Chapitre 8 (partie 2)

20 7 2
                                    


Quand Lilian rouvrit les yeux, elle avait l'impression que le moindre mouvement pouvait être le dernier. Son corps tout entier lui faisait mal, son crâne pulsait à un rythme infernal, son ventre était contracté en une boule de douleur, ses jambes refusaient de lui obéir, la vision de son œil gauche était à-moitié obstruée. Elle n'était plus qu'une masse échouée sur le sol, à la merci de vagues nauséeuses qui lui faisaient monter les larmes aux yeux.

Lilian ne savait pas combien de temps Siti et Katharine s'étaient acharnées sur elle. Elle avait l'impression que ça pouvait avoir duré quelques minutes comme plusieurs heures. Elles l'avaient frappée à la tête, lui avaient donné des coups de pieds dans le ventre, le dos, les jambes, encore et encore, au point qu'elle avait simplement fini par se recroqueviller sur elle-même et attendu la fin du supplice. Elle avait perdu connaissance au bout d'un moment. Pour cela, elle en était reconnaissante.

Par-delà le battement sourd à ses oreilles, elle parvenait à distinguer le brouhaha des autres élèves allant et venant autour du bâtiment. Elle chercha son sac du regard, le trouva plusieurs mètres plus loin, son contenu éparpillé. Il n'y avait personne d'autre sur la terrasse. Jamais personne ne venait ici, de toute façon. Elle tenta de repérer une surveillance quelconque, puis se souvint que c'était stupide, les toits n'étaient pas surveillés.

Sa voix mourut dans sa gorge quand elle parvint à mobiliser suffisamment de forces pour essayer d'appeler à l'aide. Et la simple contraction de son diaphragme suffit à envoyer une nouvelle vague de douleur dans son ventre. Elle gémit, et dut se retenir de toutes ses forces pour ne pas pleurer.

Elle était seule, immobile, réduite à l'impuissance. Combien de temps avant que l'on vînt à s'inquiéter de son absence ?

Ce ne fut qu'au bout d'une longue et pénible tentative qu'elle parvint à déplier une de ses jambes. Aucune ne semblait cassée. Elle avait l'idée folle, mais malheureusement nécessaire, de lancer sa jambe suffisamment fort pour jeter une de ses chaussures par-dessus le bord de la terrasse. Peut-être alors cela alerterait-il quelqu'un.

Puis elle entendit un petit bruit creux, une éclaboussure, puis un cri :

– Lilian !

Cette voix. Elle l'avait entendue sur tous les tons, mais au grand jamais elle ne l'avait entendue aussi angoissée.

Un bruit de pas se précipita dans sa direction, et le visage extrêmement soucieux de Mr Smith se pencha sur elle.

– Lilian, vous m'entendez ?

Elle cligna des yeux en assentiment. La main de Mr Smith vint doucement se poser sur sa joue, rassurante. Et enfin, comme une délivrance, une larme roula sur sa tempe.

*

– ... Il va sans dire que tout va être fait pour retrouver mesdemoiselles Shan et McGowan, assura l'officier de police d'un ton rodé à l'exercice. Les caméras de surveillance vont être passées au crible, et nous saurons bien où elles se cachent.

Le reste de la pièce se contenta de le regarder sans piper mot. Mr Hamilton était debout, les traits durcis, avec déjà au téléphone la totalité de ses avocats. Mme Hamilton était assise au chevet du lit d'hôpital, la mine décomposée. Mr Smith se tenait à l'écart, silencieux, mais son expression indiquait clairement ce qu'il pensait du discours stéréotypé du représentant de l'ordre.

L'officier partit enfin, laissant les Hamilton seuls avec Mr Smith.

– Je viens d'avoir Carlsberg, annonça alors Mr Hamilton à son épouse. Il dit que tant qu'elles n'ont pas été retrouvées, un mandat d'arrêt est tout ce que nous pouvons faire. Il va s'activer à retrouver leurs familles, pour le cas où elles chercheraient à les contacter, mais il a avoué ne rien avoir trouvé pour le moment.

Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant