sur Queensway, ce soir-là. Même la comtesse, malgré toute sa retenue, ne pouvait s'empêcher de la détailler de la tête aux pieds. Natacha avait assurément fait fort pour son costume. La robe était bouffante, pigeonnante, presque écœurante. Elle évoquait une grosse guimauve rose et blanche. La taille était serrée dans un corsage qui partait en dentelles, en crevés, en jupons et falbalas dans tous les sens. Ouverte sur le devant, la robe laissait entrevoir la culotte stylisée, les bas et les bottines enrubannées. La perruque, incroyable, était décorée d'une réplique de vaisseau en bois verni. Agitant son éventail en plumes devant son visage blanchi et orné de mouches, elle guettait d'un regard canaille la réaction de Lilian.

– Alors ?

Si Lilian tentait tant bien que mal de trouver les mots adéquats, Christel ne semblait se soucier en aucune manière de comment il la trouvait. Son regard, allant de la demoiselle à la banquette arrière, avait plutôt l'air de se demander comment il allait faire rentrer une telle profusion de rubans et de tissus. Déjà qu'avec Lilian, ça n'avait pas été facile, mais là... Sa seule consolation, c'était que les deux allaient pouvoir faire la paire.

La comtesse lança au jeune homme un regard un tantinet décontenancé. Elle avait prévu la discrétion avec les vitres teintées, mais n'avait pas imaginé que leur passagère aurait à ce point le sens de la démesure... et du ridicule. Car son sourire en coin en disait long sur ce qu'elle pensait du déguisement de Natacha.

Soucieux de couper court à tout commentaire pouvant compromettre la suite, Christel se décida à sortir pour pousser cette dernière, toute babillante, à prendre place. Il fallut tasser un peu pour faire rentrer les jupons, la perruque à elle seule prit une bonne partie du temps, mais Christel parvint à tout faire rentrer et à s'installer à l'avant.

– On y va, maintenant, déclara-t-il.

Et le véhicule se mit en marche.

Alors qu'il roulait tranquillement dans les rues en direction du campus, Natacha ne cessait de conter ses mésaventures avec les costumes.

– Je te jure, ça a été un calvaire ! assurait-elle. J'ai été voir Harold Newmann, le créateur sur la 2e Avenue. Tu aurais pu jurer que tout le campus a été se faire habiller chez lui. Au départ, je voulais devenir Cléopâtre, mais il m'a dit que ce costume lui avait déjà été demandé par une autre. Alors j'ai voulu faire princesse orientale, tu sais, avec plein de bijoux en or et plein de volants partout, mais là encore, c'était déjà pris. Je te jure, je lui ai fait déballer au moins une centaine de déguisements avant de réussir à me décider !

– Waouh... ? fit Lilian qui ne savait pas si elle devait en rire ou en pleurer. Mais tu sais, tu n'avais pas besoin de faire tous ces efforts, un simple costume aurait suffi.

– Tu rigoles ? Ils vont élire le plus beau costume de la soirée ! Ce sera la reine du bal ! Et puis, tu es mal placée pour me donner des leçons, parce que tu n'as pas fait dans la simplicité, non plus.

– Ce n'est pas moi qui ai choisi, c'est l'autre imbécile. C'est lui qui s'est fourré dans la tête que plus ce sera énorme, moins on se fera remarquer.

– Et il a eu raison, affirma doctement Natacha. J'ai échangé quelques messages avec les filles, je peux t'assurer qu'il y aura des robes encore plus énormes que la mienne.

– Pourquoi ? Tu ne la trouves pas bien, ta robe ?

– Mais je la trouve très bien, ma robe !

Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant