Chapitre 1 Partie 2

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Philip Butler ne croyait pas aux accidents d'avion. Les chiffres du transport aérien étaient clairs : la probabilité d'être victime d'un crash était de une sur onze millions. Négligeable. Mais quand même plus élevée que la probabilité de gagner à la loterie. Et pourtant, il jouait.

Étrange, cette façon qu'avaient les gens d'alterner rigueur scientifique et irrationalité au grès de leurs désirs. Quoi qu'il en soit, Uncle Pennybags, n'avait pas jugé que le risque encouru fût suffisant pour justifier qu'il boucle sa ceinture.

Quand l'appareil piqua du nez pour entamer une chute libre, il décolla de son siège et se fracassa le crâne au plafond, puis il fut projeté vers l'avant du compartiment passagers, au milieu d'une tornade d'objets volants : magazines, verres en plastiques, restes de repas, ordinateurs portables, etc.

Par réflexe, Peter se cramponna aux accoudoirs, comme si cela pouvait l'empêcher de tomber avec l'avion. La carlingue tremblait si fort qu'il était difficile de distinguer quoi que ce soit. Le chaos avait jailli soudainement. Tout le monde hurlait ; des objets et des gens (oui, des gens !) volaient, bringuebalés comme des poupées désarticulées, se cognant de toutes parts contre les parois.

Quelque chose lui tomba sur la tête. Il leva les yeux et aperçu un masque à oxygène pendant du plafond. Il l'enfila et tenta de respirer calmement comme leur avaient expliqué les hôtesses.

Le Boeing penchait à quarante-cinq degrés et continuait de choir comme une enclume. En dessous, c'était l'océan et la mort qui attendaient les cinq cents passagers.

Peter porta la main à sa poitrine et, à travers sa chemise, serra la médaille de sainte Rita qui ne quittait jamais son cou. Dans la circonstance – et puisqu'il ne voyait rien d'autre à faire – prier la sainte patronne des cas désespérés lui sembla approprié.



— Shirley, je suis terriblement déçu.

Le directeur avait retiré ses lunettes et la fixait de ses yeux tristes et froids.

— Tu es sa grande sœur, tu aurais dû veiller sur lui, l'empêcher de faire cette bêtise.

— Je ne voulais pas... se défendit la jeune fille. Il a été si vite... J'ai essayé de... Mais il n'écoutait pas et...

Les adultes en général, et les membres du corps enseignant en particulier, ne considéraient aucun drame assez grand pour s'abstenir de vous sermonner. Bien qu'elle tremblât encore, suite à la frayeur qui l'avait saisie moins d'une heure plus tôt, et quoique l'angoisse la dévorât d'une manière bien visible, elle n'aurait droit à aucun mot de réconfort de Bubanski, celui-ci estimant qu'il était plus urgent de l'engueuler.

Surtout, les mots du directeur trouvaient un écho particulier au fond de son âme. Car il avait raison, pensait-elle. Elle aurait protéger son frère, éviter ce drame. Mais elle avait failli, et à présent, sa seule famille était peut-être en train de mourir par sa faute. Elle se sentait terriblement coupable.

Elle se laissa déborder par le chagrin qui montait depuis plus d'une heure et les larmes se mirent à couler sur ses joues.

— Je veux... voir... mon frère... s'il vous plaît... sanglota-t-elle.

Le vieil homme laissa s'installer un silence dramatique puis, lentement, d'une manière exagérément théâtrale, alla ouvrir la porte du bureau, devant laquelle la surveillante patientait comme un garde-chiourme.

— Mlle Handson, dit-il à la jeune femme, ramenez Shirley au dortoir, je vous prie.

Puis se tournant vers l'enfant en pleurs :

Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant