– Et ce garçon, comment est-il ?
Lilian achevait de mettre la touche finale à son maquillage, quand la voix de sa mère avait failli lui faire rater le contour de ses lèvres.
Elle écarta le pinceau et se retourna.
– Excuse-moi, maman, qu'est-ce que tu as dit ?
– Ce garçon, insista Mrs Hamilton. Comment est-il ?
La jeune fille hésita une seconde quant à la façon de présenter son cavalier.
– Original, biaisa-t-elle alors.
Sa mère croisa ses jambes liposucées, les lèvres pincées.
– Hum ! ronchonna-t-elle. Ce n'est pas une réponse, ça.
Lilian leva les yeux au ciel, mais elle reconnaissait le bien-fondé de la réflexion.
– Eh bien si tu veux tout savoir, il a exécuté un paria de ses mains pas plus tard que cette semaine.
Elle se pencha à nouveau vers son miroir.
– Quant à savoir comment il est, tu le verras quand il viendra. Le connaissant, il ne se sera pas mis sur un trente-et-un ordinaire. Il fait si peu cas de sa condition que les smokings l'insupportent.
Mrs Hamilton haussa un sourcil parfaitement épilé.
– Est-il de notre condition, au moins ?
– Oui, maman, lui assura Lilian. Je reconnais que ce n'est pas évident d'un premier abord, mais il est on ne peut plus de notre condition.
La vérité, c'est que la jeune fille n'en savait rien. Elle avait invité Constantine, mais s'était rendu compte au moment de l'expliquer à ses parents qu'elle ignorait tout de lui. Aussi avait-elle menti sur certains points afin de se garantir l'approbation paternelle, car l'anti-futurisme, les galipettes à répétition dans les WC, le look gothique sorti tout droit d'un vieux manga, ça passait très mal dans un CV. Elle lui avait donc inventé des parents banquiers à l'étranger, des difficultés d'adaptation, mais avait ajouté au tableau une profonde culture, une grande intelligence et des prédispositions en culture physique.
Il devait finalement passer la prendre chez elle ce samedi soir vers huit heures.
Il avait affirmé l'emmener à un vernissage, ce que la jeune fille avait trouvé plutôt bienvenu. Quand elle se faisait inviter, la plupart du temps, c'était au dernier night-club à la mode ou dans le plus chic restaurant de la ville. Lilian avait donc voulu faire honneur à l'initiative et au style inhabituel de son cavalier, fouillé dans ses affaires et remonté une robe bustier noire à la surface. Toute en soie et bordée de perles, avec des gants trois quarts. Elle avait tressé ses cheveux, s'était rendu compte que ça n'irait pas, avait tout défait, les avait finalement disciplinés avec un peu de spray fixant, et signé ses lèvres d'un rouge brillant.
– Sais-tu où il va t'emmener ? poursuivit Mrs Hamilton. Je t'en conjure, n'approche pas de la Ceinture !
– Je n'ai pas l'intention de m'approcher de la Ceinture, maman.
Sa mère se releva. À son âge, elle était encore une très belle femme, même si sa beauté devait plus à la chirurgie esthétique et aux produits cosmétiques qu'à la nature. Au moins vivait-elle dans un milieu capable de lui payer ce luxe.
– Dans ce cas, conclut celle-ci, tu sais ce qui te reste à faire. Passe une bonne soirée.
– Merci, maman.
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Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]
ParanormalLondres, 1215. Voulant vivre leur amour loin des interdits, un moine et une jeune fille ne verront rien du bonheur qu'ils s'étaient pourtant promis de trouver. Fuyant leur abbaye, c'est la mort qui leur ouvrira les bras, sous la pire forme qu'ils po...