Chapitre 39 (partie 2)

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La jeune fille garda un court silence.

– Donc, résuma-t-elle, je suis un spectre. Je fais l'objet d'un marché qui consiste à acheter mon droit au Paradis en tuant le maudit qui m'a tuée, lequel est vraisemblablement pourchassé par d'autres, s'il est encore en vie. Je ne suis pas obligée de me plier à ce marché, mais y renoncer reviendrait à renoncer à mon salut et à celui de mes parents. C'est bien ça ?

« C'est exactement ça. »

– Ça implique aussi que je reste vivre ici ?

La Dame secoua la tête.

« Non, pas spécialement. Vous savez, ici, c'est plus un lieu de rassemblement qu'une cité. Vous y trouverez des dortoirs, vous en avez déjà vu un, mais la plupart préfèrent avoir leur petit chez eux, comme vous dites. Christel a son propre logement, par exemple. Il fut un temps question d'héberger les chasseurs, mais leur nombre était tel qu'il n'y aurait jamais eu assez de place. Aussi, on leur a laissé le choix, et si certains ont décidé de rester, d'autres ont préféré s'installer à leur compte. Cela dit, étant donné votre inexpérience, je ne saurais que trop vous conseiller de rester ici pour le moment, le temps que vous vous fassiez à tout ceci. »

– Mais... Et ma maison ? protesta Lilian. L'université, tout ça ? Je fais quoi, moi ? Je ne peux quand même pas tout laisser en plan, comme ça.

« Libre à vous, Lilian, de prendre les décisions que vous voulez. Personne ne vous oblige à quoi que ce soit. Je tenais juste à vous faire savoir dans quel monde vous étiez entrée. Maintenant, si vous jugez mieux de laisser les choses comme elles sont, nul ne vous en voudra. »

La jeune fille sentit le découragement lui tomber sur les épaules.

– Oui, j'imagine, mais je devine que certains trouveront le moyen de faire des commentaires. Et puis, si j'abandonne, je ne pourrai jamais venger mes parents. Vous êtes malins, quand même : j'ai le libre choix, mais si je veux venger mes parents, je suis obligée de rentrer dans la danse. Et comme venger mes parents est plus important que tout...

Elle conclut en écartant les mains d'impuissance. En clair, on lui laissait le choix, mais elle ne l'avait pas.

– J'ai un délai de réflexion ?

« Absolument aucun. Ils s'en sont trouvés qui ont rejoint cette cause des années après leur mort. »

– Je vois. On va et on vient comme ça nous chante ? Je peux mettre des années à me décider pour tout planter d'un coup du jour au lendemain ?

« Tant que cela ne porte aucun préjudice au travail de vos camarades, oui. Vous savez, il a fallu des années à Christel, avant qu'il ne se décide à se battre. »

Lilian se tut. Cette idée paraissait tellement simple, et en même temps tellement contraignante...

« De toute façon, poursuivit la Dame, quelle que soit votre décision, nous vous devons beaucoup d'explications sur ce qui a pu arriver par le passé. Car nous vous avons entraînée dans nos histoires malgré vous, et j'estime que c'est la moindre des choses que de vous dire ce qui se passe réellement. Oh, je ne parle pas des maudits ou de l'organisation en général, vous savez déjà tout ça, mais je parle de cet imbécile qui, qu'il le veuille ou non, va avoir beaucoup de choses à vous dire. »

– Smith ? devina la jeune fille.

En effet, si elle savait les grandes lignes, elle ignorait encore tout du nœud du problème, à savoir le lien entre Christel et lui.

Elle jeta un coup d'œil sur le jeune homme toujours allongé sur le sol, et croisa son regard. Elle y lut de la compassion, un peu de tristesse, mais surtout, beaucoup de résignation. Il semblait s'être fait à une raison, mais elle ignorait laquelle.

Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant