4 - La chrysalide

9 2 0
                                    


Un drap blanc l'enveloppait presque entièrement, lui laissant une petite fente, une brèche ; dehors il y avait un pré et le soleil brillait dans un ciel d'un azur intense.

Elle pouvait entrevoir des fleurs rouges, violettes, blanches et bleu ciel, grandes comme des tournesols, et des papillons, beaucoup de papillons, énormes, avec des couleurs éclatantes, volant d'une fleur à l'autre.

Elle entendit des voix qui riaient, sans arriver, en revanche, à comprendre d'où elles provenaient, peut-être des fleurs, peut-être des papillons.

Elle essaya de se libérer, mais n'y arriva pas, le drap l'enfermait de plus en plus, elle aurait voulu crier, mais la voix ne sortait pas de sa bouche, le drap était en train de se transformer en une camisole de force, lui bloquant la respiration même.

Arrivée à ce point-ci, Florence se réveillait, trempée de sueur et haletante, elle n'était jamais allée au-delà de ce point. Ce rêve l'avait toujours persécutée, depuis qu'elle était entrée dans l'adolescence.

Depuis qu'elle était arrivée sur le campus, Florence avait été prise par l'envie de changement, de se voir différente, éclatante, comme un papillon pour profiter des fleurs de la vie ; elle était sûre que ce rêve la tourmenterait le reste de ses jours, jusqu'au jour où elle se déciderait à faire quelque chose.

Et ainsi, régulièrement, elle cherchait à se transformer en papillon, quittant le campus pour aller flâner parmi les boutiques des quartiers de Saint-Germain-des-Prés et du Marais.

Mais ses tentatives échouaient toujours.

Elle trouvait bien des vêtements, mais elle arrivait à trouver également une raison pour ne pas les acheter : la taille n'était pas la bonne, ou le tissu n'était pas celui qu'elle cherchait, ou parfois c'était la couleur qui n'allait pas.

Décidée à gagner son combat pour sortir de ce maudit cocon, elle avait engagé une ancienne modèle, Julia, responsable d'une agence de relooking : allemande, avec des cheveux raides et blonds jusqu'aux épaules, des yeux d'un bleu intense, la quarantaine, mais elle en faisait dix de moins.

Son accent allemand lui donnait un ton autoritaire, mais en réalité c'était une personne très douce avec un sens de l'humour bien prononcé.

Julia alla la voir au campus.

Elle demanda à Florence de lui parler d'elle. Florence fut hésitante au début, évasive, ne sachant pas jusqu'à quel point elle pouvait se confier, puis le barrage qui contenait ses émotions commença à se fissurer jusqu'à s'effondrer, elle parla pendant une heure de comment elle se sentait, de comment elle aurait voulu être, de l'éducation reçue, des garçons au campus, des soirées... A un certain moment elle eut l'impression de se voir de l'extérieur : pathétique et misérablement condamnée à son rôle, elle éclata en sanglots.

Avec beaucoup de tendresse, Julia lui prit sa main et lui donna un mouchoir pour ses larmes.

Ça fait du bien de pleurer, c'est une étape presque obligatoire. "

" C 'est vrai ?" répondit Florence, séchant ses larmes.

" Florence, c'est un peu comme dans la fable de Cendrillon, moi, je peux te transformer, mais c'est pas moi qui prononcera la formule magique, ça sera toi, tu dois vouloir le changement de toutes tes forces, autrement ça ne marchera pas. Cette transformation durera tant que tu le voudras. "

Elle fit une pause et ajouta :

« Donc il y a pas besoin de regarder toujours ta montre pour savoir quand il est minuit ! »

L'hôteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant