Chapitre 33

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Cela faisait maintenant vingt minutes que le savant fou déblatérait son récit. Shirley était fatiguée, physiquement et psychiquement. Les menottes trop serrées lui faisaient mal aux poignets et le récit du professeur commençait à l'inquiéter. Outre le fait qu'il ne répondait à aucune de ses questions, il était beaucoup trop complet et détaillé. Cela n'augurait rien de bon.

— Pourquoi me racontez-vous tout ça ? demanda-t-elle. Ce sont des informations classifiées. Vous ne craignez donc pas que je les divulgue ?

— Bien sûr que non. Vous ne prendrez plus jamais la parole en public... ni en privé, d'ailleurs.

— Que va-t-il m'arriver ?

— Eh bien, selon la procédure officielle, vous serez jugée à huis clos par un tribunal militaire, selon la loi martiale, et probablement condamnée à perpétuité. Votre détention se fera à l'isolement, dans un pénitencier de sécurité maximale. Vous n'aurez de contact avec personne, pas même avec les gardiens qui auront ordre de ne pas vous parler. Ce type de condamnation ne donne droit à aucune remise de peine et à aucune libération conditionnelle. Vous finirez votre vie en prison, comme ennemie d'État.

— Quelle horreur !

— Rassurez-vous, ça, c'est uniquement si la procédure officielle est appliquée.

— Et sinon ?

— Je sais d'expérience que les gens comme vous n'arrivent jamais jusqu'à leur procès. Vous en savez beaucoup trop. Il y a fort à parier que vous serez éliminée avant. On vous « suicidera » en cellule, ou vous serez abattue en tentant de fuir. Peut-être serez-vous simplement victime d'un « accident ». Tout est envisageable.

— Je vois. Dans ces conditions, aucun risque que je dévoile vos secrets, puisque je vais mourir. Vous pouvez donc tout me raconter sans danger, et en profiter pour soulager votre conscience.

— Qu'est-ce qui vous fait croire que j'ai besoin de soulager ma conscience ?

— Sinon, pourquoi tout me dire avant que je ne meure ?

— Pour me vanter, évidemment. Je suis le plus grand génie de tous les temps. Moi seul ai réussi à percer les mystères d'une science venue du fond du cosmos. J'ai pu dialoguer avec un peuple extraterrestre vivant à plusieurs milliers d'années-lumière. J'ai créé le premier communicateur « hyperspatial » terrien. Einstein et Hawking peuvent aller se rhabiller, ce sont des guignols à côté de moi. Je pourrais être le savant le plus reconnu de la planète si mes travaux étaient dévoilés. Mais ils ne le seront jamais. Le projet restera top secret jusqu'à la fin et le monde continuera d'ignorer mon nom. Alors, vous comprenez que je profite des rares occasions qui me sont données pour faire étalage de mon esprit supérieur.

— Je reconnais que papoter avec des E.T. est quelque chose de peu commun. Et que vous ont-ils raconté ? Ils passent bientôt et on se fait une bouffe ?

— Votre humour est donc aussi mauvais en vrai qu'à la télé ? Pauvre idiote. Toutefois... la question est pertinente, d'une certaine manière. Mais non, désolé de vous le dire, ils ne viendront pas.

— Pourquoi donc ?

— Reprenons depuis le début. C'est le 12 mai 1999 que nous les avons contactés pour la première fois. Nous avions déduit les coordonnées de leur planète des informations recueillies dans la sonde de Roswell, ainsi que la fréquence à laquelle nous devions émettre. Il ne restait plus qu'à ouvrir un tunnel interdimensionnel entre eux et nous.

— Pour quoi faire ?

— C'est évident, voyons, cracha le scientifique avec dédain. Les ondes se propagent à la vitesse de la lumière, or, la planète que nous visions se trouve à vingt-deux mille années-lumière. Si nous nous contentions d'émettre de manière classique, il faudrait à notre signal vingt-deux mille ans pour arriver à destination, et autant pour recevoir une réponse. Le tunnel, en revanche, permet de dialoguer en temps réel. C'est une sorte de raccourci pour les phénomènes ondulatoires.

Dévoré de l'intérieur [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant