Christel se souvenait encore des bals de promo, quelques siècles auparavant. Ainsi que James s'était plu à le rappeler, c'était un défilé constant de robes parfois du plus grand ridicule avec des brushings qui l'étaient tout autant, accompagnées de smokings-nœuds papillon méchés façon Elvis.
Aujourd'hui, foin de robes meringue, même si le smoking avait survécu. Dans cette nouvelle société, il fallait du chic, du cher. Pas forcément de bon goût, mais tant qu'il s'agissait de la création originale de tel créateur en vogue sur telle grande avenue, peu importait la forme qu'elle avait. Les tissus les plus improbables côtoyaient les coupes les plus extravagantes, d'une griffe qui pouvait atteindre des dizaines de milliers de dollars.
Christel et Lilian avaient réussi à jeter un œil dans la salle de bal, par un fenestron communiquant avec leur couloir, et ce simple regard avait bien failli les faire s'étouffer de rire. Ils avaient aperçu Natacha, laquelle cancanait au milieu de ses amis, puis Miss Truman déguisée en squaw qui conversait avec animation avec Mr Davis, déguisé en Abraham Lincoln. Partout, ce n'était que profusion de tissu lamé, rubans, dentelles, frou-frous. La tendance chez les messieurs était à l'iconographie militaire, et s'il y avait une constante marquée pour l'uniforme galonné, l'on pouvait aussi voir, qui un samouraï, qui un treillis bionique, et même ce qui ressemblait fort à un Vulcain. En revanche, chez les dames, l'uniformisation n'était pas de mise. Certes, il y avait quelques doublons de marquises, mais les costumes étaient dans l'ensemble plus hétéroclites. Squaw pour Miss Truman, geisha, pirate, charleston, french cancan, écossaise, princesse égyptienne ou orientale, et même une bergère, il y en avait pour tous les goûts, richement parées de tissus et de quincaillerie hors de prix. Cela étant, Christel ne put s'empêcher de remarquer chez certaines un penchant pour les versions court vêtues, manque de respect historique qui le fit grimacer.
La salle était décorée avec les sempiternels ballons gonflés à l'hélium, guirlandes et macarons. Le long du mur, était dressé un buffet derrière lequel s'affairait le personnel engagé pour l'occasion, veillant à la présentation des petits fours et autres gâteries, livrés par un grand traiteur de la ville. Mais pour l'instant, ledit personnel était plutôt occupé à remplir les dizaines de coupes de champagne tendues devant lui, car il était inconcevable, voyons, de se promener avec un verre vide devant l'objectif du photographe chargé d'immortaliser la soirée.
Lilian observa tout ceci en se disant que, quand même, elle était en train de rater quelque chose d'unique.
– Ça vaut le coup d'œil, hein ? sourit Christel.
Elle devait bien admettre que oui.
– Ça me rappelle l'ancien temps, raconta le jeune homme, les cours royales et les courtisans. Le fond était exactement le même : voir et être vu. J'ai l'impression d'être revenu sept siècles en arrière, c'est dingue.
– Je suppose qu'ils n'avaient pas de costumes de King Kong, à cette époque, devina la jeune fille.
– Sérieux, King Kong ? Où ça ?
Elle lui désigna une direction du doigt. En effet, venait d'entrer une grande boule de poil d'apparence simiesque qui rendit surexcitées certaines demoiselles, qui se précipitèrent vers lui.
– Vous vous souvenez de King Kong ? s'étonna Christel.
Son amie fit la grimace.
– Tout n'a quand même pas disparu, lui apprit-elle.
– Oui, mais alors dans ce cas, pourquoi pas Superman, ou Captain America ?
– Qui ça ?
– Laisse tomber.
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Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]
ParanormaleLondres, 1215. Voulant vivre leur amour loin des interdits, un moine et une jeune fille ne verront rien du bonheur qu'ils s'étaient pourtant promis de trouver. Fuyant leur abbaye, c'est la mort qui leur ouvrira les bras, sous la pire forme qu'ils po...