25 - Pink Martini

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L'immeuble était comme j'imaginais, très beau, en style Art Déco, avec du marbre à l'entrée, un ascenseur avec des portes à ouverture manuelle et une ample volée d'escalier, recouvert par un tapis rouge pourpre, avec une rembarde en fer forgé.

Elle se présenta à la porte avec les cheveux encore mouillés, une odeur d'après-shampoing, un pantalon gris perle, pieds nus, et un t-shirt avec col en V, vert, assorti à ses yeux.

D'un ton détaché, elle m'invita à la suivre dans le salon, immense, avec un parquet à points d'Hongrie et une ample cheminée. Face à la cheminée, entourée par trois canapés, se trouvait une table basse, avec un laptop posé dessus.

« Assieds-toi, où tu veux », me dit-elle avec toute l'indifférence possible.

Elle se plaça derrière moi, debout et s'alluma une cigarette.

« La vidéo est prête, tu dois seulement la faire partir. »

C'était une vidéo amateur, l'image bougeait et la mise au point laissait à désirer. On y voyait un boulevard, je reconnais l'entrée du Jupiter, je vis moi-même parler avec l'hôtesse et entrer dans le restaurant avec elle. Les images s'arrêtaient à cet instant précis et on n'entendait plus que l'audio, la voix de Matthieu Binachon dire :

« Mais pitié ! Epargnez-moi cette comédie ! Vous ne pensez tout de même pas que je vais croire à votre petite histoire d'amour avec ma femme ! Je vous connais, vous, comment dire, les artistes. Dans la foule vous parvenez toujours à trouver celle qui a un mari au portefeuille bien rempli, et alors vous y allez de votre répertoire, romantisme à fond les ballons, sexe débridé, vie insouciante ... La pauvre fille perd la tête et quitte le mari. Et çuila, comme un con, doit même voler à son secours et signer un gros chèque pour se débarrasser de l'artiste.

Allez, bon, trêve de plaisanterie, combien vous voulez ? 30 000 euros, c'est bon ? »

« C'est bon, j'accepte », je répondais.

« Ah, voilà ! Entre gentlemen, on arrive toujours à trouver une entente honorable ! »

L'audio s'arrêtait à cet instant précis, nous laissant dans un silence embarrassant.

« As-tu autre chose à ajouter ? » répliqua-t-elle.

« Florence... crois-moi... cette conversation est fausse... je n'ai jamais accepté cette proposition-là ! »

Elle resta en silence pour un court instant.

« Moi, j'ai un seul regret, celui d'être tombée dans un jeu si banal, comme la première conne. Je me suis faite l'illusion que tu étais... bon, laissons tomber... tu ne comprendrais pas. »

« Ma Florence, crois-moi ! Moi... »

« Maintenant, c'est mieux que tu sortes, sors par cette porte et de ma vie ! »

Elle m'indiqua la direction de la porte d'entrée.

Les secondes qui passèrent, pendant que je la suivais jusqu'à l'entrée, furent interminables. Mon esprit cherchait une solution dans toutes les directions, et pourtant ce c'est bon, j'accepte, c'était bien ma voix, comment cela avait pu être possible ? Puis je me focalisais sur cet ah, voilà ! Entre gentlemen on arrive toujours à trouver une entente honorable ! Je ne me rappelais pas du tout qu'il avait prononcé cette phrase.

J'étais déjà sur le point de franchir la porte.

« C'est un montage ! Attends, je peux te le prouver ! »

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