Buenos Aires, 12 juin 1937.
C'est la veille au soir de notre début à la Carillon.
Anabella a décidé de passer la nuit chez moi.
J'habite dans un appartement minable d'à peine une vingtaine de mètres carrés, sous les toits, pas loin de la Boca : une glacière en hiver, un four en été. Avec le salaire du Café Vito je ne peux pas prétendre mieux, mais le simple fait que je ne doive pas partager l'appartement avec d'autres personnes représente pour moi la première marche d'une échelle hypothétique du luxe.
Ma chambre à coucher est vraiment minuscule, la place hors du lit est vraiment exiguë.
« Allez, Giuliano, dansons ici ! »
« Ici ? Mais il y a un espace microscopique ! »
« Allez, quand on danse en milonga il y a encore moins d'espace. Et puis, j'ai envie de danser ici, viens... »
Elle éteint l'abat-jour, nous restons dans la pénombre, un peu de lumière filtre par les persiennes.
Nous commençons à danser, sans musique.
Nos corps s'allument d'envie, elle me pousse contre le lit, se met à califourchon sur moi, et elle commence à se déshabiller.
Dans la pénombre, je ne vois plus ses traits, ni la couleur de ses cheveux, je vois un ensemble de courbes qui bougent harmonieusement. Son corps me semble maintenant familier, non, ce n'est pas son corps qui me semble familier, mais sa façon de bouger.
Je la retourne sur le dos, je lui arrache presque ses vêtements intimes et nous faisons l'amour.
Elle s'endort, la tête sur ma poitrine.
Je n'arrive pas à m'enlever de la tête le fait que ses mouvements me semblent si familiers
Je cherche à chasser cette question, j'ai peur de la réponse.
La réponse est là, je la sens s'agiter dans les abysses de mon subconscient, comme un immense cachalot, sombre, qui veut émerger pour respirer, pendant que moi, sur un petit bateau, je le menace avec un harpon, pour ne pas le laisser sortir. Mais, il doit sortir et au final il émerge, dans toute sa puissance, son corps est fait de feuilles de tabac, un cigare immense, entre les doigts d'une main, la main de Matthieu Binachon.
Je me réveille.
Je me suis endormi, sans m'en apercevoir. Anabella est encore là, immobile, sur ma poitrine, elle dort, un peu de sa bave a coulé sur ma peau.
J'ai une sensation de déjà-vu.
Florence !
Voilà ce qui me troublait, la sensation d'avoir fait l'amour avec Florence.
Qu'est-ce que cela veut dire ?
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L'hôte
Science FictionGiuliano vit à Paris. Un jour, il se réveille en 1936. Comment est-ce possible ? Comment revenir en arrière ? Si Giuliano change le cours de l'Histoire, que se passera-t-il dans son présent ? Une succession d'événements dans l'espace et dans le te...