Lilian, brusquement inquiète, regarda le jeune homme s'animer soudain. Sa main s'était crispée sur la canne, au point que le bois menaçait de craquer. Ses yeux étaient sombres, obscurcis par la fureur. Une aura menaçante irradiait de lui, tellement empoisonnée qu'elle en semblait mortelle.
La jeune fille devina aussitôt la suite. Smith était en train de le mettre hors de lui. Il voulait pousser Christel à se battre, mais l'esprit empoisonné par la vengeance. Il semblait dans un tel état de rage qu'il paraissait ne plus avoir le moindre discernement.
Elle se souvint alors d'une chose que Christel avait dite, quand James lui avait parlé de l'état d'esprit du combattant : « la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance ».
Il n'allait jamais trouver le réconfort si jamais il devait se battre dans cet état. Mue par cette idée subite, elle se précipita en avant.
– Christel, pense à Yoda !
Curieusement, elle se sentit presque ridicule, à crier ça. Elle jeta même aux Dames et à la comtesse un regard contrit.
Christel entendit le cri de Lilian. Yoda ? Penser à Yoda ? C'était cliché en diable, ce truc. De la philo de cours de récré. Il allait crever ce type, ça n'allait pas faire un pli. Et tant pis pour la souffrance. Il se promettait de faire subir à Smith toute celle qu'il avait subie à lui courir après pendant tout ce temps, toute celle qu'Éléonore avait subie alors qu'il la violait, toute celle que ce petit être avait subie, injustement condamné à ne jamais voir le jour...
Les yeux étincelants, il planta sa canne dans le sol pour se redresser. Smith n'avait pas bougé, toujours souriant.
– Christel, avant que vous ne fassiez quoi que ce soit, réfléchissez deux secondes, fit soudain la voix de la comtesse. Croyez-vous vraiment que mademoiselle Éléonore et votre fils auraient voulu être vengés de cette façon ?
Christel, qui allait se remettre debout, marqua un temps d'arrêt. Percevant son doute, Smith grimaça.
– Oh, je t'en prie, geignit-il, ne recommence pas avec ton esprit chevaleresque. Tu veux la venger ? Venge-la ! Tu veux me faire mal ? Fais-moi mal ! Battons-nous une bonne fois pour toutes, comme on a envie de se battre, et tant pis pour l'éthique !
Christel ne répondit pas, soudain sur ses gardes. Les paroles de Lilian et de la comtesse tournèrent en boucle dans sa tête. Il regarda le maudit fièrement dressé devant lui, presque avec dégoût.
Était-ce un signe ? Il l'ignorait. Mais apparut soudain dans sa mémoire le doux visage de son aimée, son magnifique sourire, et sa colère chuta brusquement, le faisant presque frissonner. Il la revit elle, sa beauté rayonnante, ses jolies tresses, cette vie qui palpitait en elle et qu'il avait été incapable de deviner... Il se souvint alors de l'abbaye, de ces jeunes filles en fleur qu'il s'amusait à séduire, de la façon dont il les débauchait, en insinuant le doute dans leurs esprits. Smith voulait faire pareil pour lui. Il voulait l'arracher à son éthique, comme lui arrachait ces jeunes filles à leur vertu, pour le plonger dans le bain répugnant de la démence.
Oui, il aurait certainement « crevé ce type », comme il disait, et après ? La comtesse avait raison, Lilian avait raison. Éléonore et son enfant ne méritaient pas qu'il se salît les mains de cette façon. Cela ne lui aurait rapporté aucun réconfort. S'il voulait venger leur mort à tous les deux, il devait s'y prendre autrement.
Il planta alors sa canne dans le sol, et se mit enfin debout.
Smith le regarda faire avec angoisse. L'aura qui entourait le jeune homme avait changé. Ce n'était plus de la folie furieuse, celle qu'il s'était plu à provoquer, mais une colère sombre et oppressante. Christel ruisselait de colère, les dents serrées, le regard comme des coups de poignard.
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Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]
ParanormalLondres, 1215. Voulant vivre leur amour loin des interdits, un moine et une jeune fille ne verront rien du bonheur qu'ils s'étaient pourtant promis de trouver. Fuyant leur abbaye, c'est la mort qui leur ouvrira les bras, sous la pire forme qu'ils po...