32 - Au-delà de l'horizon

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Ile de Porto Santo, archipel de Madère, 24 août 1477

Christophe avait l'habitude de quitter le village de Vila Baleira en fin d'après-midi, une gourde, une besace avec du pain et du fromage, pour se rendre vers les plages dorées de la côte du ponant.

Le coucher de soleil et le crépuscule sur l'Océan l'avaient toujours fasciné, mais ce n'était pas le seul motif, il y avait bien autre chose qui l'attirait.

Il avait débarqué une année auparavant, à Vila Baleira, pour se sentir encore plus proche du mystère qui se cachait derrière cet horizon, pour vivre des conversations passionnées avec les marins, dans les tavernes, jusqu'à nuit noire, des conversations autour de pêcheurs portugais, basques ou bretons, qui s'étaient avancés bien au-delà de l'horizon de ponant ou encore autour de troncs d'arbre trouvés sur la plage appartenant à des espèces jamais vues auparavant, arrachés par la mer à qui sait quelles terres lointaines.

Ce fut son frère Bartolomé, cartographe à Lisbonne, qui lui remplit la tête d'hypothèses et de calculs sur les dimensions du monde, sur la voie plus courte pour les Andes, pour le Cathay et le Cipango, c'est-à-dire la Chine et le Japon.

A vrai dire, son frère n'était pas le seul passionné, tout Lisbonne suivait avec trépidation les résultats des explorations portugaises qui élargissaient les limites du monde.

Les Portugais avaient poussé toujours plus à l'ouest et avaient découvert l'archipel de Madère en 1419, puis les Açores en 1427 et avaient commencé une descente vers le sud, en suivant la côte occidentale du continent africain, pour arriver, en 1434 jusqu'au Cap Bojador.

En 1451, ils inventèrent la caravelle, un bateau plus léger, plus rapide, adapté aux courants forts de l'Atlantique.

En 1456, grâce à cette invention, ils arrivèrent jusqu'au Cap Vert et en 1471 jusqu'à Elmina sur les côtes de l'Afrique équatoriale.

L'Afrique ne pouvait pas s'étaler infiniment vers le sud, à un certain point la côte aurait remonté vers le nord et cela aurait permis aux Portugais d'arriver en Inde et en Chine par la mer, sautant une infinité de barrières et de frais de douane, leur donnant ainsi la possibilité de faire du commerce directement avec l'Extrême Orient.

Christophe était assis face à la mer, sa respiration en harmonie avec la fluctuation placide des vagues. Le soleil avait commencé sa plongée lente, très lente, dans l'Océan, enveloppant tout d'une lumière chaude, de plus en plus rouge.

Il avait commencé son dîner, détachait mécaniquement un morceau de pain, se coupait une tranche de fromage, sirotait de l'eau de sa gourde. Il était trop absorbé par ses théories pour s'apercevoir qu'un homme était en train de se rapprocher.

Arrivé à quelques mètres, l'homme hésita, attendant, peut-être, que Christophe se retourne, puis il se décida à lui adresser la parole :

« Bonjour, êtes-vous Christophe, le Génois ? », dit-il en génois, bien qu'avec un inconfondable accent toscan.

Christophe se tourna soudainement, serrant instinctivement la poignée du couteau avec lequel il était en train de couper une tranche de fromage.

« Désolé... désolé... je ne voulais pas vous faire peur ! »

Christophe relâcha la prise, notant le ton alarmé, mais amical et dans un toscan, avec un inconfondable accent génois, il répondit :

« Oui, c'est moi. Et vous, qui êtes-vous ? »

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