Chapitre 3 (partie 1)

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Deux jours plus tard, tomba une nouvelle effroyable.

Le matin, au réveil, elle prit quasiment de court le tiers de la population. Le CAC 40 en vacilla même sur ses fondations. Elle affola des hordes de personnes qui voyaient là la fin d'une ère bénie où la vie était facile et le plaisir quotidien.

Le speaker qui eut la charge d'annoncer l'événement avait assuré ses vieux jours avant de monter sur le plateau. Il se souvenait de son prédécesseur, licencié sur le champ après la vague de protestations que reçut la chaîne.

L'information fut relayée par la radio, qui transmit à la presse écrite. Mais les gens eurent beau protester, menacer, revendiquer, rien n'y fit. Les choses devaient se dérouler de cette façon, et personne ne pouvait y changer quoi que ce soit. À l'exception du speaker, licencié comme pronostiqué.

Les heures qui suivirent furent rudes, marquées par des déplacements massifs de population. Le trafic fit un bond en avant, charriant d'interminables contingents de personnes sur qui le malheur avait eu la désobligeance de s'abattre. Une machine incroyable se mit alors en route, et elle dura toute la journée.

Les personnes concernées furent accueillies par des professionnels mandatés. Il y eut beaucoup d'esclandre, mais, fait marquant, peu d'incidents. Les statistiques qui attendaient avec impatience une flambée de mécontentement en furent finalement pour leurs frais, et, passée la première vague de stupeur et de colère, la situation se remit en place toute seule, sans grands heurts. En tramant les pieds, soit, mais sans violence.

Les établissements furent ouverts et mis à disposition. Les cloches d'alerte retentirent, les masses furent séparées en groupes, les listes d'appel furent soigneusement lues. Ainsi c'était, tous les ans à la même période.

La rentrée des classes.

*

Natacha Thompson posa son sac, s'assit et souffla. Elle avait perdu le rythme, et reprendre les cours lui avait fauché les jambes.

Elle ôta ses escarpins et massa ses chevilles endolories. Elles étaient superbes, ces chaussures – une folie de créateur que lui avait offert son père, mais elle n'avait pas encore pris l'habitude de les porter.

Autour d'elle, les autres élèves discutaient, riaient ou se couraient après. La première pause était la plus bienvenue, telle un simulacre de reste de vacances, mais qui prenait souvent vite fin.

Tirant son poudrier, elle se refaisait une beauté quand quelqu'un se laissa tomber à côté d'elle.

– Salut, Nat' ! fit une voix enjouée.

– Salut, Lilian. Waouh, j'adore tes mèches !

Lilian Hamilton sourit de ses trente-deux dents blanchies chez le dentiste, et passa la main sur ses cheveux défrisés.

– C'est le nouveau salon de coiffure sur la 5e Avenue. Ma mère a été invitée à l'inauguration, alors j'ai eu droit à un balayage gratuit.

Natacha rangea son poudrier et sourit à son amie.

– Alors, tes vacances ? voulut-elle savoir. Ça fait plusieurs semaines que je n'ai pas eu de tes nouvelles.

– Trekking en Amazonie, soupira la jeune fille. D'un ennui à mourir. Pas de réseau, pas d'ordinateur, rien. J'ai dû avaler le premier fruit qui me tombait sous la main pour décider mes parents à rentrer. Je suis restée malade deux semaines.

Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant