Chapitre 37

11 3 0
                                    

Michaël Millman posa son portable sur le bureau en face de lui, puis se leva et se dirigea vers la porte, qu'il entrebâilla discrètement. Trois agents de la Sécurité Militaire arpentaient le couloir. En l'apercevant, l'un d'eux s'approcha. Il portait un costume bleu marine et une cravate bleu clair à fines rayures noires. Il ressemblait plus à un politicien qu'à un agent spécial.

— Monsieur, s'il vous plaît, nous vous avons demandé de rester dans vos bureaux.

Il se planta devant lui dans une posture se voulant autoritaire, qui n'impressionna guère le journaliste le dominant d'une tête.

Michaël lui claqua la porte au nez et retourna s'asseoir. Il se mit à réfléchir à un plan en sirotant tranquillement son café. Inutile de paniquer ; toujours garder son sang-froid. Cette leçon apprise à l'armée avait fait de lui l'homme le plus posé qui soit, en toutes circonstances. Cette personnalité collait somme toute assez bien à son physique distingué de type nordique – blond aux yeux bleus, culminant à un mètre quatre-vingt-quinze.

Le siège de l'immeuble était cerné par les troupes fédérales et le parking bouclé, inutile de tenter quoi que ce soit par là. Conclusion : s'il ne pouvait descendre, il devait monter.

Le toit.

Mais comment l'atteindre ?

Il but son café jusqu'à la dernière goutte. C'était un des meilleurs au monde, le Bourbon Pointu Premium de la Réunion. Il lui coûtait cinquante-cinq dollars le paquet mais ça en valait la peine. Depuis qu'il avait connu la guerre et ses privations, Michaël Millman avait décidé qu'il ne voulait plus que le meilleur pour le reste de sa vie. En café comme en vin, il ne buvait que des grands crus. Ses vêtements étaient faits sur-mesure. Sa montre et sa voiture étaient haut de gamme et hors de prix.

Rien à voir avec un quelconque snobisme. Ce faste du quotidien compensait juste les conditions spartiates qu'il devait parfois subir pendant plusieurs semaines, lorsqu'il partait en reportage dans les pays en guerre.

Aujourd'hui, c'était dans sa propre patrie qu'il s'apprêtait à utiliser ses talents de baroudeur.

Une évasion ! Cela faisait longtemps qu'il n'avait plus eu à faire ça.

Depuis l'époque où il était marine.

Depuis sa fenêtre, il pouvait voir le cordon sanitaire établit autour de l'immeuble. Il compta une trentaine de voitures. Quoi qu'ait fait Shirley, ça avait fâché en haut lieu.

Il réfléchit. Son bureau et le toit n'étaient séparés que par un unique étage, désaffecté de surcroît. S'il arrivait à l'atteindre, ce serait gagné. Il attrapa son sac de voyage, celui qui ne le quittait jamais, où qu'il aille dans le monde, et chercha à l'intérieur le matériel adéquat. Pas d'arme, évidemment – il y avait renoncé en devenant journaliste. En revanche, il sortit une longue corde dotée d'un grappin.

De belles acrobaties en vue...

Il ouvrit la fenêtre et se pencha au dehors, dos dans le vide, pour observer au-dessus de lui. Le but était de lancer le grappin assez fort pour briser la vitre à l'étage supérieur. Aussitôt dit, aussitôt fait. Une fois la corde fermement amarrée, il entreprit de grimper le long de la façade. Cela faisait fort longtemps qu'il n'avait plus joué les funambules, il espérait n'être pas trop rouillé, sans quoi, une chute de cinq étages mettrait un point final à sa carrière de trapéziste amateur.

Ayant atteint la fenêtre, il brisa la vitre complètement en prenant garde de ne pas se couper et pénétra à l'intérieur, atterrissant au sol dans une élégante roulade. Remis debout, il s'épousseta et tendit l'oreille. Comme il avait prévu, une clameur montait de la rue. Les agents l'avaient repéré jouant à Spiderman et l'alerte était en train d'être donnée.

Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant