Natacha sortit du bâtiment de sciences d'un pas furieux. Elle venait d'avoir avec Lilian une conversation qui l'avait mise hors d'elle. Il lui fallait trouver Constantine le plus vite possible.
Natacha n'avait aucun problème avec les manies de son amie, aussi peu conventionnelles fussent-elles. Elle-même en avait joué à plusieurs reprises. Mais il était devenu évident pour le reste de l'établissement que, en dépit de l'argent qui lui avait permis de s'y faire inscrire, l'élève Constantine n'était pas des leurs. Il avait un mépris des conventions en vigueur qui ne trompait personne. Il ne faisait pas la lèche, respectait le corps enseignant, et montrait pour le monde qui l'entourait une irrévérence qui confinait à l'agressivité. Nul n'avait pu déterminer qui il était, ni d'où il venait, nul n'avait de proche ou d'ami qui n'avait ne serait-ce qu'entendu parler de lui. Aucun document administratif ne mentionnait son nom. Pas de casier judiciaire, d'adresse ou de réseau social. John Constantine n'avait aucune existence officielle. Ce n'était qu'un nom sur les fichiers de l'université. Pourtant, en vertu de ses moyens, sa présence était indiscutable, et personne ne pouvait y redire. C'était juste un garçon qui était subitement apparu, et maintenant il était là. Que faisait-il là, nul ne le savait, mais la plupart des filles ne s'en plaignaient pas, à les entendre c'était un garçon très doué.
Et c'était précisément le sujet de discorde entre Natacha et Lilian, cette dernière ayant fini par manifester vis-à-vis dudit garçon un intérêt très poussé. Natacha avait bien tenté de la faire changer d'avis, soutenant qu'avant, il ne l'avait pas intéressé plus que ça, que ce n'était jamais qu'un caprice, qu'en dépit de ce qu'elle pouvait bien prétendre, elle voulait juste être en mesure de dire qu'elle vivait en marge des convenances, oh regardez, je fréquente un rebelle, c'est si excitant ! Natacha avait protesté, argumenté, menacé, c'était peine perdue, mademoiselle Lilian Hamilton voulait se faire sauter par un parfait inconnu, et c'était tout.
Voilà donc ce qui faisait rageusement sortir Natacha du bâtiment de sciences, à la recherche de Constantine. Elle ignorait qui était ce garçon, tout le monde ignorait qui il était, mais s'il croyait qu'il lui suffisait d'avoir l'argent nécessaire pour pouvoir s'inscrire ici et batifoler avec qui il voulait, il se trompait lourdement.
Elle le vit enfin, assis sur un banc du parc, lisant un ouvrage de sociologie d'un air catastrophé.
– Constantine !
Il leva les yeux à l'appel de son nom, et aperçut Natacha qui venait vers lui. Ses traits se détendirent un peu.
– Tiens, la meilleure amie de service ! Quel vent vous amène, bon ou mauvais ?
De toutes les personnes qu'il côtoyait dans l'établissement, Natacha faisait partie de celles qui l'impressionnaient le moins. Et pourtant, Dieu sait qu'ils cherchaient à l'impressionner, le nouveau venu, à grands renforts de crâneries ou de dédain. Constantine s'était systématiquement accordé le plaisir de ne jamais mordre à leur hameçon, à leur plus grand désarroi.
Natacha n'avait jamais cherché à interagir avec lui. Constantine ne pouvait que s'en réjouir. À ses yeux, elle n'était rien de plus qu'un personnage secondaire, la meilleure amie juste là pour jouer le rôle de la meilleure amie, invisible et inintéressante.
– Mauvais, j'ai bien peur, lui répondit-elle alors.
Bon, finalement, il trouvait qu'elle pouvait aussi parfois ressembler à un oiseau de mauvais augure.
– « Pourquoi t'abats-tu, mon âme, et gémis-tu au dedans de moi ? », se désola-t-il.
Il referma son livre et lui accorda toute son attention.
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Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]
FantastiqueLondres, 1215. Voulant vivre leur amour loin des interdits, un moine et une jeune fille ne verront rien du bonheur qu'ils s'étaient pourtant promis de trouver. Fuyant leur abbaye, c'est la mort qui leur ouvrira les bras, sous la pire forme qu'ils po...