Chapitre 22 (partie 2)

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Elle se détourna afin qu'il ne vît pas ses larmes, mais Christel n'était pas dupe. Il garda respectueusement le silence, sachant à quel point le réconfort n'était d'aucun secours. Elle leva alors les yeux sur lui.

– Pourquoi tu fais tout ça pour moi ? demanda-t-elle alors spontanément, comme si la question ne s'était encore jamais posée. Pourquoi tu m'aides autant ? Je veux dire, tout ce que j'ai fait, c'est avoir été odieuse avec toi, et toi, tu es là...

Elle acheva sa phrase par un geste vague, incapable de mettre les mots sur ce qu'elle voulait dire. Christel la regarda avec gravité en se mordant l'intérieur de la joue.

– Je vais être honnête avec toi, Lilian, avoua-t-il. J'ai sauté pas loin de la moitié de ta classe. Tout ce que tu allais être, c'était la suivante sur la liste, rien de plus. On se serait envoyés en l'air, et ça s'en serait tenu là, comme avec toutes les autres.

Lilian se contenta de le regarder, la question écrite en gros sur son visage.

– Pourquoi ? poursuivit Christel. À cause de Smith, c'est tout. J'ai peut-être une réputation de merde, mais laisser les maudits agir à leur guise ne fait pas partie de mes prérogatives. C'est juste tombé sur toi. Ç'aurait pu être n'importe qui d'autre, j'aurais agi exactement pareil.

La réponse arracha à Lilian une exclamation nerveuse.

– Moi qui me croyais spéciale..., ronchonna-t-elle. Genre, c'était mon destin.

Christel eut un rictus moqueur à ces mots, et il secoua la tête avec amusement.

– T'es sérieuse ? railla-t-il. Tu croyais quoi, que tu étais l'Élue désignée par une prophétie ancestrale, ou la dernière-née d'une grande lignée de je-sais-pas-quoi ? C'est trop cliché, ces conneries. Tu es juste une fille avec un karma aussi pourri que le mien. Et ça, déjà, en soi, c'est quelque chose.

– Et ça veut dire quoi, ça ?

– Que tu vas vivre longtemps. Pour bien en chier, c'est sûr, mais tu vas vivre longtemps. C'est mieux que rien, non ?

La jeune fille n'eut pour toute réaction qu'un sourire touché. Elle lui sut infiniment gré de chercher autant à la réconforter. Elle essuya d'un geste rapide une petite larme émue.

– Tu es gentil, finalement, souffla-t-elle. J'aimerais bien être comme toi. Ça doit être sympa, d'être quelqu'un de bien.

Mais Christel haussa les épaules d'évidence.

– Ça, c'est pas très difficile, tu sais, lui assura-t-il. En général, on a tendance à croire que les gens bien le sont... comme si c'était un don ? Tu vois, on les met sur un piédestal, comme s'ils étaient l'incarnation d'un idéal, ou je sais pas quoi encore. Mais, tu sais, c'est juste des gens comme toi et moi. Eux aussi, ça leur arrive de penser de travers. Eux aussi, ils ont envie de tricher ou de penser qu'à leur poire. Être gentil, c'est pas un don. C'est un choix. Quand tu es gentil, c'est juste que tu as envie de l'être, c'est tout. Alors, si tu as envie de faire une bonne action, fais-toi plaisir, bien au contraire.

Et il sourit en la voyant rapidement regarder autour d'elle, comme cherchant soudainement l'inspiration d'une forme de générosité.

Il se pencha alors vers elle.

– Lilian, j'aimerais te poser une question, c'est très important. Tu veux bien y réfléchir sérieusement ?

Elle hocha la tête, sans vraiment savoir dans quoi elle s'engageait.

Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant