Buenos Aires, 31 décembre 1940.
Il est presque minuit, Ortiz est en train de conclure.
Je sais ce que je vais faire, mais je n'ai pas le moindre état d'âme, il est entaché de crimes, je n'ai aucun remord :
« Nous ne compromettrons jamais notre futur, le pays, nos jeunes, dans une guerre !
Nous sommes destinés à la gloire ! Vive la paix ! Et vive l'Argentine ! »
Les supporteurs de la faction de la paix se lèvent immédiatement, applaudissant vigoureusement, Fresco et les siens, en revanche, restent assis. Puis, lentement, Fresco se lève et applaudit, timidement, suivi par les siens.
Ortiz se tourne vers une grande horloge, qui a été placée derrière lui pour l'occasion, et il démarre le compte à rebours :
« Vingt, dix-neuf, dix-huit... »
Anabella est assise à côté de moi, nous nous regardons dans les yeux, ses larmes lui coulent, dessinant un sillon de rimmel noir, comme un serpent :
« Douze, onze, dix, neuf... »
Nous nous embrassons, je lui caresse le ventre, je retiens mes larmes de toutes mes forces.
« Trois, deux, un... »
« Mille-neuf-cent-quarante-et-un ! » crie Ortiz triomphalement.
Anabella court vers la milonga.
Du fond du jardin, la première petite fusée des feux d'artifice part, dans un bruit aigu et fort, comme si elle déchirait la voûte céleste – tout le monde a les yeux rivés vers le ciel, pour en suivre la trajectoire.
Un journaliste, un almanauta, se déplace, heurtant, exprès, un des deux gardes du corps d'Ortiz, celui qui observe le côté droit du public, où je me trouve.
Le garde se retourne, insulte le journaliste et perd de vue la foule, pour une seconde et demie environ.
C'est la fenêtre de temps dont j'ai besoin, j'ai essayé des dizaines de fois la séquence, m'entrainant pour l'exécuter en moins d'une seconde.
Je me baisse, avec la main gauche je soulève la jambe droite du smoking, pendant qu'avec la droite j'empoigne le revolver.
Je vise Ortiz, qui est à seulement une dizaine de mètres.
A ce moment, le garde remarque le canon du pistolet, il crie par terre ! et il commence à extraire son pistolet de la gaine, je l'ignore, sachant avoir quelques dixièmes de secondes d'avance.
Je commence à décharger le revolver en direction d'Ortiz, au cinquième coup, les balles du garde me percutent, deux dans la poitrine, je retiens la douleur, je contracte tous mes muscles pour rester debout et tirer le dernier coup.
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L'hôte
Science FictionGiuliano vit à Paris. Un jour, il se réveille en 1936. Comment est-ce possible ? Comment revenir en arrière ? Si Giuliano change le cours de l'Histoire, que se passera-t-il dans son présent ? Une succession d'événements dans l'espace et dans le te...