Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]

Chapitre 29 (partie 1)

– Bon, faisons le point.

Christel ouvrit un livre et le posa sur la table, où une demi-douzaine d'autres ouvrages étaient déjà ouverts.

– Désolé pour le désordre, s'excusa-t-il, mais je ne suis pas aussi doué pour les exposés que le Doyen, j'ai toujours besoin d'un tas de bouquins pour m'expliquer.

Lilian, assise face à lui et enveloppée dans une couverture, le rassura d'un petit hochement de tête. Devant elle, fumait un mug de thé.

– Alors, voyons...

La bibliothèque était vide à cette heure-ci, les gens étant soit en chasse, soit en patrouille, et il y régnait un silence de cathédrale. Seule la dame grise se montra de temps à autre, évoluant parmi les rayonnages en fredonnant doucement. Ils pouvaient donc discuter autant qu'ils le voulaient sans être dérangés.

Suite à leur retour, ils avaient dû faire leur rapport au Doyen sur la soirée, expliquant les raisons de leur échec. Étrangement, celui-ci n'avait fait aucun commentaire à ce sujet, retenant surtout les nouveaux éléments sur l'identité de Siti. Il avait ensuite mandé un guérisseur et avait pris congé, demandant au jeune homme de faire à Lilian les exposés en conséquence. Celui-ci avait réquisitionné une couverture et du thé, et avait installé Lilian à la bibliothèque, la sachant déserte et lui laissant le temps de se remettre de ses émotions. La jeune fille avait lentement bu quelques gorgées, le cou tordu de la malheureuse femme en boucle dans sa mémoire. Respectant son silence, Christel s'était éloigné dans les rayonnages, revenant avec plusieurs livres dans les bras.

– Bon, faisons le point.

La jeune fille, sagement assise de l'autre côté de la table, attendait les détails. Christel tira un livre à lui et commença :

– Bien, jusqu'ici, on a dû te faire des exposés à l'arrache, mais j'espère faire mieux ce soir. Parce qu'au vu de ce qui s'est passé tout à l'heure, il est temps pour toi de connaître les choses plus en profondeur.

Elle hocha patiemment la tête.

– La première chose que tu dois savoir avant de te lancer dans une traque, commença-t-il, c'est de savoir à quel ennemi tu as affaire, et combien. Te jeter au-devant d'un combat en pensant affronter un seul vampire, alors que c'est une dizaine de spectres qui t'attend, c'est tout, sauf une bonne idée. D'où l'intérêt – la nécessité, je dirais même – de te renseigner un maximum sur ta cible. Et c'est précisément la seule chose que je n'ai pas été foutu de faire correctement jusque-là.

Il marqua alors un soudain silence. Il s'appuya sur la table, les épaules basses.

– Lilian, écoute...

Il la regarda gravement.

– Je suis vraiment désolé pour ce qui s'est passé ce soir, énonça-t-il.

Elle leva les yeux sur lui.

– Je me suis précipité comme un imbécile, en oubliant totalement que tu n'avais pas la moindre expérience. Tu aurais pu mourir, aujourd'hui, Kat et Siti ont failli te tuer, et tu as vu mourir cette femme sous tes yeux parce que comme le grand con que je suis, j'ai pas été foutu de te prendre en compte. C'est tellement une routine, de chasser les maudits, que j'ai foncé, par habitude, alors que tu n'étais absolument pas prête. « Mon Dieu, je suis dans la confusion, et j'ai honte, ô mon Dieu, de lever ma face vers toi. »

Et il grimaça en se disant que sa Dame avait eu raison. Il avait été trop vite. Il s'en était tenu à sa seule obstination, convaincu que ce serait suffisant. « Nous sommes bien placés pour savoir que le chagrin est un très mauvais motivateur ». Il se donnerait bien plus que des baffes, s'il le pouvait. Il avait tellement l'habitude de négliger sa sécurité qu'il n'avait pas pensé à celle de Lilian.