Chapitre 23 (partie 1)

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– Je ne sais pas ce que le Doyen a déjà pu te dire, commença Christel, mais en général, on demande aux petits nouveaux « d'oublier ce qu'ils croient savoir et d'accepter que les choses dépassent leur entendement. »

– Il n'y a pas manqué, lui assura Lilian. Par contre, il ne m'a pas dit grand-chose sur le... bestiaire. On a parlé du Purgatoire, de l'Enfer, du Paradis, des maudits en général et de ce qui les amène dans notre monde... Un peu de Smith, aussi, mais apparemment, c'est à toi qu'il revient de développer le sujet.

Christel ne put réprimer une exclamation amusée.

– Pour sa défense, c'est un peu normal. Dès qu'on parle de lui, on parle de moi, et vice-versa. Un peu comme David et Goliath, ou Sherlock Holmes et Moriarty.

Lilian hocha la tête, même si elle ne savait pas vraiment de qui il parlait. Christel rajusta son assise.

– L'une des premières choses à savoir quand tu as affaire à un maudit, c'est de te méfier des apparences. Parce qu'il a l'air humain ne veut pas dire que c'est un humain, ni que c'est un gentil. L'habit ne fait pas le moine, comme on dit.

– Ah bon, pourquoi ?

– Disons qu'il existe des maudits qui maîtrisent l'art de la métamorphose.

Lilian saisit alors toute la portée de cette révélation.

– Ah, fit-elle donc.

– Oui, « ah ». C'est con, hein ? On s'en serait tellement passé. Par exemple, les incubes, comme Smith, ont la possibilité de prendre l'apparence la plus aguichante pour leur cible. Peu importe laquelle, le but est de te rendre folle de désir pour qu'il puisse agir à sa guise. C'est exactement la même chose avec les succubes pour les mecs.

– D'accord, se résigna Lilian, qui comprenait maintenant un peu mieux le physique si apprécié de Smith et les rêves érotiques faits par de nombreuses élèves. Mais... Du coup, qu'est-ce qui se passe si... la « cible »... est en état de péché mortel ? Je veux dire... Une succube se présente à un homme, et... il s'avère qu'il aime les hommes ?

Elle rougissait presque de honte en posant la question, la pensée de quelqu'un intime avec une personne de son sexe lui paraissait tellement offensante ! Pourquoi, d'ailleurs, ressentait-elle le besoin de poser une question pareille ? En quoi c'était une information importante ?

Mais Christel ne sembla pas se formaliser de sa gêne. Il leva des sourcils surpris, comme si l'idée ne lui était jamais venue à l'esprit.

– Tiens, j'avoue que j'y avais jamais pensé, avoua-t-il avec amusement. Il faudra que je pose la question, même si je doute que ça soit déjà arrivé. Ils savent d'instinct ce qui t'allume, c'est facile pour eux de prendre la bonne apparence. Mais un succube devant prendre l'apparence d'un homme ou un incube celle d'une femme... Il faudra que je demande.

– Donc, Smith, il ressemble à quoi, en vrai ? s'empressa Lilian, dans une volonté de changer de sujet.

Christel lui répondit avec un sourire fataliste.

– Ça, malheureusement, jamais personne ne pourra te répondre, à part lui. En fonction des sources, c'est une sensation d'écrasement sur la poitrine, ou il est velu avec des pieds de bouc, il porte un bonnet conique, il a une bite énorme... Bref, chaque folklore a sa description.

– On va aller loin, avec ça, railla Lilian.

Christel ouvrit les mains en défense.

Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant