Chapitre 42

12 3 0
                                    

Le VEG en aurait surpris plus d'un. Dans l'esprit des gens, un objet capable de produire plus d'énergie que quarante centrales nucléaires, devait avoir une certaine taille – gros comme un immeuble, disons.

Eh bien non.

L'appareil, de forme conique, avait la taille d'une bouteille de vin. Sa surface, parfaitement lisse, réfléchissait la lumière comme du métal poli.

Un objet anodin en somme. Presque un gadget. Et pourtant...

En soixante ans d'étude, les scientifiques n'avaient toujours pas réussi à comprendre le fonctionnement de l'engin. À peine étaient-ils capables de décrire sa structure. Il s'agissait d'un cône d'aluminium creux, à l'intérieur duquel on avait fait le vide.

Rien d'autre.

Pourtant, lorsqu'on l'alimentait électriquement (en posant à sa surface les bornes d'une batterie, par exemple), il émettait un rayonnement énergétique ultra-puissant. Un peu d'énergie en entrée, beaucoup en sortie, créée à partir de rien. Quasiment miraculeux.

L'énergie était ensuite captée par des panneaux spécifiques, du type panneaux solaires. On en avait trouvés dans l'épave de Roswell, et eux, contrairement au VEG, étaient faciles à reproduire. Une enceinte de la taille d'un immeuble de trois étages avait été tapissée de panneaux de ce type, et on avait placé le générateur au centre, relié à une ligne électrique.

Il n'y avait plus alors qu'à appuyer sur On pour disposer d'une source d'énergie sans fin.

Le professeur Tikhonov avait fait construire un sanctuaire pour son beau joujou extraterrestre. Un bunker antiatomique à vingt mètres sous la surface du sol, avec des murs en béton armé de trois mètres. À l'intérieur, pas un bruit du tumulte de la base ne pénétrait.

Il régnait un silence de sarcophage.

La chose noire entra dans le caisson et s'approcha de la petite pyramide argentée. La surface métallique courbe lui renvoya un reflet déformé d'elle-même. Elle la caressa de sa patte griffue.

Le but de son périple. Enfin ! Elle avait traversé l'Univers et affronté mille dangers pour lui.

Et elle allait le détruire.

En 1968, un jeune docteur en physique prénommé d'Ernest Aïtken avait fait une découverte sur le VEG qu'on qualifia de majeure, pour la simple raison que c'était la seule avancée notable jamais réalisée sur le sujet. Il n'y en avait d'ailleurs pas eu d'autres depuis.

Le phénomène (auquel on donna le nom d'effet d'Aïtken) consistait en l'apparition d'arcs énergétiques, comparables à des arcs électriques, lorsqu'un objet métallique entrait en contact avec la surface du générateur durant son fonctionnement. Ce qui avait pour résultat de provoquer un court-circuit au sein même de l'engin.

En poussant le niveau, pouvait-on aller jusqu'à le détruire ? Les équations ne concluaient pas sur la question et les savants n'avaient pas voulu tenter l'expérience.

La chose noire, elle, avait la réponse.

Elle retira la médaille de sainte Rita autour de son cou et la posa sur le générateur comme sur un présentoir à bijoux. Puis, elle se rendit dans la salle de commande et mis l'appareil en route en se branchant sur le groupe électrogène. Elle programma une montée en puissance rapide, tout en prenant soin de désactiver les systèmes de sécurité censés couper l'alimentation en cas de surtension.

Le VEG commença par irradier une luminescence bleue très douce, pareille à une veilleuse pour enfant, qui se transforma rapidement en un halo aveuglant. Les premiers arcs apparurent à la surface – rayons d'énergie pure crachés dans l'air, replongeant immédiatement au cœur du magma éblouissant.

Dans quelques secondes, la charge serait si forte, qu'un effondrement spatio-temporel se produirait, qui engloutirait la boule d'énergie et l'enverrait se perdre dans les tréfonds du cosmos. La mission de la chose noire était donc achevée.

Elle n'avait plus qu'une chose à faire pour être en conformité avec les ordres de ses créateurs.

Elle retourna dans le caisson et se barricada à l'intérieur, noyée dans le flux de photons.

Quand l'implosion provoqua une rupture de la structure de l'Univers, l'entité extraterrestre disparut en même temps que tout le reste.

Le phénomène d'effondrement se déroulant à la vitesse de la lumière, il pouvait être considéré comme quasi-instantané par un observateur extérieur. Sitôt le continuum espace-temps fendu, le V.E.G. et le nuage de force l'entourant furent aspirés et recrachés à des millions d'années-lumière, là où nul ne pourrait plus jamais aller les trouver.

Ce tunnel entre les deux points de la galaxie ne resta ouvert qu'un quart de milliardième de seconde, avant que l'énergie ne se dilue dans l'Espace, entraînant une baisse de charge jusqu'au niveau en deçà duquel la déformation spatiale n'était plus tenable. De ce fait, le passage se referma en laissant derrière lui une grosse part d'énergie n'ayant pas eu le temps d'évacuer.

Privé d'échappatoire, le flux de puissance n'eut d'autre recours que de se disperser dans toutes les directions.

En langage commun, on appelle cela une explosion.

Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant