Chapitre 36 (partie 1)

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Le quartier de la 14e Rue ne se distinguait guère des autres, si ce n'était qu'il paraissait un peu plus miséreux et abandonné que ses voisins. À peine avaient-ils mis le pied dans la rue qui les intéressait qu'ils avaient compris pourquoi : l'air empestait l'activité démoniaque à plein nez. Il ne devait pas y avoir foule d'habitants, par ici. La planque par excellence.

– Alors, c'est ça, que vous a indiqué le maudit que vous avez interrogé ? demanda Lulu.

– Affirmatif.

– C'est drôle, je ne me souviens pas être déjà allée dans ce coin-là.

– Ça n'a pas d'importance.

Ils avancèrent le long des trottoirs. Le jour n'était pas encore levé, et les ombres serpentaient dans la nuit comme des formes fantasmagoriques. L'atmosphère était étrangement oppressante. Quand l'un tournait la tête, il avait le sentiment tenace de voir une centaine de visages disparaître. Tous avaient la désagréable impression de se sentir observés depuis leur entrée dans la rue.

– C'est vachement silencieux, chuchota James.

Il avait le sentiment que parler plus fort revenait à provoquer une catastrophe. Le silence était tel qu'il se serait cru dans une église.

– Numéro 1407, signala Lulu.

– On approche. Ce doit être ça, le bâtiment dont il a parlé. Il avait mentionné une vieille enseigne de commerçant.

Il tendit le doigt devant lui, désignant une vieille enseigne lumineuse qui avait perdu plusieurs lettres. L'état indiquait clairement que lesdits commerçants n'étaient plus là, et ce depuis un bon bout de temps.

– C'est drôlement sinistre, jugea Lulu.

– J'imagine qu'il faut attendre de voir l'intérieur, ajouta James. Si ça se trouve, c'est super classe.

– Prends pas trop tes désirs pour des réalités, non plus.

Ils s'approchèrent, et la sensation d'être observés se fit de plus en plus oppressante. Ils comprenaient de mieux en mieux pourquoi la rue était déserte.

– Ça file le cafard, cet immeuble. Il date de quand, à ton avis ? Du siècle dernier ?

La porte du vieux commerce était aussi délabrée que le reste. Ils poussèrent le bec-de-cane et entrèrent.

Le maudit n'avait pas été très loin de la vérité en parlant de supérette. C'en était une, et l'endroit semblait avoir été un jour abandonné tel quel, comme si le personnel était parti en laissant tout en plan. Les rayonnages étaient garnis de nourriture périmée et de produits domestiques obsolètes, le tapis roulant du comptoir était craquelé, et sa machine de caisse vidée de sa monnaie. Derrière le comptoir, il y avait des étagères de boîtes de bonbons et de gadgets usuels, comme les piles ou les briquets. Ils trouvèrent même un présentoir en carton proposant une promotion sur des paquets de gâteaux au chocolat. Il manquait deux boîtes. Un petit chariot élévateur patientait sagement dans son coin, une palette posée à-côté attendait d'être déchargée de ses cartons de conserves. Une pendule arrêtée indiquait 7 h 45 du matin. Ce devait être l'heure à laquelle la vie avait quitté cet endroit, maintenant rempli de moisi, de poussières, de cafards et d'araignées.

– Une chose est sûre, j'irai jamais faire mes courses ici, grimaça James.

Christel ignora sa remarque et jeta un regard circulaire sur la boutique. Il n'y avait absolument personne. Non pas qu'il se serait attendu à voir soudain débarquer un commis épicier, mais au vu de l'usage annoncé de cet immeuble, un peu de surveillance n'aurait pas été de trop.

Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant