Chapitre 15 (partie 1)

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Quand Lilian arriva à destination, ce fut en plein boom.

Du moins la définition que l'on donnait aujourd'hui à l'expression « en plein boom ».

Les locaux de la brigade criminelle étaient une fourmilière d'écrans allumés montrant différents dossiers et les téléphones sonnaient dans tous les coins. Une succession d'horloges sur le mur indiquaient l'heure des différents points du globe. Les officiers assis à leurs bureaux étaient penchés sur leurs ordinateurs, avec pour certains un soda ou une part de pizza. Le tout rendait l'ambiance étrange. Il y avait les écrans allumés partout, les téléphones qui sonnaient, mais tout le monde restait calme, presque apathiques, comme s'ils ne se souciaient en aucune façon de ce qui se passait autour d'eux.

Lilian marcha résolument vers un officier débonnaire qui essuyait son revers couvert de café. Elle avait appris d'expérience que l'embonpoint était un facteur important quand on voulait obtenir quelque chose, surtout si l'on avait les bons arguments, en l'occurrence un sachet de gros beignets odorants. La ruse était offensante au possible, mais servie avec un merveilleux sourire, elle était imparable. Et c'était toujours plus économique qu'un billet discret.

– Excusez-moi, monsieur...

L'homme leva aussitôt les yeux d'un bouledogue à qui on arracherait son os à moelle. Mais devant la jeune fille, ils devinrent celui d'un cocker réclamant une friandise.

– Je suis navrée de vous déranger ainsi, monsieur, d'autant que vous avez l'air occupé, mais j'ai un service à demander, et je me suis dit que je pouvais m'adresser à vous en toute confiance.

Le tout agrémenté d'un sourire rompu à l'exercice, mais toujours efficace. Pendant une seconde, elle repensa aux ronds de jambes de Constantine devant ses parents, et elle retint de justesse un rire nostalgique.

– En quoi puis-je vous être utile, mademoiselle ? s'informa l'officier.

Dans la poche.

– J'ai besoin de rencontrer un prévenu appréhendé ce matin et amené dans vos locaux. Un dénommé John Constantine, soupçonné de meurtre.

– Constantine ? Vous parlez d'un nom...

Il recommença à s'escrimer sur son revers, perdu dans sa mémoire.

– Ah, c'te gus ! se souvint-il alors. Oui, on l'a amené ce midi. Un type bizarre, tout en noir. Le meurtre des Hamilton, si j'me souviens bien.

La jeune fille serra les lèvres devant la désinvolture de l'homme vis-à-vis de l'affaire. Elle parvint néanmoins à lui sourire. Toutes ces années à être et paraître... Si ça devait lui servir, c'était maintenant.

– En effet, monsieur. J'aurais grandement besoin de le rencontrer.

– Ah, moi je veux bien, mais il est en garde à vue et seul son avocat peut l'approcher. Et comme il en a pas encore, d'avocat, bernique pour le voir dans l'immédiat.

C'était le moment. Elle se pencha vers lui, le décolleté bien en vue, et posa le sachet de beignets sur le bureau.

– Je suis sûre que vous comprendrez l'urgence de cette rencontre, monsieur, susurra-t-elle. Sachez seulement que vous seriez d'un extraordinaire secours si vous me laissiez entrer le voir.

L'homme se noya dans le décolleté de Lilian, puis des effluves sucrés de sirop d'érable lui montèrent aux narines. Il eut l'espace d'une seconde l'idée de ce à quoi devait ressembler le paradis.

Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant