Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]

Chapitre 43 (partie 2)

Christel lui posa sa main sur l'épaule.

– Ça va aller ?

Mais la jeune fille lui claqua le bras loin d'elle.

– Imbécile ! Tu ne pouvais pas me dire que j'étais froide comme la mort ? De quoi j'avais l'air ?

Il la regarda avec évidence.

– Tu es morte Lilian, tu t'attendais à quoi ? J'avais pensé que tu le remarquerais. Pourquoi tu crois qu'on parle de « viande froide » ?

– Navrée de ne pas être aussi calée que toi en matière de thanatomorphose !

– Dans ce cas, je t'avertis, tu es devenue une viande froide.

Et le ton neutre de sa voix indiquait clairement le peu de cas qu'il se faisait du problème. Lui-même avait très bien réussi à faire illusion, pourquoi pas elle ?

Il la prit par le bras, l'entraînant avec lui.

– Allez, viens, sinon Nat' va encore se poser des questions. Et si tu as encore des raisons d'être surprise, tu n'avais qu'à suivre les cours de biologie.

– Tu aurais quand même pu m'avertir, protesta Lilian. J'aurais mis un patch chauffant, ça aurait fait au moins illusion.

Mais Christel secoua la tête.

– Mauvaise idée, lui assura-t-il. Crois-moi, on a déjà essayé, on s'est aperçu que ça accélérait la décomposition.

La première chose que fit Christel, une fois à l'intérieur du bâtiment, ne fut pas de se rendre au cours d'histoire, mais de jeter un œil dans la salle de mathématiques pour voir la nouvelle enseignante. Il était dit qu'il ne serait pas tranquille, tant qu'il n'aurait pas déterminé avec exactitude si, oui ou non, elle était digne de confiance.

Il la trouva penchée sur ses notes, concentrée sur le cours qu'elle allait donner. La trentaine, les cheveux châtains en queue de cheval, une mèche rebelle glissée derrière son oreille. Profil classique, les yeux noisette. Tailleur jupe, avec chemisier entr'ouvert. Banale comme tout. Et il eut beau flairer de toutes ses forces, la seule odeur qui lui parvint fut son parfum de musc et de patchouli à faire tomber les mouches.

Rien de démoniaque là-dedans, c'était déjà ça.

Alors qu'il se retournait pour s'en aller, les élèves investissaient déjà la salle. Il se retrouva nez-à-nez avec Natacha.

– Tu n'aurais pas vu Lilian, par hasard ?

Il la regarda.

– Comment ça ?

– Je m'attendais à ce que vous restiez ensemble, et elle n'est pas au cours d'histoire.

– Le cours a commencé ?

– Non.

– Alors elle ne devrait plus tarder.

Il se mit en route, forçant la jeune fille à le suivre.

– Et ça ne t'inquiète pas plus que ça ? siffla celle-ci.

– Lilian est grande, elle sait ce qu'elle fait – enfin j'espère – et il n'y a aucune raison qu'elle disparaisse comme ça. Elle a dû croiser des camarades et tailler une bavette avec.

Mais, pour une fois, le pronostic de Christel s'avéra inexact. Du moins, en partie. Des éclats de voix attirèrent leur attention, et ils s'approchèrent pour voir de quoi il s'agissait. Quand ils furent suffisamment près et qu'ils virent ce que c'était, Christel grogna aussitôt et se précipita en avant.