Chapitre 2 Partie 1

25 3 0
                                    

16 juin 2012

Los Angeles, Californie.


« Au secours ! »

La mare de sang sous la tête de Peter s'élargissait de façon démesurée.

« VENEZ NOUS AIDER ! JE VOUS EN SUPPLIE ! »

La panique l'envahissait. Il allait mourir. Il allait...

Elle se réveilla en sursaut dans un cri.

Immobile, elle fixa le mur, bouche bée, le temps de reprendre son souffle.

Encore ce fichu cauchemar.

Depuis vingt ans, les événements de cette époque la hantaient, et elle revivait régulièrement en songe ce jour maudit. Des centaines d'heures de psychanalyse avaient échoué à la débarrasser de ce rêve récurrent.

Elle jeta un coup d'œil au réveil. Six heures vingt-deux. Elle savait qu'elle ne se rendormirait plus, alors autant se lever. Elle fila directement sous la douche pour laver la transpiration produite durant son sommeil agité. Au passage, elle jeta dans le bac à linge, la nuisette en tulle imprégnée de sueur. Bien qu'aucun homme ne partageât sa vie, elle portait toujours des tenues sexy pour dormir. Pas question pour elle de se laisser aller.

Une fois rafraîchie et vêtue d'un épais peignoir mauve, elle descendit à la cuisine, où elle retrouva son paquet de cigarettes. Elle en alluma une et tira lentement dessus. Elle garda longtemps la fumée dans les poumons puis recracha doucement. Elle toussa. La première bouffée du matin : à la fois la meilleure et la pire.

À côté du frigo, elle hésita à se faire un café à la machine Nespresso, mais comme toujours après une nuit tourmentée, elle préféra la cafetière pour préparer une dose plus conséquente. Elle termina sa clope en attendant que le café passe. Puis, un mug à la main, elle alla se poser devant la baie vitrée du salon pour admirer le jour naissant. Elle ralluma une cigarette et savoura l'instant. Autant profiter au maximum du calme avant la tempête, car la journée serait éprouvante. Il y avait la préparation de l'émission, bien sûr, mais surtout le résultat pour le poste. Elles étaient encore trois en lice ; la concurrence était rude.

Elle pensa à Peter. Sans doute à cause du rêve. Cela faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas appelés, trop occupés par leurs jobs respectifs. Elle envisageait de l'inviter cet été, histoire de le voir avant la fin de l'année.

Depuis qu'il était parti pour Seattle (six ans déjà !), ils ne se voyaient plus que pour Noël, qu'il venait passer chez elle. Ce moment était le meilleur de l'année, quand leur mini-famille était enfin réunie. Les retrouvailles n'avaient pourtant jamais rien d'extraordinaires. Les dernières nouvelles de leurs vies étaient généralement expédiées à l'apéritif, la pluie et le beau temps pendant l'entrée... puis ils se taisaient. Mais Shirley aimait cela. Elle fréquentait tant de moulins à paroles dans le milieu de la télé, qu'un dîner avec son frère le taiseux était une bénédiction. Surtout, ils étaient unis par un amour pudique et discret, se passant parfaitement de fioritures telles que les mots.

Elle vit à l'horloge qu'il était l'heure de se préparer. Elle laissa le mug dans l'évier pour la femme de ménage, écrasa son mégot dans le cendrier en marbre, et fila dans la penderie. On annonçait une nouvelle journée chaude, aussi opta-t-elle pour une tenue aérée : une tunique sans manche, rouge sombre – pour mettre sa chevelure blonde en valeur – et largement décolletée, avec un pantalon blanc léger et des sandales marrons à lanières croisées avec des talons de huit centimètres. Ainsi vêtue, elle attrapa son sac à main (celui que Peter comparait à un sac de plage, sous prétexte qu'on aurait pu y caser un parasol) et se dirigea vers le garage. Elle enflamma une nouvelle cigarette, démarra la Range Rover Evoque blanche et prit la route du studio.

Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant