28 - La Floreal

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La Villa Floreal, ou tout simplement, La Floreal, c'est un bijou de l'Art Nouveau, Estilo Floreal en espagnol.

La Floreal, on la doit à un Français, Pierre Dutronc, originaire de Lyon.

Pierre fit une fortune coquette dans l'immobilier et devint encore plus riche en épousant la sublime Ana Gutierrez, fille unique d'un autre promoteur immobilier.

Il ne fut pas un mariage d'intérêt, bien au contraire, on disait qu'il était follement amoureux d'elle et tout aussi follement jaloux ; ils étaient pour tous un couple des plus réussi.

Ana tomba enceinte quelques mois après le mariage.

L'accouchement, malheureusement, s'annonça compliqué. L'enfant, Manuel, naquit sain, mais Ana mourut quelques heures après l'accouchement.

Ce fut pour ne pas devenir fou de douleur que Pierre décida de faire construire la Floreal, il devait garder occupé son esprit à suivre ce chantier pharaonique, autrement il se serait tiré une balle dans la tête à la première occasion.

Il dépensa sans compter, il fit venir de Paris, pour cette occasion, Gaspard Marillier, l'architecte qui s'était fait un nom en construisant des villes sublimes autour de Paris, et il embaucha les meilleurs artisans de Buenos Aires.

Pierre eut plusieurs femmes, mais aucune avec un rôle stable dans sa vie. Manuel fut ainsi élevé par un cercle de gouvernantes et d'instituteurs, gâté en permanence par son père, qui finançait tous ses caprices, pour taire, peut-être, un sentiment de culpabilité, la culpabilité de ne pas avoir su donner à Manuel une figure maternelle.

Après la Première Guerre Mondiale, ou la Grande Guerre, comme on l'appelait à l'époque, les pays développés traversèrent une période de forte croissance.

Pierre, comme beaucoup d'autres, commença à investir en bourse. Les gains ne tardèrent pas et furent plus rapides et plus conséquents que ceux réalisés dans l'immobilier.

En l'espace de cinq ans, Pierre vendit tout son patrimoine immobilier et investit tout son capital en bourse – exception faite de la Floreal, dont les décorations, disait-on, rappelaient les longs cheveux ondulés de son épouse.

Les investissements en bourse lui rapportèrent beaucoup, énormément, il devint ainsi un des hommes les plus riches du pays.

Vers la fin des années vingt, en revanche, quelque Cassandre avait commencé à pronostiquer la fin de la fête, la folle spéculation des dernières années aurait inexorablement mené à un krach boursier pour toute une série d'inextricables équations économico-financières – ou pour le simple fait que, dans ce monde, les choses ne peuvent pas aller bien pour l'éternité.

Ce fut ainsi que le 29 octobre 1929 se produit ce qui passa à l'Histoire comme le Mardi Noir, c'est-à-dire le krach de Wall Street.

La panique qui se produit multiplia les pertes – un peu comme quand un incendie se propage dans un théâtre bondé et que la bousculade fait plus de morts que les flammes.

Pierre, se serait-il retiré à ce moment, aurait certes enregistré de lourdes pertes, mais il aurait été dans une position largement positive par rapport au moment où il avait commencé à jouer en bourse.

Et bien non ! Convaincu que son flair pour les affaires l'aurait emporté, il continua à investir, croyant non seulement récupérer ses pertes mais même réaliser des gains conséquents.

Malheureusement les choses ne se passèrent pas comme prévu. A la fin de 1930 il avait dilapidé toute sa fortune, il lui restait seulement la Floreal et quelque mois d'oxygène.

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