« Ce matin j'ai été dans le bureau du docteur Valso, et... »
« Et t'as parlé avec un politicien. »
« Comment tu le sais ? »
« On voit du jardin une partie de la cour et à l'entrée j'ai vu une Bugatti gris-perle. Je l'ai reconnue immédiatement, c'est celle d'un politicien, copain de mon père, de temps en temps il vient voir notre cher docteur Valso. Vu ses ambitions, j'imagine qu'il est intéressé à tout ce que tu peux lui raconter. »
Pour un instant je décroche les yeux de l'échiquier, je croise le regarde de Rodrigo.
Il esquisse un sourire moqueur de tête à claques.
« Giuliano, je vais vite mettre les choses au clair, moi je m'en tape royalement de l'histoire future, moi je vis le présent. »
« Rodrigo, t'en pas assez d'ici, tu ne crois pas qu'il soit temps de prendre congé ? »
Il baisse d'avantage le ton de sa voix :
« Mais pourquoi... t'as un plan pour nous sortir d'ici ? »
Je n'ai pas d'autre choix, je prends le risque.
« Oui, mais... si je sortais d'ici, une fois dehors, je me ferais chopper en même pas une semaine. J'ai rien pour survivre la-dehors, pas de vêtements, pas de documents, pas de gens qui me cachent. »
« Giuliano, si tu me sors d'ici, à moins d'un jour de marche il a un berger, Ignacio, lui c'est un des nôtres ! »
« Des...nôtres ? »
« C'est un membre du Spartacus, comme je t'avais dit, ils ne furent pas tous arrêtés. Pendant ces années j'ai pu communiquer avec eux. »
« Et comment ? »
« Grâce à mère Tina, elle a toujours passé mes lettres. »
« Et pourquoi mère Tina aurait... non, attends ... ne me dis pas que mère Tina et toi... »
Il éclate de rire.
« Non, non, je suis dans un état d'abstinence grave, mais pas jusqu'à ce point-là ! Mère Tina a toujours eu une forte sympathie pour le Communisme. Attention, c'est un secret, si ça sort d'ici, on va la foutre dans la merde avec l'Eglise ! »
Après une courte pause, il reprend :
« Ignacio nous cachera pendant quelques jours, il alertera les autres camarades, ils enverront quelqu'un qui nous ramènera à Buenos Aires. Si on arrive à Buenos Aires, ça y est, c'est gagné, ils nous cacheront pour quelque temps et ils nous procureront même des nouveaux papiers ! »
Nous nous regardâmes dans les yeux pour quelques fractions de seconds, longues comme une éternité.
« Ecoute-moi bien. Dans la salle de bain de la bibliothèque il y a une fenêtre. De la fenêtre on peut accéder à un dépôt où, deux fois par semaine, le mercredi et le samedi soir, c'est-à-dire demain, à 19h pile, un camion entre avec deux types.
Ils viennent déposer les réserves de nourritures. Le modèle de camion est de ceux qui sont accessibles par l'arrière, via deux portes.
Ceux deux-là, je les ai observés plusieurs fois, ils font toujours les mêmes gestes : après avoir coupé le moteur, ils descendent du camion et ils se dirigent vers la partie postérieure du camion, le chauffeur ouvre les deux portes, prend la première caisse et la passe à l'autre qui la dépose dans le magasin. Ils font comme ça pendant un quart d'heure environ et puis ils s'en vont.
La surveillant à la sortie ne les arrête jamais, il ne les regarde même pas, celui-là passe ses journées à lire des journaux !
Il sort du poste de garde, ouvre le portail, il les laisse passer et puis il retourne à sa lecture. Nous on doit tout simplement nous substituer à eux. »
« Simplement... et comment tu comptes les immobiliser ? Comment tu comptes... »
« Quand ils seront tous les deux devant les portes arrière, avant que le chauffeur les ouvre, à cet instant-là, ils seront l'un à côté de l'autre. Derrière eux, il y a une pile de caisses et d'autres objets qui serviront de cachette, dans le dépôt il y a aussi beaucoup des bouteilles vides, on leur casse une bouteille en tête, une chacun et on les fait tomber dans les pommes. »
« Je sais le faire, je l'ai déjà fait, mais c'est pas une méthode infaillible. »
« Si ça marche pas, un direct à la mâchoire et c'est bon. »
« Et une fois tombés dans les pommes, on en fait quoi ? »
« Dans le dépôt, parmi tous les objets, j'ai vu des cordes et une pile de nappes, on les ligote et on les musèle avec les nappes, ça, ça nous donnera un peu de temps. »
« J'ai jamais conduit un camion, au fait j'ai jamais conduit tout court, et toi ? »
« Oui, je sais conduire un camion, je l'ai appris à l'armée. »
« Pourquoi, les camions du futur... sont comme ceux d'ici ? »
« Oui, grosso modo. »
Après un long silence.
« Alors, Rodrigo on y va ? »
Il hoche la tête.
« Une dernière question, pourquoi ce samedi ? »
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L'hôte
Science FictionGiuliano vit à Paris. Un jour, il se réveille en 1936. Comment est-ce possible ? Comment revenir en arrière ? Si Giuliano change le cours de l'Histoire, que se passera-t-il dans son présent ? Une succession d'événements dans l'espace et dans le te...