– J'imagine que tu te blanchis depuis que tu es petite, poursuivit-il, mais il va falloir t'y faire.
– Et comment je vais faire, si je retourne à la fac ? Rien que de mettre le pied dans la Cité, on va me regarder de travers. Et encore, si j'ai de la chance, les gens se contenteront de me regarder de travers. Tu as vu, comment ils ont parlé à Lulu ?
Mais Christel secoua la tête, bien désolé pour elle.
– À moins de te maquiller, il n'y a pas d'autre solution.
Lilian le regarda avec consternation.
– Tu me vois me maquiller de la tête aux pieds, dis ?
– Couvre-toi un peu plus, ça fera moins de surface à maquiller.
La jeune fille ne répondit pas, jugeant son reflet dans le miroir. Elle frottait inconsciemment sa peau, comme si elle espérait faire partir un indélébile fond de teint.
– Tu n'aimes vraiment pas ta couleur de peau ? s'inquiéta Christel.
– Je ne m'en étais jamais soucié, répliqua Lilian. Je me suis blanchi la peau toute ma vie, c'était aussi normal que me brosser les dents. C'est la première fois que je vois ce visage. Et si je ne m'y habitue pas ?
Christel ne releva pas sa réponse, même s'il y trouvait une amélioration certaine.
– Si ça peut te rassurer..., se permit-il néanmoins.
Elle leva les yeux sur lui. Il regardait le noir de sa peau avec un doux sourire.
– Je te préfère comme ça.
Elle laissa échapper une exclamation maussade.
– Tu aimes toutes les femmes, Christel, ce n'est pas comme si ton avis comptait vraiment.
– Ah, tu me fends le cœur, se lamenta Christel en se mettant théâtralement la main sur le cœur.
Lilian ne put réprimer un sourire et reposa finalement le miroir sur la table de chevet, avant de le désigner d'un dernier geste de la main.
– N'empêche, avoua-t-elle, je me demandais... J'étais surprise, on n'est pas censés ne pas apparaître dans les miroirs ?
– C'est les vampires, la corrigea Christel. Enfin, c'était les vampires. Ceux d'Europe occidentale, du moins. La faute à l'argent.
– Ah bon ? Pourquoi ?
– Plusieurs raisons, expliqua le jeune homme en se grattant distraitement la nuque. C'est un métal associé à la pureté, et dans le temps, le matos religieux était fait en argent. Si tu as lu ta Bible, tu as dû savoir que Judas a vendu Jésus aux romains pour trente pièces d'argent. Tout ça, mis ensemble, a rendu le vampire... « catholique », on va dire, vulnérable à l'argent. Et pourquoi les miroirs ? Parce que, jusqu'à une certaine époque, la surface réfléchissante était faite à base d'argent, c'est pour ça qu'ils n'y apparaissaient pas. Aujourd'hui, les miroirs, on les fait en aluminium, c'est plus pratique. Pareil pour les photos. Photos argentiques. C'est pour ça qu'on a beaucoup rigolé quand ils ont inventé le numérique.
Lilian hocha la tête pour faire signe qu'elle avait compris.
– Donc, aujourd'hui, conclut-elle, les miroirs et les photos, c'est plus d'actualité ?
– Ça l'est plus depuis un bail. Les seuls vampires qui ont encore un problème avec les miroirs, c'est les chinois. Ils ont la trouille des miroirs. Pas parce que c'est fait en telle ou telle matière, c'est parce que c'est le reflet de l'âme. Et ça vient leur foutre dans la gueule qu'ils n'en ont plus, voilà.
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Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]
ParanormaleLondres, 1215. Voulant vivre leur amour loin des interdits, un moine et une jeune fille ne verront rien du bonheur qu'ils s'étaient pourtant promis de trouver. Fuyant leur abbaye, c'est la mort qui leur ouvrira les bras, sous la pire forme qu'ils po...