27 - Ortiz vs Fresco

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Buenos Aires, 31 décembre 1940.

Pendant que la guerre dévore l'Europe et que Paris se prépare tristement à organiser le jour de l'an sous l'occupation nazie, de l'autre côté de l'Atlantique, Buenos Aires vit la frénésie des préparatifs du jour de l'an.

Le Président de la République, Roberto Ortiz, donnera un discours peu avant le minuit du 31 décembre, c'est le sujet de conversation depuis des semaines : l'Argentine entrera en guerre ? Et de quel côté se rangera-t-elle ?

Dans quelques heures il sera minuit, des journalistes des plus importants journaux étrangers parcourent les rues de la Recoleta, en direction de la Villa Floreal, une parmi les nombreuses villas qui caractérisent ce quartier.

Ortiz fait face à une opposition de plus en plus grandissante à cause de sa décision de garder une position neutre pour le pays ; au sein de la classe politique il y a de plus en plus de supporteurs d'une entrée en guerre, parmi eux Manuel Fresco.

Ancien gouverneur de la Province de Buenos Aires, archiconnu pour son admiration envers les régimes totalitaires d'Hitler et de Mussolini, il a critiqué plusieurs fois la politique neutre de l'Argentine :

« Les puissances de l'Axe se partageront le monde, de nouveaux schémas émergeront après ce conflit, l'Argentine est en train de perdre une occasion historique ! » a-t-il répété dernièrement.

Les victoires de l'Axe lui donnent raison, pour le moment.

Fresco bénéficie d'un consensus fort et grandissant parmi les couches populaires de la capitale, probablement à cause du fait que trois quarts de la population de Buenos Aires a des origines italiennes – beaucoup sympathisent avec les succès de Mussolini – depuis qu'il a le Duce, tout le monde nous craint ! Avant un Italien ne valait rien ! Aujourd'hui tout le monde nous respecte ! j'ai entendu ces mots plusieurs fois dans les ruelles de la Boca.

Ortiz doit remonter dans l'opinion publique, se rapprocher des couches populaires, du cœur de l'Argentine ; il lui faut un élément sur lequel faire levier pour regagner la faveur du peuple.

Et il n'y a qu'une chose qui prend aux tripes son peuple : le tango.

Le tango remplie d'orgueil les Argentins – une des rares choses qui soit née en Argentine et n'a pas été copiée du reste du monde – le tango enflamme les débats sur les styles musicaux ou de danse, et depuis la mort de Gardel il n'a jamais été si populaire.

Ortiz a ainsi décidé de soutenir ouvertement le tango, d'apparaître comme son pygmalion, il n'hésite pas à se faire photographier avec les plus grands compositeurs, il fréquente les milongas les plus prestigieuses et il insère Carlos Gardel dans presque chaque discours :

« Un homme capable de fusionner des éléments primordiaux, venants des différentes cultures qui ont donné vie à la nation, pour atteindre des sommets nouveaux et sublimes, des sommets consacrés par une renommée mondiale et indiscutable ! »

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