8 - Le George Clooney argentin

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Buenos Aires, 11 mai 1936

Je me réveille dans une chambre, une chambre d'hôpital je dirais. Il y a juste mon lit et une petite table placée devant : les persiennes ont été fermées, mais la lumière filtre également.

J'ai été menotté au châssis du lit.

J'entends la porte qui s'ouvre, une femme entre, sur la soixantaine, de lourde corpulence, habillée comme une infirmière, elle porte au cou une petite croix en or, elle s'approche de mon lit et me lance un tout petit sourire.

Mon dieu, qui est cette folle ? Mais putain qu'est-ce qu'ils ont encore inventé ?

« Bonjour ! Je suis mère Tina. »

"Bonjour, où suis-je ?"

"Ici, c'est un endroit de paix et de sérénité, où il y a plein de bons médecins qui savent comme soigner ton problème. "

Mon dieu, maintenant c'est quoi cette nouvelle mise en scène ?

« Et ça serait quoi mon problème ? »

« Ce matin, nous avons reçu un colonel ou un général, chais pas moi, j'y comprends rien avec toutes leurs petites étiquettes colorées. Il a parlé avec le docteur Valso, je ne sais pas de quoi ils ont discuté, je sais seulement que le docteur Valso m'a dit après de m'occuper de toi. »

« Pardon... mais c'est qui ce docteur Valso ? »

A cet instant précis, la porte s'ouvre et un homme en blouse blanche entre, sur la cinquantaine, cheveux et barbe poivre et sel, sourire cinématographique – un visage à la George Clooney, regard profond menton massif – il est accompagné d'une infirmière qui a la moitié de son âge, il lui murmure quelque chose, ils sourient, se regardent brièvement dans les yeux, puis elle disparaît.

Quelque chose me dit que celui-là doit être le fameux Docteur Valso.

« Ah voilà le Docteur Valso ! »

"Bonjour, je suis le docteur Valso", commence-il, en séparant bien chaque syllabe, comme s'il était en train de parler avec un enfant de quatre ans.

"Je me félicite de votre bonne humeur, très bien, c'est bon signe ! Il me dit, pendant que son regard se pose fugacement sur les menottes.

« Je suis désolé, mais ça fait partie de notre procédure. Vous nous avez été remis par le colonel Furlan en personne, il y a quelques heures. »

"Remis pour quoi faire ? "

"Des contrôles."

"Genre... savoir si je suis fou ? "

Comme s'il posait pour une publicité de dentifrice :

« Exactement. »

« Docteur Valso, je veux être franc, combien doit durer encore cette masquerade ? » je réponds, pendant que mon regard se pose sur toute la pièce, sous-entendant que je ne crois pas du tout me trouver à Buenos Aires et encore moins en 1936. »

Lui, croyant que je fais référence aux menottes :

« Nous vous tiendrons en observation, jusqu'à demain matin, soyez sage et demain vous vous réveillerez sans menottes. »

Le lendemain, au réveil, je ne suis plus menotté, à côté du lit il y a un plateau avec du pain, des tranches de salami, du fromage, une soupe et un verre d'eau.

J'ai faim, je commence par la soupe.

Je regarde le plateau, il est argenté. Je m'arrête, je réalise que, depuis que je suis arrivé à Buenos Aires, je ne me suis jamais regardé dans un miroir. J'enlève le verre et les petites assiettes, je le tourne, la surface est polie et mon visage s'y reflète.

Un petit cri de peur s'échappe de mes lèvres, le plateau tombe de mes mains.

Le visage que je vois n'est pas le mien.

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