L'assemblée toute entière était muette. Christel comprenait bien pourquoi. Quelques jours auparavant, ces gens étaient voisins dans le même immeuble, des mortels comme tant d'autres, des employés, des familles. Puis des maudits étaient arrivés et avaient mis le bâtiment à feu et à sang, pour le simple plaisir de s'amuser. Devant lui, s'étalait une moyenne d'âge douloureusement large, des jeunes, des aînés. Un vieil homme avait gardé sa canne dans les mains, par habitude, bien que n'en ayant plus besoin. Ailleurs, accroché au bras de ce qui était sans doute sa mère, un jeune garçon qui ne devait pas avoir dépassé les douze printemps. Comment leur expliquer que leur vie ne serait plus jamais la même ?
– Écoutez, annonça-t-il alors, je vais être très clair : vous êtes morts. Vous êtes décédés, clamsés, partis pour un long voyage, tués, claqués, défunts, crevés, trépassés, ad patres, bref, peu importe le terme que vous préférez, vous êtes morts.
« Très subtil », grimaça sa Dame.
– Je sais que ça doit vous passer bien loin au-dessus de la tête, mais c'est la vérité. Je suppose que vous avez tous remarqué les marques sur vos corps. Ce sont des blessures, et c'est ce qui vous a tués. Je sais que la subtilité et moi, ça fait deux, comme certaines me le font remarquer, mais plus tôt vous le savez, mieux c'est.
Les nouveaux avaient baissé les yeux sur eux-mêmes, avisant sur leurs bras, leurs torses, diverses meurtrissures qui achevèrent de les dérouter.
– Vous avez tous été tués au cours d'un raid dans votre immeuble il y a quatre jours. Certains se sont relevés assez vite, d'autres viennent juste de le faire. Alors, si vous ne savez plus où est le nord, c'est normal. En tant que leader, c'est mon rôle de vous aider à vous adapter à votre nouvelle existence. Et pour ceux qui le veulent, et il y en aura une chiée, à vous tirer de là.
– Nous... Nous sommes morts ? bredouilla une malheureuse femme au foyer encore ceinte d'un tablier déchiré.
– Entièrement, définitivement, irrémédiablement morts. Il y en a d'autres qui ne sont pas réveillés, on attend encore de savoir s'ils vont revenir ou non.
La pauvre femme en resta coite.
– Tous ceux que vous serez amenés à rencontrer entre ces murs sont morts comme vous, avec plus ou moins d'ancienneté. En tant que Doyen – c'est comme ça qu'on m'appelle, c'est moi le plus âgé. Et en tant que Doyen, c'est mon travail de me casser le cul pour que votre nouvelle vie soit la plus agréable ou la plus brève possible.
À en juger par la tête des nouveaux, aucune de ces solutions n'avait de sens à leurs yeux.
– Je vais être très clair : vous n'avez que deux options. Non, trois. La première, c'est rejoindre nos rangs et vous battre pour votre salut, sachant qu'il ne dépend que de la mort du maudit qui vous a tué. La seconde, c'est m'envoyer me faire foutre et continuer votre petite vie. Mais si vous faites ça, sachez que votre petite vie ne sera plus jamais comme avant. N'oubliez pas que vous êtes morts, qu'il y a des signes qui ne trompent pas, et que vivre en société sera beaucoup moins facile. La troisième, la plus expéditive, c'est d'en finir tout de suite. Mais là, vous signez votre aller simple aux Enfers. Et croyez-moi, la vie que vous meniez dans la Cité va vous paraître des vacances aux Caraïbes en comparaison de celle que vous mènerez aux Enfers.
La stupéfaction et l'incompréhension de l'auditoire allait croissant au fur et à mesure qu'il parlait.
– Maintenant, poursuivait-il, c'est vous qui décidez, votre choix vous appartient. Je sais que c'est pas un choix facile, on est tous passé par là, mais il n'y a rien qui presse. La seule chose que je vous demande, c'est très important, c'est de ne parler de ça à personne. Je sais déjà qu'il y en aura, la seconde où ils seront dehors, ils iront voir leur pote, leur mère ou leur gonzesse. Je parie même que certains iront voir un médecin pour s'assurer qu'ils sont vivants, et je ne l'invente pas, ça s'est déjà vu. Mais si vous savez de quoi est faite la Cité, alors vous savez ce qui vous attend si vous parlez. N'allez donc pas vous amuser à faire n'importe quoi.
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Requiem Æternam Dona Eis [TERMINÉ]
خارق للطبيعةLondres, 1215. Voulant vivre leur amour loin des interdits, un moine et une jeune fille ne verront rien du bonheur qu'ils s'étaient pourtant promis de trouver. Fuyant leur abbaye, c'est la mort qui leur ouvrira les bras, sous la pire forme qu'ils po...